Acte (du sensible)

« L’acte du sensible et celui du sens sont un seul et même acte » (Aristote).

Quand nous percevons, nous percevons actuellement l’item en son entièreté physique, c’est « l’acte du sens » (je vois l’arbre devant moi dans le jardin), mais au même moment pénètre « l’acte du sensible », c’est-à-dire le NOM de ce que je perçois, soit le concept, ce qu’Aristote appelle aussi la « forme ». Ce que va plus loin dire Aristote dans son traité magistral (de l’âme), c’est que l’intellect, en revanche, n’est pas toujours “actif”, il n’est pas toujours en train de “penser”, de “réfléchir”, de “produire” de la pensée ; c’est bien pour cette raison que nous percevons bien davantage que nous pensons ce que nous sommes en train de percevoir, nous n’avons pas que cela à faire, en quelque sorte ; cependant que, au moment où je perçois l’arbre, son NOM est “passé” dans le mouvement perceptif, mais sa destination n’est pas oculaire, elle vise l’intellect, qui, à ce moment, peut être actualisé, ou non. Certains chercheurs contemporains en perception, en cognition, parleraient ici de “codes déictiques”: la moindre perception peut nous in-former du concept qui sous-tend l’identité de l’item perçu. À l’inverse, la perception n’est jamais inactive, nous percevons constamment, et nous n’arrêtons que la mort survenue. Belting (article ici) dit qu’Aristote dématérialise la perception de sa matérialité. Mais, bien au contraire, Aristote réussit à nous faire comprendre la division qui s’établit au sein même de la perception, division que nous pourrions appeler la division perceptivo-cognitive, comme une sorte de division du travail ; le travail du percept, qui ne peut pas être potentiel, et le travail du concept (la forme) qui “passe” bien par le “canal” optique, (dans notre cas de perception optique d’un item) mais qui ne signifie pas nécessairement que l’intellect va interpréter le signal (le concept). Ce qu’écrit ici Aristote, il y a plus de deux mille ans, reste parfaitement valable du point de vue de l’acuité et de la justesse de pensée.