Breaking news : Paris ne répond plus, ou le discours ridicule et affligeant des Institutions

Comme 2,74 milliards d’individus, j’ai un compte Facebook. Dans ce qui est appelé le “fil d’actualité”, je vois passer des choses intéressantes, des pensum politiques, des nouvelles dont je me fiche totalement, des choses qui ont l’heur de m’intéresser, et des abominations qui me heurtent (le nombre d’œuvres sans aucun intérêt et sans aucune structure y est par ailleurs considérable). Dernière abomination en date :

Donc, un squelette de poubelle publique renversée, un gant, une espèce de poisson monstrueux, relié par deux bandes bleues à un traversin. Une canette pleine. Et des trucs par terre… Mais, je dois l’avouer, je ne comprends pas grand chose à ce … comment le qualifier ? Heureusement, la légende Facebook nous éclaire :

Notice de la page Facebook Fonds d’art contemporain – Paris Collections https://www.facebook.com/fondsartcontemporain.paris/

Déjà, il faut bien le dire, le titre nous stupéfie par sa poésie : “Sardine Pisces Hot Reality Problem Loving You Make Me Feel Mighty Real”. Mais, sachant que tout lecteur n’est pas anglophone, je me dois de traduire : “Le signe des sardines problème brûlant de la réalité t’aimant me fait sentir rudement réel”. Une fois en français, c’est encore plus parlant. C’est une histoire d’amour entre une sardine tératomorphe et une poubelle nue. Comme on dit : “il fallait y penser !” Je vous sens dubitatif, et vous invite donc à lire la Notice. Si l’on comprend bien, Corre a inventé un personnage dénommé Johnny, qui est un artiste dont le signe zodiacal est le poisson — ascendant idem. Mais cette forte concentration clupeiforme dans une seule personne est si intense qu’elle la déborde ; il faut que l’artiste s’invente un avatar : un poisson ! C’est assez inattendu. Toujours est-il que ce poisson-avatar souffle des idées à l’artiste ; et, si l’on comprend bien, c’est grâce à cet avatar que Corre, l’artiste en vrai, fait de chair et de quelques neurones, promeut cette œuvre qui, vraiment, au niveau du vécu, nous interpelle. Mais, j’ai beau cogiter, je n’y comprends rien. Je  retourne à la Notice, qui est clairement pédagogique : « À partir d’une exploration de la notion de réalité augmentée, sa démarche revendique une dé-hiérarchisation de ses références et éléments.[…] “Sardine Pisces Hot Reality Problem Loving You Make Me Feel Mighty Real” reflète la démarche de Jean-Alain Corre qui assemble régulièrement objets domestiques, formes standardisées et ornements divers, se fondant sur une observation du réel autant que de l’imagination.» Cette précision, si puissante, si élevée intellectuellement et, osons le dire, politiquement, achève de me farcir comme une dinde de Noël. Et, en cela, je ne fais que toujours citer la fine équipe du fond d’acquisition d’art contemporain pour la ville de Paris, la capitale de notre bon vieux pays. Mais, à tout seigneur tout honneur, voici l’organigramme de cette “dream team” :

Que dire face à un tel nectar d’intellection ? Ne sommes-nous pas chanceux d’avoir, en France, des artistes si jeunes et si doués, et repérés et mis en valeur par des équipes administratives si compétentes ? Si ! Nous le sommes, et ce n’est pas sans émotion que je m’en rends compte. Et, il faut bien le redire, c’est dans de telles occasions que nous pouvons constater et vérifier que la question de l’art contemporain est capitale pour nos grandes villes.

 

Léon Mychkine

 


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