Cécile Bart, ‘Silent show’ (CCCOD). Visite et Entretien. Partie 2

Visite explicative 

Lors d’une visite guidée de l’exposition Silent Show avec l’artiste et Delphine Masson, chargée des expositions au CCCOD, nous apprenons quelques éléments de l’art de Cécile Bart. Premièrement, elle peint sur des tissus transparents. Elle appelle ces objets des « peintures/écran ».

Cécile Bart : « Les grands panneaux placés dans l’espace sont des peintures/écran. Elles sont réalisées sur du Tergal « Plein jour », un tissu de voilage communément utilisés pour faire des rideaux. Je peins puis j’essuie pour déboucher la trame, ce qui donne une sorte de teinture. Mes premières peintures/écran remontent à 1987. Il y a ensuite une scénographie, une mise en espace. Étant donné que la peinture laisse voir ce qu’il y a derrière, sa place au mur n’est plus une évidence : elle peut naviguer dans l’espace. D’où une interaction entre les peintures/écran, et l’architecture du lieu. Le troisième élément, ce sont les projections. Et çà c’est assez nouveau, ce sont de courts extraits de films. La référence au cinéma n’est pas nouvelle, elle m’accompagne depuis le début, même si elle n’était pas visible. Ce qui était sous-jacent est devenu un élément plastique. Finalement le cinéma a pris son autonomie, alors qu’avant il était intégré. J’ai emprunté des extraits dans des films où la figure apparaît. J’aurais pu emprunter des paysages. (J’ai souvent dit que mes peintures étaient des peintures de paysage puisqu’on pouvait voir derrière, soit les gens qui passaient, soit les murs, les fenêtres, ce qu’il y avait derrière, etc.) J’ai choisi des extraits où la figure était prégnante, tout simplement parce que j’avais besoin du mouvement. Et dans un film, ce qui bouge le plus, ce sont les corps. Et les corps bougent vraiment bien quand ils dansent. Le mouvement m’intéresse parce que c’est le changement. La lumière naturelle m’intéresse parce que c’est ce qui change – le fait de passer d’un état à un autre. La peinture, elle, passe de l’opacité à la transparence. Quant au visiteur il est mouvant, il regarde et se déplace. Les relations entre les différents éléments, le passage d’un état à un autre sont inhérents au mouvement. On est face aux choses, et à ce moment là, on a une certaine distance, on peut analyser, regarder ; ou alors on est pris dans les choses ; on peut aussi passer au dos des peintures : vous marchez et tout à coup vous êtes dans le faisceau lumineux, vous faites partie du mouvement projeté, vous êtes dans l’action, et vous êtes dans le film, pris par une expérience physique. »

Ci-desssus, quelques extraits de l’exposition ‘Silent show’ (Il n’a pas été possible d’obtenir des extraits filmiques, j’ai donc monté du mieux que j’ai pu des parties prises avec mon ‘smartphone et mon logiciel’)

Entretien

Léon Mychkine : Qu’est-ce qui fait que, sur une peinture, vous vient l’idée de projeter des films ?
Cécile Bart  C’est tout un cheminement. Le cinéma est présent dans mon travail. Il m’accompagne. Il y a quelque chose de très naturel dans le fait, un jour, de franchir le pas, c’est-à-dire d’utiliser vraiment des projections de cinéma.
M : Mais pourquoi le projeter sur une peinture, monochrome ? Quel est le propos ?
B : Ce n’est pas comme ça qu’il faut voir les choses. Le cinéma, ça se projette sur des plans qui sont des écrans. En principe, ces plans ne sont pas transparents. Là ils sont transparents. Ce qui fait que l’image passe, elle reste sur l’écran, et elle va ailleurs.
M : elle déborde
B : Elle va ailleurs. Elle va sur les sols, sur les murs. Ce qui m’intéresse, c’est-d’allier le cinéma, la projection, l’image, avec une prise en compte spatiale de la peinture.
M : C’est très original comme procédé, c’est pour cela que je vous questionne.
B : Peut-être ! D’autres artistes ont fait des spatialisations de projections, de leurs vidéos, sur des écrans ou des murs, mais ce n’était pas transparent.
M : Mais des écrans qu’ils ne peignaient pas. Vous, vous les peignez vos écrans.
BC’est une combinaison qui vient de mes origines : j’étais aussi bien intéressée par la peinture que par l’espace ou le cinéma. Dans une peinture/écran, il y a déjà des rétro-projections : ce qu’on voit derrière vient se projeter sur la toile : ça devient une image, ou plutôt un bout de réalité en temps réel. Si on se déplace, l’image change. On voit un morceau de mur avec une fenêtre et on voit quelqu’un qui passe derrière, et on passe soi-même de l’autre côté. Je me sers de ces éléments – La peinture, la projection, la mise en espace –, pour tisser des liens entre des choses qui sont d’une nature différente ; raconter quelque chose, et intégrer le spectateur au milieu pour qu’il soit actif. À un moment donné, ce qu’on voit sur le mur, c’est une projection, mais on voit aussi les traces de la peinture projetées sur le mur, et quand vous passez derrière, votre ombre vient se mêler à ça, et tout devient plus complexe. Ce qui m’intéresse, encore une fois, c’est de faire se lier les choses et parfois  de les faire se disjoindre. C’est la rencontre, et, après, la distance. Le corps est d’abord impliqué, l’émotion est là, et après, avec la distance du regard, c’est plutôt la cosa mentale
M : L’émotion de quoi ?
B : On est pris dans quelque chose. On ressent des choses. Pour moi c’est ça l’émotion. C’est ne plus en être à analyser et à chercher une justification à ce qu’on voit, se laisser prendre par ce que l’on ressent.
M : Le silence des œuvres participe de cette réflexion.
BOui. Je pense que le silence est important. Parce que s’il y avait une bande-son, on serait dans un environnement qui vous prend en otage. C’est-à-dire que tout serait occupé, et moi j’aime bien les vides. J’aime bien qu’on laisse de la place. C’est très important pour moi.
 

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