Énactivisme

L’énactivisme (‘enactivism’), c’est la capacité d’interagir dans un milieu donné. On a longtemps affirmé que le sujet, en tant que percevant, était capable de percevoir les éléments du monde d’une manière immédiate, totalement active, tout en laissant à penser que ces mêmes éléments du monde étaient inertes. Or, s’il y a monde, c’est parce qu’il y activité. Cette activité a mis du temps à être reconnue comme faisant partie intégrante de notre perception du monde, et au cours de l’Histoire rares sont les philosophes à en avoir rendu compte. On peut citer Locke (1690) qui écrit que les “corps” (‘bodies’) ont le pouvoir de produire des “idées” (‘ideas’) en nous, les corps percevants. C’était, in nunce, la théorie énactiviste. Une bonne définition se trouve chez Bence : « D’après une version de l’énactivisme, la perception est un processus actif et dynamique entre l’agent et l’environnement et cette interaction dynamique n’a pas besoin (ou peut-être même ne le pourrait pas) d’être médiatisée par des entités statiques telles que des représentations. Une autre version de l’énactivisme souligne le fait que lorsque nous voyons une scène, la scène entière dans tous ses détails n’est pas codée dans notre système perceptuel. Seulement des petites portions le sont : celles auxquelles nous assistons. Les détails du reste de la scène ne sont pas codés du tout, mais ils sont disponibles pour nous tout du long — nous avons un accès perceptuel immédiat pour eux sans les représenter ». Se joue, dans cette définition, une opposition entre l’énactivisme, et le représentationalisme, théorie qui suppose que le corps humain est un système qui, “naturellement”, repère les éléments du monde extérieur grâce à un système de “représentation”. Ce système interne n’est pas “personnel”, tout le monde possède le même. Voilà pourquoi un philosophe représentationaliste nie la subjectivité et y oppose une objectivité des perceptions et idées que nous pouvons avoir du monde. On peut critiquer suivant plusieurs biais la thèse représentationaliste ; mais s’il y a bien un domaine où elle ne s’applique pas, c’est bien dans le domaine esthétique.

Plus simplement : Le monde naturel et mental sont des domaines énactifs, ils sont actifs. Rien n’est inerte. Prenons un exemple trivial : Certaines personnes sont susceptibles au temps qu’il fait, un ciel bleu gemmé d’un soleil brillant rend heureux, tandis qu’un jour de pluie rend maussade. Voilà l’énactivité en acte. Les choses agissent sur nous et elles participent de notre perception et représentation de ce qui nous entoure et de ce que nous pensons. On comprend que le sujet énactif ne peut pas, à lui seul, faire exister le monde. Descartes écrit fameusement dans son Discours de la Méthode que s’il le désire, il peut conclure que les passants dans la rue sont des spectres, que le monde extérieur n’existe pas, et que même son corps est fictif… Une telle disposition phénoménologique est impossible si on prend appui sur la position énactive.

 

Références

Bence Nanay, 2105, ‘Perceptual Representation/Perceptual Content’, In The Oxford Handbook of Philosophy of Perception, Oxford UP /// Roy Jean Michel: http://intellectica.org/SiteArchives/actuels/n60/60-3-Roy.pdf