Sur le website du MoMa, on peut voir deux monotypes d’Edgar Degas. Les bras m’en tombent. Jugez-en :
Notice (extrait) MoMa : « Ces deux monotypes, parmi cinquante motifs de paysage faits entre 1890 et 1893, ont été inspirés par un voyage en malle-poste à travers la Bourgogne. Exécutés vaguement et presque abstraits, ils dépictent [‘depict’, « dépeindre»] l’idée d’un paysage plutôt qu’un lieu ou vue particulière, un concept auquel l’artiste se référait en tant que paysages imaginaires.» La Notice est censée calmer nos ardeurs spéculatives, mais c’est le contraire ! Paysage imaginaire ! Non de non ! Cela me retourne 500 millions de neurones en un tournemain ! Paysage imaginaire. Je croyais que l’expression provenait du fameux magnifique morceau de John Cage… Eh non ! Cela provient de notre cher Hilaire-Germain-Edgar Degas. D’un certain côté, il n’y a rien à dire ; ce qui se tient devant, face aux yeux, est bien cela. D’un autre côté (celui adjacent), s’agissait-il d’essais ? De tentatives ? Le monotype ressortissant à un support non poreux (verre), on supposera qu’il est difficile d’y freiner la peinture, encore plus de s’y repentir. Certes, on peut revenir sur l’épreuve, et ajouter ou retirer cela. Soit. “Forêt dans la montagne” est stupéfiant. En reprenant un terme issu de la philosophie aristotélicienne, en léger différé, je dirais qu’ici nous sommes en présence d’une œuvre-mixte (de mixture, mélange). Mixte, pourquoi ? Cela crève les yeux : L’estampe est divisée en deux parties (voire trois, pour plus tard). Le côté droit dépicte assez patentement un arbre et des herbages. Conjointement à la partie gauche, le soin apporté à la dépiction d’arbre et herbage est étonnante, à tout le moins :
Notez comment le vert va se mêler au végétal (Notez qu’il y a deux sortes — sortaux —, de vert).
Si je saisis bien, nous avons affaire à deux états de la forêt ; un état classique, et un état “avant-gardiste”, non ? Tout à coup, une question : Où est la montagne ? Est-ce ceci ?:
Certainement. Car ce n’est sûrement pas la grosse tâche verte unie à tête d’animal préhistorique qui en fait office… Nous resterons sur un mystère.
PS. J’ai traduit “carriage” par malle-poste. Dans les années 1890, en France, on peut voyager via hippomobile en diligence ou en malle-poste ; cette dernière était plus onéreuse, plus rapide, et plus réduite en place. Je ne suppose donc pas qu’il se fût agi s’en l’espèce d’une diligence qu’emprunta Degas.
Léon Mychkine
Soutenez Art-icle en faisant un don via PayPal