Jeux Vidéo à la Fondation du Doute

Le 21 octobre, nous étions conviés au vernissage du collectif One Life Remains, en résidence à la Fondation du Doute (Blois, Loir-et-Cher). Le collectif présentait, d’un côté, des jeux vidéos de personnalités anti-‘maintream’, produisant des jeux vidéos alternatifs ; et, de l’autre, leurs propres jeux qu’ils inventent. On pourrait se demander quel est le point commun entre art contemporain (ce que représente la Fondation du Doute), et jeux vidéos ? L’immédiat point commun, c’est l’aspect ludique: Depuis Tristan Tzara et le Dadaïsme, l’art est doté d’une part d’interactivé de la part du spectateur — ce que Bourriaud appelle aussi « l’art relationnel ». La dimension ludique, dans l’art contemporain, il faut bien le dire, est largement admise ; il y a déjà longtemps que le spectateur est invité à faire exister, à participer avec l’oeuvre, et, là encore, nous retrouvons Duchamp parmi les pionniers. Ceci dit, la grande différence est qu’on ne touche pas une oeuvre de Duchamp — on pourrait même aller encore plus en amont et convoquer la participation requise du regardeur pour faire exister l’expression du tableau, par exemple, ce que Michael Fried appelle l’« absorption », et qu’il détecte dès Caravaggio. Mais la grande différence avec l’interaction ou l’absorption, c’est que la participation ne vaut pas jeu ; c’est-à-dire que cette participation reste ‘mentale’. Il en va évidemment différemment pour un jeu vidéo : on intervient sur le jeu à l’aide d’objets connectés (joystick, manette, pointeur, et, finalement, même le casque virtuel fait participer le corps dans l’environnement du jeu lui-même). L’association jeu vidéo/art contemporain induit donc une implication active du visiteur, il faut qu’il joue, sinon le jeu, littéralement, n’existe pas, il n’est pas actualisé. La première question est donc : Dans quelle mesure actualiser un jeu vidéo relève-t-il d’un geste artistique? Réponse : Néant. N’importe quelle vidéo doit être actualisée (activée) pour pouvoir être jouable ; or tous les jeux vidéo ne sont pas des oeuvres d’art, ni pensés tels. Il faut donc se tourner vers le jeu lui-même, et se demander s’il ne serait pas doté de propriétés intrinsèques (le programme), qui le rendent, de fait, artistique ? Je tenterai de répondre à cette question dans la Partie 3.  

À vrai dire, il y avait, ce soir là, deux propositions offertes par le collectif. La première, par ordre d’entrée, était dans la cour de la Fondation. Il s’agissait de véhicules tous repeints en noir intégral (très rock’n roll) ouverts, dans lesquels on trouvait des jeux vidéos classiques (joystick, souris, écran, unité centrale), mais dont la programmation était tout à fait différente du jeu vidéo mainstream (le lecteur aura compris que le mot mainstream n’est pas utilisé par snobisme, mais que nous n’en avons pas trouvé d’équivalent en Français, pour exprimer l’idée à la fois de quelque chose qui est tout-venant et qui rencontre le succès populaire… ou mondial, plutôt). Les jeux proposés n’ont rien à voir avec ce que l’on trouve dans les magasins de jeux vidéos ; et pourtant, ce sont des jeux. Dans l’arrière-cour de la Fondation, là où se trouve le Pavillon dédié aux expositions temporaires, se trouve une autre présentation ; mais cette fois, tous les jeux sont issus des recherches du collectif One Life Remains.  

jeu3Vue d’une partie de “Garage Game”, dans la Cour du Doute

jeu1Slam of the Arcade Age, seul jeu produit et installé par One Life Remains dans la cour, et dont la particularité est que les manettes de jeu se détruisent à l’usage 

jeu2Vue d’une des voitures « gamée”. 

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Extraits sonores, respectivement, de ‘Slam of the Arcade Age’, Increpare (‘Slave of God’), Jeff Minter (‘Gridrunner’)

Partie 1 Quand il arrive dans la cour, le visiteur est, d’emblée, invité à prendre deux décisions; rester, ou fuir. S’il reste, c’est que la musique (de la musique techno qui s’échappe de chacune des voitures) ne le rebute pas, et qu’il s’intéresse au jeu vidéo ; voire, qu’il est un pratiquant (ces deux points ne sont pas anodins, B. Roy va, dans son petit discours (Partie 1) faire remarquer que le son du jeu auprès duquel il se trouve a été baissé, afin que l’on puisse s’entendre, et, plus tard, nous apprendra que le jeu vidéo, tel que son collectif l’entend, n’est pas directement accessible). Mais passé outre la musique, le facteur crucial est la connaissance… Il faut savoir comment prendre en main les jeux… Or quand on n’a jamais joué, l’affaire est entendue. Inversement, dans le Pavillon, l’ambiance est tout autre. Le calme y règne, et, n’étaient les écrans, l’obscurité y serait totale, car tout à été clos, et même l’entrée précède de lourds rideaux noirs. Il y a un côté ecclésial dans cette affaire digitale… Je me suis entretrenu avec le directeur du collectif, Brice Roy, qui a bien voulu répondre à mes questions, et éclairer le néophyte que je suis en ces matières. Mais avant cela, dans la cour d’entrée, nous aurons eu des petits discours d’introduction, en premier lieu celui d’Alain Goulesque, directeur de la Fondation du Doute (et de l’École d’Art), un aparté de Jean-Marc Moretti, conseiller délégué à la culture Agglopolys (soit la Communauté d’Agglomération de Blois, qui regroupe 48 communes), et enfin celui de Brice Roy. (Il est notable que dans leurs interventions orales, MM. Moretti et Roy rendent hommage à M. Goulesque, pour sa politique d’exposition, sa compétence, et sa disponibilité.) Je retranscris ici les mots de Brice Roy. (je ne retranscris pas le début de l’intervention de M. Goulesque, car c’eût été redondant sur ce qui se dit ensuite. Nous aurons l’occasion d’écouter plus longuement ce dernier dans un entretien qui donnera lieu à un prochain article sur la Fondation du Doute en elle-même.)

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Brice Roy : Pour ‘Garage Game’ [l’exposition située dans la cour et commissionnée par ‘One Life Remains’], le principe même d’avoir ses voitures dans la cour, cinq voitures, plus le bus [le bus de la Fondation], ça part vraiment d’un échange avec Alain [i.e. Goulesque], ça a été un peu un déclencheur pour imaginer une modalité de déploiement et une modalité d’exposition, qui prennent un peu un contrepied par rapport à ce qu’on peut avoir l’habitude de voir, et qui fasse aussi par rapport aux contraintes qu’on avait… Cette exposition [i.e., ‘Garage Game’] vient s’adosser à une exposition principale, qui se déroule actuellement dans le Pavillon temporaire d’exposition ; qui s’intitule public void restart. Ce sont deux expositions assez différentes l’une de l’autre, mais elles ont pour point commun de présenter des créations de jeux vidéo. À chaque fois, ce que vous allez pouvoir découvrir, ce sont des installations vidéoludiques… Donc c’est assez particulier quand on a l’image du jeu vidéo comme d’un programme qu’on lance sur une machine standardisée, comme une console, ou un PC, et qu’on joue, dans son salon ou dans sa chambre… Là, en effet, on n’est pas sur ces codes là… Pourquoi ? Eh bien! ça c’est une démarche qu’on a avec le collectif One Life Remains, depuis maintenant sept ans, qui consiste à amener du jeu vidéo là où on ne l’attend pas, ce qui a deux types d’effet ; le premier, c’est de pouvoir créer d’autres formes de jeux vidéo, de questionner les limites, les propriétés du médium vidéo-ludique, de se l’approprier comme un médium, une expression artistique à part entière, ça c’est une autre démarche, et donc bien sûr, en fonction des lieux où on amène du jeu, on va penser des choses, on va élaborer des propositions particulières. Donc, faire du jeu vidéo dans un espace de type galerie ou musée, ou faire du jeu vidéo dans une cour, ça a un certain nombre de conséquences, c’est une première chose, et puis bien sûr, en amenant du jeu vidéo dans ces espaces là, un enjeu c’est aussi de casser certaines habitudes, et en particulier, bien sûr le jeu video c’est quelque chose d’interactif, qui demande de prendre la manette en main, donc de prendre aussi le contrôle, donc là, le médium en lui-même, produit un effet de rupture par rapport à certaines habitudes qu’on peut avoir dans les contextes d’exposition où on est essentiellement sur le “regardé”, et tenir les choses à distance… Là ça implique, pour avoir accès aux créations qu’on vous propose, de se mettre en danger, et de prendre les choses en main ; ça c’est vraiment une particularité. Alors maintenant pour revenir sur le contenu plus concret des deux expositions, donc ‘public void restart’, dans le Pavillon d’exposition temporaire, là vous allez trouver exclusivement des créations du collectif One life remains, en particulier ‘1000 Galantes’, un jeu qui se joue jusqu’à 25 joueurs, collaboratif, qui se joue à l’aide de pointeurs laser, et qui questionne le rapport à la partition musicale. Vous allez aussi trouver des travaux en cours d’écriture, et puis ‘Génération’, le jeu qui dure 250 ans, qu’on transmet de génération de joueurs en génération de joueurs. Donc des jeux qui questionnent le rapport à la mémoire, à la trace, et qui ont tous aussi pour point commun un certain rapport à l’opacité, au cryptage, à l’énigme, donc ce ne sont pas des jeux qui se donnent d’emblée, ce sont des jeux qui posent une certaine résistance, qu’on ne comprend pas d’emblée, dont les règles ne sont pas toujours explicites, voire, des jeux dont les règles tendent à se dissimuler.  Sur ‘Garage Game’ on est sur une proposition complètement différente, beaucoup plus sur les codes du jeu dans sa dimension festive, avec des liens avec le psychédélisme, la culture du LSD, la culture punk. Donc ça c’est aussi important pour nous. Dans notre démarche on a une approche on va dire très cérébrale, pour caricaturer, et puis on a une approche très punk ; alors ces deux choses parfois se mélangent, parfois cohabitent, et donc c’est vrai que ces deux volets d’exposition sont intéressants de ce point de vue là, parce qu’ils montrent deux faces complémentaires de notre travail, sachant que sur ‘Garage Game’, on est plus sur un travail de commissariat ; on a sélectionné un ensemble de jeux, de créateurs, pour la plupart internationaux. Chaque voiture en fait est dédiée à un auteur, à un artiste. Donc là vous avez le travail d’Increpare [www.increpare.com], qui est un artiste britannique, et ici juste en face le travail de Jeff Minter [http://minotaurproject.co.uk/jeff.php], un autre artiste britannique, et donc par exemple vous allez trouver aussi des jeux créés par Keita Takahashi [http://www.uvula.jp/], un créateur japonais, assez connu, et ‘plug and play’, un jeu de Mario Von Rickenbach [https://mariov.ch], qui est un créateur de jeu suisse, voilà. À l’intérieur du bus vous trouverez des artistes ukrainiens, russes, ou américains. Donc c’est assez représentatif de la diversité du jeu vidéo, du champ des jeux vidéo aujourd’hui, du champ du jeu vidéo contemporain. Donc, sur “Garage Game”, l’idée c’était de penser chaque voiture comme une unité d’exposition à part entière, une unité autonome, comme ‘sound-system’ […] La voiture d’Increpare, c’est vraiment l’idée d’être dans un microcosme, du psychédélisme, une sorte de trip total, immersif, on utilise aussi la voiture pour son effet immersif, avec l’idée de s’enfermer dans une bulle, le temps de la partie, et donc chaque voiture est dédiée à un auteur… Il y a d’autres manières de lire ce rapport à l’exposition de voitures… une manière intéressante, je pense, c’est la question du lien entre la voiture et l’ordinateur. La voiture, c’est, d’une certaine manière l’incarnation du capitalisme, c’est le fordisme, c’est le moment où on commence à produire en série un objet qui d’une certaine manière sait tout faire, c’est une sorte de couteau suisse ambulant, et qu’on va produire en série, qu’on va produire en masse. Mais bien sûr la voiture ce n’est pas simplement l’objet pris en lui-même ; c’est l’objet et le système, l’infrastructure que la voiture amène ; donc c’est les usines, c’est un mode de consommation, d’abord américain — donc la voiture comme incarnation du “way of life” —, et puis c’est aussi les routes, les autoroutes, donc c’est tout un changement, systémique, de la société. L’ordinateur, a le même type de [inaudible], on peut construire une analogie assez forte entre la voiture et l’ordinateur, et puis il y a un dernier axe, c’est la relation entre l’ordinateur et la voiture. Le premier niveau de lecture, c’est celui de l’exposition : ‘Garage Game. Il faut savoir que le jeu vidéo c’est quelque chose qui a commencé à apparaître sous forme de créations qu’on faisait dans son garage, donc il y a tout un ensemble de jeu qui s’appellent des “Garage Games”, donc c’est vraiment un style, une culture… Et puis il y a un deuxième axe, à mon sens, au moins aussi important, c’est la relation entre le type d’expérience qu’on peut avoir au volant, et le type d’expérience qu’on peut avoir dans un jeu vidéo. Souvent, on a pu faire la comparaison entre la voiture et le cinéma, avec notamment la question du défilement de l’image. Mais la différence fondamentale entre une voiture et un film, c’est qu’on n’a pas un volant entre les mains, alors que dans un jeu vidéo, vous avez l’image qui défile, mais vous êtes aux commandes, vous avez ce volant entre les mains, et vous pouvez aussi emmener en balade des personnes qui seraient spectateurs de votre performance.…  

Goulesque : Donc ensuite on va visiter l’exposition dans le Pavillon, et à vingt heures on présente dans la salle qui est derrière nous un jeu …

Roy : de Chirico, dans son esthétique, qui est un jeu important parce que bien sûr il est d’une extrême difficulté, et donc ça c’est un axe aussi particulier dans le jeu vidéo aujourd’hui: pourquoi il y a un rupture culturelle dans le jeu vidéo? Il faut être éduqué au jeu vidéo, pour pouvoir avoir accès, pas simplement en terme de lecture pour comprendre ce qui se passe, mais en termes de savoir-faire, pour arriver à exécuter des choses, comme quand on apprend à jouer du violon. Donc il ny’ a pas d’accès au contenu et à l’expérience d’un jeu vidéo, de certains jeux vidéo, si on n’a pas les savoirs-faire en question, et ‘Nothing’ [i.e., le jeu auquel nous sommes conviés d’assister à vingt heures] est l’incarnation d’un jeu qui vous laisse dehors, qui vous laisse devant la porte, si vous n’avez pas ce savoir-faire… 

Extrait de ‘Nothing’, jeu produit par le collectif One Life Remains :  
 
Mychkine : Tu t’appelles comment ?
Roy : Je m’appelle Brice Roy, je suis artiste numérique, je suis philosophe de formation, et donc j’ai fondé un collectif, le collectif One Life Remains, il y a quelques années, il y a sept ans ; avec André Berlemont, qui est un autre artiste du collectif. Aujourd’hui donc on est quatre artistes au sein de One Life Remains, et on crée des jeux vidéos expérimentaux, des installations vidéoludiques… Là, on va plus trouver des choses qui sont des installations, donc des propositions vidéoludiques mais qui se déploient dans l’espace. Donc là en l’occurrence on est dans le Pavillon temporaire de la Fondation du Doute, donc il y a une série de jeux qui sont présentés là, sous format d’installation.
M : Et donc, chacun de ses jeux est fait par un artiste ou c’est vous…
R : Alors là, l’intégralité de ce qui est présenté à ‘public void restart’ [le nom de l’exposition située dans le Pavillon] qui est donc la deuxième exposition que nous faisons à la Fondation du Doute, on va y trouver exclusivement des créations de notre collectif One Life Remains. […]
M : D’accord… Et donc chaque jeu est original, chaque jeu est une création
R : Voilà
M : Et ça invite à jouer, mais en même à réfléchir à d’autres choses…
R : C’est pas antinomique, on a une conception du ludique, du jeu, qui est un peu différente de celle qu’on peut avoir de prime abord. Souvent on pense au jeu comme une forme de divertissement, mais c’est vrai qu’on n’est pas obligé de le réduire à ça. D’ailleurs il n’y a pas d’opposition entre le divertissement et le fait de réfléchir, ou de proposer des choses plus esthétiques, par exemple, ou plus plastiques, nous on ne voit pas d’opposition entre les deux, plutôt notre travail consiste à interroger du “médium jeu vidéo”, d’en questionner les limites, les propriétés, les frontières… Il y a aussi une démarche, pour un peu situer la démarche du collectif, pour mieux comprendre ce qu’on fait, finalement une autre démarche consiste à amener du jeu vidéo dans des lieux où on l’attend pas, donc ça va être des centres d’art, des galeries, des musées… Ça peut être aussi l’espace urbain, ça peut être des festivals de musique électronique, dans différents types de contexte, on va amener le jeu vidéo, et bien sûr en faisant ça, ça a deux conséquences, d’une part on va créer d’autres formes de jeu vidéo, et puis d’autre part ça va avoir un impact sur les lieux où on les déploie. Donc là par exemple dans un contexte “art contemporain numérique”, une des particularités c’est l’interactivité. Donc ça ça vient casser certaines habitudes qu’on peut trouver, parfois, sur le rapport au regard. Ici, il s’agit de prendre les choses en main. On a des contrôleurs, ça peut être un écran tactile, une manette, un pointeur laser, comme on va le voir tout à l’heure. Mais voilà, ce rapport au faire, au fait de prendre les choses en main, ça c’est un élément important dans notre démarche.
M : Mais qui rejoint la nature même du jeu vidéo, de toutes façons
R : Ah bien sûr ! Ce sont des jeux vidéo, ce ne sont pas des détournements. C’est vrai que, quand on regarde l’histoire du jeu vidéo, dans son rapport à l’art, au début qu’est-ce qu’on avait ? On avait essentiellement des propositions vidéo, ou des sculptures, des installations qui s’emparaient du médium vidéoludique, de différents éléments, extraits de jeux existants, pour les détourner, et en faire d’autres créations. Là, on est plutôt dans la démarche inverse : On part, de plein pied, du médium, et c’est depuis ce médium qu’on jette un regard sur d’autres types de pratique.
[Nous rentrons maintenant dans le Pavillon]
R : L’espace d’exposition est scindé en deux parties. Dans la première partie on va trouver une série de créations du collectif, qui entretiennent toutes un rapport à l’archive.
M : D’accord
R : de différentes manières… Et la seconde partie de l’exposition est dédiée au jeu ‘1000 Galantes’, qui est un jeu collaboratif, sur lequel on a travaillé au long cours. On a commencé à travailler sur ‘1000 Galantes’ en 2013, et donc là on est en résidence à la Fondation du Doute, et donc on a profité de ce moment pour continuer à travailler sur ce jeu, et donc l’installation qui est présentée c’est vraiment une restitution de sortie de résidence.
M : D’accord.
R : Donc on peut commencer par expliquer un peu la première partie.
M : Oui, bien sûr.
R : Alors là on est devant ‘Génération’. ‘Génération’, c’est un projet emblématique du collectif, puisqu’on l’a amorcé en 2010. C’est un peu un point de départ dans la vie du collectif. Alors ‘Génération’ c’est un jeu qui a pour particularité de durer 250 ans.
M : [rires]
 
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“Génération” (sur Iphone 4S)

R : donc qui est voué à être transmis de génération de joueurs en génération de joueurs, dans l’idée qu’un jour, un joueur des héritiers du jeu, puisse voir la fin du niveau. Et donc le jeu est amené à migrer de support en support. Donc là le jeu fonctionne sur un Iphone Génération 4S ; donc pour avoir un ordre d’idée, typiquement ce téléphone n’est plus produit par Apple, il est déjà obsolète. Alors ça prend la forme d’un Tétris en fait. On reprend le principe de Tétris. C’est une sorte d’anti-Tétris, dans Tétris on fait des lignes, pour désaturer l’espace de jeu ; là au contraire il s’agit d’empiler pour monter de plus en plus haut en empilant des blocs…
M : Et donc le fait de dire qu’il va durer 250 ans, ça veut dire qu’on ne peut pas le finir en une journée, c’est ça ? C’est impossible ?
R : Bon déjà il faut savoir que la plupart des jeux vidéo ne se terminent pas.
M : D’accord.
R : Par exemple Tétris n’a pas de fin. Donc si on était de mauvaise foi, on pourrait dire que ‘Génération’ est moins radical que Tétris au sens où il peut se terminer. Il peut se terminer mais en 250 ans. Il ne peut pas se terminer en moins de 250 ans, pour une raison simple, c’est pas simplement la hauteur de la structure [i.e., l’empilement] c’est le principe même de la sauvegarde. C’est un jeu sur la question de la sauvegarde. Dans ce jeu on a une sorte de but intermédiaire, c’est donc d’empiler des blocs, pour atteindre régulièrement des paliers, qui séparent l’espace, donc chaque fois on va empiler des blocs, donc là par exemple j’ai perdu parce qu’il ne me reste plus de ressource [Roy est en train de jouer] ; donc tout ce que j’ai pu construire qui n’a pas été sauvegardé jusque là est effacé. Par contre, ce qu’on peut voir, c’est qu’il y a une partie de l’édifice qui est en gris, et ça c’est une partie de l’édifice qui descend dans les tréfonds de la structure, c’est le résultat de trois ans de performance de jeu. La pièce qu’on présente, on la présente avec la sauvegarde qu’on a gardé depuis le début. C’est la trace de la performance. Depuis le moment où on a commencé à présenter ce jeu, il y a un ensemble de joueurs qui l’ont pratiqué, et donc l’édifice a une certaine hauteur.
M : Il est beau ce jeu.
R : On s’inspire un peu de Mondrian.
M : D’accord. Et alors pourquoi la pièce est plongée dans l’obscurité, plongée dans le noir ? Comment ça se fait ? Ça fait un peu “église” presque.
R : À la différence des “Disciplines du rectangle” [https://www.youtube.com/watch?v=AuGX0z16WEs] qui était présenté de juillet à septembre dernier ici, où là on était sur de la transparence, totale, avec les vitres, il n’y avait pas d’occultation, etc., là on est dans des jeux qui ont un certain rapport au séculaire.
M : D’accord
R : Donc il y a ce rapport en effet à l’église, au monastère, à l’archive, à un temps suspendu. Donc le temps, dans Génération, je voudrais revenir là-dessus : Pourquoi est-ce que ça dure 250 ans ?
M : Oui
R : C’est lié au temps de sauvegarde. Donc à chaque fois qu’on atteint un palier, le but du jeu étant d’atteindre un palier intermédiaire, qu’est-ce qui va se passer ? Ce palier prend la forme d’une ligne, cette ligne va descendre, et elle va scanner l’entièreté de l’édifice qui a été construit par les joueurs jusque là. Donc quand on commence à jouer, on a un édifice qui a une hauteur assez réduite, donc la sauvegarde va durer seulement quelques secondes ; le temps que l’édifice soit balayé. Plus la structure est élevée plus il faut de temps pour que la structure entière soit balayée, et donc on va avoir une sauvegarde qui va durer cinq minutes, une heure, une semaine, deux semaines, un mois etc. Et donc il y a de plus en plus, à mesure qu’on progresse dans le jeu, les temps de sauvegarde sont de plus en plus longs. Voilà. Donc ça c’est une preuve par propriété. À l’occasion de ce temps de sauvegarde, le joueur a la possibilité de découvrir ce qui a été construit par le passé, puisque l’ensemble de la structure est révélé à ce moment là, l’écran défile et on peut regarder tout ce qui a été construit depuis le début.
M : D’accord, très bien, merci pour ces précisions.
(Nous faisons maintenant face à un autre jeu):
R : Donc ça c’est une étape de travail d’un jeu qui s’appelle ‘Gigantomachie’. Alors Gigantomachie c’est une installation monumentale, qui mobilise des manettes de trois mètres de long, et un écran de neuf mètres sur onze. C’est un jeu qu’on appelle un jeu de combat ; donc on contrôle deux créatures qui s’affrontent, à l’aide de ces manettes, et donc bien sûr on se partage la manette. En général on se met à six par manette, et ça ce qu’on voit là c’est une étape de travail, sur un nouveau traitement graphique. Le jeu existe déjà, dans une version finalisée, qui a déjà été présentée dans différents festivals, et là en fait pendant notre passage à la Fondation du Doute on a eu l’occasion de côtoyer certaines œuvres de Nam June Paik [http://www.paikstudios.com/], donc qui est le premier artiste art vidéo ; et il s’est avéré qu’on nous a proposé de travailler à une nouvelle proposition basée sur Gigantomachie, pour le festival des Lumières, de Hong Kong. Et on travaille depuis un certain temps avec Raphaël Kuntz, qui est diplômé du Fresnoy, de la promotion Nam June Paik. Donc c’est une série de circonstances, qui nous ont amené à vouloir faire une nouvelle version du jeu dans sa version graphique. C’est vrai qu’on a cette approche itérative, où on peut très bien remettre en jeu un travail et imaginer une autre version du jeu ; c’est lié aux propriétés du numérique, puisque le numérique rend possible une variabilité, une mise à jour ; souvent dans la culture du numérique, on a une remise à jour, vous avez la version 0.1, 0.2, 0.3 ; on peut le situer dans ce contexte là, également. Donc on a travaillé sur un élément qui nous semblait intéressant : la production de films d’art martiaux dans l’industrie du cinéma de Hong Kong. C’est une industrie assez particulière, qui se caractérise par sa surproduction, donc on a une surproduction de films, et tous ces films sont basés sur le principe du rapport à la star […] Donc la créature qu’on peut voir, est composée d’écrans qui sont autant de séquences d’extraits filmiques, qu’on va pouvoir reconnaître, noyés dans la masse, des figures qui ont justement réussi à s’extraire de cette surproduction, donc on va pouvoir repérer par exemple la figure de Bruce Lee… Et on peut lire d’une autre manière, comme une sorte de revanche du cinéma sur le jeu vidéo. Donc le cinéma et le jeu vidéo entretiennent des relations conflictuelles, puisqu’aujourd’hui l’industrie du jeu vidéo domine celle du cinéma, et de la musique en terme de chiffres d’affaires cumulés, elle les domine. Donc il y a une sorte de renversement du rapport de force : Dans les jeux vidéos on trouve aussi ce genre de marqueurs, sous la forme des scènes cinématiques. Dans un jeu vidéo, le plus souvent, on va trouver des extraits filmiques, des séquences de film, qui vont venir interrompre le flux de la partie, servir de temps de pause, d’introduction, de compulsion. Là, le matériau filmique est utilisé, comme digéré par les avatars, et donc viennent composer la matière des personnages qu’on contrôle [Voir http://www.oneliferemains.com/gigantomachie].
M : Et en vrai, il fait trois mètres de haut ?
R : Ah non non ! Il fait dix mètres de haut. Vous pourrez aller voir, il y a un documentaire qui été fait sur ce jeu et qui est passé sur Arte. Il s’appelle “Let’s play”. [http://creative.arte.tv/fr/article/one-life-remains?language=fr]
M : Ah donc c’est vraiment colossal quoi !?
R : Oui oui. C’est de l’art monumental.
M : Oui c’est ça.
jeu9Gigantomachie (il est très difficile d’obtenir une bonne photographie du jeu Gigantomachie, l’écran initial n’est pas de grande qualité, et la structure bouge sans cesse…)
 
R : Alors toujours sur l’axe “étape de travail”, sur l’axe “documentation” plutôt. Là, qu’est-ce qu’on a en face de nous, on a Slam of the Arcade Age, et alors c’est totalement l’inverse, on a des fragments, qui sont les reliquats de parties qui ont été performées par le passé. Donc ‘Slam of the Arcade Age’ c’est un jeu de course qui se joue à quatre joueurs, qui s’inspire du jeu ‘Track and Field’ [https://fr.wikipedia.org/wiki/Track_and_Field]

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Les sachets contenant les débris manettes du jeu Slam of the Arcade Age, et à gauche une partie des matériaux usagés

pour ceux qui connaissent, c’est un jeu où appuie sur des boutons pour faire avancer son avatar et atteindre en premier la ligne d’arrivée. Mais la particularité de ce jeu est d’utiliser des manettes qui se détruisent pendant qu’on les utilise. Donc elles sont faites de matériaux de récupération, et elles sont par ailleurs sabotées. Et donc, quand les joueurs s’en emparent, elle volents en éclat, et donc progressivement, le jeu se détériore et se dégrade et donc on est sur de l’installation… sur de l’art éphémère, et à chaque fois qu’on présente le jeu, eh bien on reconstruit une nouvelle installation, et on garde un échantillon. Donc là ce que vous avez là ce sont des échantillons qu’on présente dans des pochons, exactement à la manière de ce qu’on peut faire en archéologie, j’ai travaillé avec une archéologue New-yorkaise sur ce rendu là, et ce qu’on va mettre là sur le panneau à gauche, c’est le rendu de l’installation qu’on a faite pour ‘Garage Game’ à la Fondation du Doute, et à la fin du week-end, on va prendre les éléments, ce qui va en rester, et on va le coller là. On va exposer ce qui reste de la performance de jeu. On est sur un autre rapport à la documentation. Et la troisième partie, c’est ce jeu qui s’appelle le ‘Registre Fossile’. Alors c’est un travail en cours d’élaboration, ce que vous voyez là ce n’est pas une œuvre terminée. Ce sont différentes étapes de travail. On va trouver d’abord les prototypes. Donc là il y a différents prototypes, qui sont d’ailleurs jouables, ça permet de voir aussi l’évolution du processus de création. Donc là on a du sorte de bloc, et quand on interagit avec, il vole en éclats, et donc le public a la possibilité de consulter ces éléments… Donc là, dans la version 0.9, par exemple, si on interagit, le comportement est complètement différent. Donc ce travail là, on l’a amorcé il y a deux ans. On a ensuite eu l’occasion de faire une résidence de huit mois, au Centre ‘Couleur et Création’, qui accueille des personnes en situations d’handicap.

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Image d’accueil du prototype du Registre Fossile 

M : qui se trouve où ? 
R : En banlieue parisienne [à Claye-Souilly, en Seine-et-Marne]. Donc, un des axes de travail qu’on a pu creuser, c’est la reprise de ce principe là, un travail avec eux sur le rapport à la sculpture. Alors qu’est-ce qu’on a fait ? En fait on a réalisé des sculptures qui se basent sur ces personnes là. On a réalisé des sculptures numériques en utilisant une caméra 3D, donc chaque personne adopte une pose, qui est liée à la remémoration des souvenirs de travail, un travail sur la question de la mémoire, avec eux. Pendant l’ensemble de la résidence on était filmé en permanence, il y a un documentaire qui a été réalisé, donc ici vous avez un extrait dont on a coupé le son volontairement, pour plutôt mettre en valeur les gestes. Là on les voit travailler avec Claude Sorin, qui est une chorégraphe avec laquelle on collabore fréquemment. Sur cette question des postures, la remémoration des gestes au travail, ce genre de choses. Donc là on a [nous nous dirigeons vers le dernier écran de la première salle] une version avancée du ‘Registre Fossile’. Alors, c’est le résultat final ou le résultat avancé de tout ce processus. Alors qu’est-ce qu’on a ? Le joueur se retrouve comme dans une grande plaine, il peut se déplacer en vue à la première personne, il peut déambuler autour de différentes statues qui sont un peu semblables à des grands bouddhas, qui dominent le joueur par leur taille, on peut tourner autour, on peut regarder. Alors il y a un premier niveau de transgression par rapport au code qu’on peut avoir par rapport à la sculpture, c’est qu’on peut monter sur ces statues, ça c’est déjà particulier, par rapport à cette habitude de ne pas toucher les œuvres d’art, et de certainement pas monter sur des sculptures. Et puis il y a un deuxième acte de transgression qu’on peut avoir, c’est qu’on va pouvoir fouiller à l’intérieur de ces statues, en attirant à soi les blocs de matière dont elles sont composées, et donc ce que vous voyez là, c’est exactement le même principe de ce qu’on a vu dans le prototype, poussé avec une tendance qu’on a imprimé à ces éléments, d’essayer de revenir à leur position initiale. Donc si j’attire ces éléments vers moi, dès que je vais relâcher, ils vont essayer de revenir vers leur position. Alors il y a différentes statues.

jeu11-1L’image d’accueil du Registre Fossile en version avancée

M : C’est très mystérieux
R : Et à l’intérieur de ces statues sont enfouis des objets. Donc là, tout cela on ne le dit pas, c’est aussi au public, dans son rapport aux dispositifs, de creuser. Là on a mis quelques éléments, sur la démarche. C’est une certaine conception du rapport au public, cette idée que, à un moment donné, on n’est pas sur des objets qu’on consomme comme ça, où tout serait donné d’emblée.
M : Voilà il y a vraiment une interactivité en acte, c’est ça ?
R : Au niveau de l’action et au niveau du sens, aussi. De la même manière que regarder un tableau, ça s’apprend, eh bien là ! regarder un jeu vidéo ça s’apprend aussi, mais pratiquer un jeu vidéo ça s’apprend.
 
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Image d’une interaction
 
Dans la seconde salle, se trouve le jeu ‘1000 Galantes’. Nous sommes face à un très grand écran projeté, et, à l’aide d’un pointeur laser, nous dirigeons le faisceau sur le point central. Celui-ci émet alors d’autres points, qui se propagent dans l’espace de l’écran. Quand on vient sur un de ces points en activant le pointeur, apparaît soit une figure géométrique, soit se fait entendre une note. L’intérêt du jeu est qu’on peut y jouer jusqu’à vingt-cinq (!) mais, de fait, moins on est nombreux et moins est riche la palette graphique et musicale.
 
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Le pointeur laser vise le centre de 1000 Galantes
 
Partie 3 Il est temps de répondre à la question que nous avons posée en début d’article : Existe-t-il des propriétés intrinsèques qui permettent de rendre un jeu vidéo “artistique” ? Remarquons déjà que la résidence de concepteurs de jeux vidéo dans un lieu tel que la Fondation du Doute valide, de fait, leur présence en tant qu’artistique ; et ce d’autant plus que du point de vue de la filiation, le collectif One Life Remains se place sous les auspices de Fluxus (Roy cite Paik, par exemple, et A. Goulesque reconnaît une telle inscription). mais  aussi de l’art moderne (Roy cite Mondrian pour le jeu ‘Génération’). Meigh Andrews reconnaît que «[L]a courte histoire de l’art vidéo, qui a commencé au début des années 1960 avec le travail de deux artistes travaillant en Allemagne a des racines dans le mouvement radical anti-art appelé ‘Fluxus’ […] Aussi bien Nam June Paik que Vorstell étaient connectés au mouvement Fluxus ». Mais à écouter Bruce Roy, on remarquera qu’il parle davantage de “jeu vidéo” que “d’art vidéo” (les phrases en ‘exposant’ dans le texte ci-dessus) que d’oeuvre d’art (la phrase en indice). Je cite sous forme de sampling: « amener du jeu vidéo là où on ne l’attend pas », « faire du jeu vidéo dans un espace de type galerie ou musée », « des jeux qui questionnent le rapport à la mémoire, à la trace, […] à l’opacité, au cryptage, à l’énigme […] des jeux dont les règles tendent à se dissimuler. »
Il est patent que Roy ne mentionne quasiment pas le terme « art », comme si, avant tout, il s’agissait de justifier d’abord le jeu vidéo avant valorisation ; valorisation qui, peut-être une fois établie, permettrait donc d’inclure le jeu vidéo en tant qu’oeuvre d’art.
Dans un texte récent, Aurélien Bambagioni, artiste vidéaste et enseignant à l’École européenne supérieure de l’image (Poitiers) est assez catégorique: « A ma connaissance, le jeu vidéo n’existe pas dans l’art contemporain. Tout du moins, le jeu vidéo en tant que produit de loisir interactif de masse n’est pas arrivé à un niveau de maturité suffisant pour pouvoir prétendre à basculer dans le monde de l’art actuel. » Je ne sais pas si Bambagioni a raison en tout point, mais ce qui semble assez clair dès le départ, c’est que l’art n’a jamais été un jeu (et même au théâtre, au cinéma, le jeu de l’acteur ne repose pas sur l’interactivité. Ou encore, une partition de John Cage de piano préparé, si elle demande au pianiste une part d’improvisation, ne peut pas être jouée par n’importe qui). Si l’aspect ludique a pu intervenir dans la “fabrication” de l’oeuvre d’art, il apparaît assez patent que cet aspect n’a jamais été délégué à d’autre qu’à (aux) l’artiste lui-même. Or le jeu-d’art vidéo1  — si art il y a —, semble requérir cette participation active du spectateur-devenant-joueur pour faire art ; or ce serait un renversement dans l’Histoire de l’Art (certes pas le premier) : N’importe qui pourrait faire de l’art, comme ça, en passant. Alors justement, puisqu’il n’est pas rationnel de décréter que chacun est un artiste qui s’ignore (sinon nous tombons dans la démagogie naïve de Beuys d’après laquelle « tout le monde est artiste »), si le joueur peut participer à l’énaction du jeu, c’est que le jeu-d’art-vidéo possède des qualité intrinsèques qui le rendent, de manière opératoire, artistique. De ce point de vue, les pièces les plus patentes qui vont dans ce sens me semblent être le ‘Registre Fossile’, et ‘1000 Galantes’. Le premier a des qualités esthétiques indéniables, il est beau et mystérieux. Le dernier, en sus de son caractère ludique participatif, permet de “faire” de la musique, ce qui est agréable et conciliant. Ces deux jeux permettent donc ce qu’on appelle l’expérience esthétique (qui me paraît tout à coup presque un pléonasme… mais cela pourrait faire l’objet d’un autre article).  
 
 
Références

Bambagioni Aurélien, “Le jeu vidéo et l’art contemporain, un constat personnel”, Amusement #4, blog.abreaction.org /// Fried Michael, 1980, Absorption and TheatricalityPainting and Beholder in the Age of Diderot, The University of Chicago Press /// Meigh-Andrews Chris, 2014, A History of Video Art, Bloomsbury, New York, London /// Parker Felan, 2012, ‘An Art World for Artgames’, The Journal of the Canadian Game Studies Association, Vol 7(11): 41-60 (gamestudies.ca)

 

Note 

1. En Anglais, on distingue entre ‘video art’ et ‘artgame’. Il existe donc l’art vidéo, et le jeux-d’art vidéo, et ce sont deux disciplines distinctes. Nam June Paik a inventé l’art vidéo, mais qui a inventé l’‘artgame’? (Voir l’article de Parker dans les Références).