Joseph Kosuth, “Art After Philosophy”

NB. (01 2019). J’ai traduit ce texte de Kosuth il y a trois ans. Il y a certainement des fautes de frappe. Je prie le lecteur de m’en excuser. Je les laisse telles quelles, car je ne supporte plus de lire ce texte, y ayant passé trop de temps…

On trouvera ici la traduction d’un texte célèbre de Joseph Kosuth, dont c’est la première traduction intégrale, faite par mes soins. Afin de rendre hommage à Kosuth, je me suis amusé à changer les couleurs ici et là. Le texte de Kosuth est écrit en Orange 4 (standard OpenOffice), tandis que mes commentaires et critiques sont écrits en Magenta. Les mots en anglais sont en Turquoise 4 et les renvois de notes en Automatique (noir), tandis que les notes, en bas de page, sont en gris. Le lecteur peut donc lire le texte entier de Kosuth sans se soucier de mes commentaires, s’il le désire. En soi, l’intérêt historique du texte peut parfaitement suffire; mais il m’a semblé qu’il n’était pas possible de laisser le texte de Kosuth indemne d’un regard critique; et ce d’autant plus qu’il intègre, ou souhaite intégrer à sa théorie de l’art, une pensée issue de la philosophie, volonté d’intégration qui ne va pas aller, on s’en rendra compte, sans heurt…

L’Art Après la Philosophie*

Joseph Kosuth

La philosophie traditionnelle, presque par définition, a été concernée elle-même par le non-dit [‘the unsaid’]. L’attention presque exclusive sur le dit par la philosophie analytique au vingtième siècle est l’affirmation partagée que le non-dit est non-dit parce qu’il est indicible. La philosophie hégélienne a fait sens durant le dix-neuvième siècle et a dû apaiser un siècle qui se remettait à peine de Hume, des Lumières, et de Kant.1 La philosophie de Hegel était aussi capable de donner de la marge pour la défense des croyances religieuses, fournissant une alternative à la mécanique newtonienne, et elle convenait à une croissance de l’histoire en tant que discipline, autant qu’en acceptant la biologie de Darwin.2 De même, elle apparut comme une résolution acceptable au conflit entre la théologie et la science. On ne sait pas du tout ce qui pousse Kosuth, en 1969, à écrire que la philosophie traditionnelle a été concernée par le non-dit. Il semble ici intéressé par la philosophie de Hegel, mais on ne voit pas en quoi Hume et Kant seraient les héraults d’une philosophie concernée par le non-dit. Peut-être parce qu’ils chassent définitivement des terres philosophiques le mysticisme qui entoure encore la pensée ?

Le résultat de l’influence de Hegel a été qu’une grande majorité de philosophes contemporains ne sont vraiment qu’à peine davantage que des historiens de la philosophie, des Bibliothécaires de la Vérité, pour ainsi dire. On commence à avoir l’impression qu’il “n’y a rien à dire de plus”. Et certainement que si quelqu’un réalise les implications de la pensée de Wittgenstein, et de la pensée influencée par lui et après lui, la philosophie “Continentale” n’a pas besoin d’être sérieusement considérée ici.On ne peut que constater l’ignorance de Kosuth quant à l’état de la philosophie “continentale”. Mais si Kosuth prend ce parti-pris, c’est parce qu’il défend la philosophie analytique, qui n’est pas une création continentale, mais anglo-saxone (Whitehead, Russell…).

Y a-t-il une cause à l’“irréalité” de la philosophie dans notre époque ? Peut-être que cela peut être répondu en regardant la différence entre notre temps et les siècles qui nous ont précédés. Dans le passé les conclusions que l’homme tirait du monde étaient basées sur l’information qu’il en avait — si non spécifiquement comme les empiristes, alors généralement comme les rationalistes. En fait, et souvent, l’intimité entre la science et la philosophie était si grande que les scientifiques et les philosophes n’étaient qu’une seule et même personne. En fait, depuis Thalès, Épicure, Héraclite et d’Aristote à Descartes et Leibniz, “les grands noms de la philosophie étaient aussi des grands noms en science aussi”.Qu’est-ce qui fait dire à Kosuth que la philosophie, en 1969, est plongée dans l’irréalité ? Kosuth semble vouloir dire qu’en se séparant de la science comme point d’appui heuristique, la philosophie est devenue spectrale, loin des préoccupations du monde réel. Ce qu’oublie aussi de dire Kosuth, c’est qu’aucune grande découverte scientifique, ou même aucune grande théorie scientifique n’a été élaborée par un philosophe. La première loi scientifique, celle de la Chute des Corps, a été pensée et théorisée par Galilée, qui n’était pas préoccupé plus que cela par les concepts classiques de la philosophie.

Que le monde tel que perçu par le vingtième-siècle soit grandement différent de celui du siècle précédent n’a pas besoin d’être argumenté ici. Est-il est possible, alors, qu’en effet, l’homme ait appris tant, et que son intelligence soit telle, qu’il ne puisse pas croire au raisonnement de la philosophie traditionnelle ? Que peut-être il en sache trop au sujet du monde produit ce genre de conclusions ? Comme Sir James Jeans a dit : … quand la philosophie a profité des résultats de la science, cela n’a pas été en empruntant la description abstraite mathématique du modèle des événements, mais en empruntant la description picturale de ce modèle ; ainsi elle ne s’est pas appropriée un certain savoir mais des conjectures. Ces conjectures étaient souvent suffisantes pour l’homme à l’échelle du monde, mais pas, comme que nous le savons, pour ces processus ultimes de la nature qui contrôlent les événements de l’homme à l’échelle du monde, et nous conduisent au plus près de la vraie nature de la réalité 5

Il continue

Une conséquence de cela est que les discussions philosophiques standard de beaucoup de problèmes, tels que ceux de la causalité et du libre-arbitre ou du matérialisme ou du mentalisme, sont basés sur une interprétation d’un modèle des événements qui n’est plus tenable. La base scientifique de ces vieilles discussions a été emportée, et avec cette disparition sont partis tous les arguments…6

Kosuth se sert de Jeans pour nous faire comprendre que la philosophie n’emprunte pas le même chemin que la science, qui semble être celui de la vérité. Comme si la science était le chemin de la vérité. Nous sommes en présence ici d’une sorte de mysticisme de la pensée, qui a caractérisé longtemps une certaine catégorie de thuriféraires de la philosophie analytique : seule une approche strictement grammaticale (la grammaire comme science) allait nous permettre de dégager les scories de la philosophie traditionnelle, et nous permettre d’atteindre la vérité, aussi sûrement que si nous empruntions la voie scientifique. Ce mysticisme a fait long feu… La grammaire ne nous a pas sauvé…

Le vingtième siècle a inscrit dans le temps ce qui pourrait être appelé “la fin de la philosophie et le début de l’art”. Je n’entends pas cela, bien sûr, à proprement parler, mais plutôt comme une “tendance” de la situation. Certainement que la philosophie linguistique peut être considérée comme l’héritière de l’empirisme, mais c’est une philosophie à une seule vitesse.7 Et il y a certainement une “condition d’art” à l’art précédent Duchamp, mais ses autres fonctions ou raisons d’être sont si prononcées que sa capacité à fonctionner clairement en tant qu’art, limite sa condition d’art si radicalement que c’est seulement et minimalement de l’art.8 Ce n’est pas dans le sens mécanique qu’il y a une connexion entre la “fin” de la philosophie et le “début” de l’art, mais je ne trouve pas que cette occurrence soit entièrement fortuite. Bien que les mêmes raisons soient responsables pour les mêmes occurrences, la connexion est faite par moi. Je mets en avant tout cela afin d’analyser la fonction de l’art et subséquemment sa viabilité. Et je fais cela afin de rendre accessible aux autres le raisonnement lié à mon art — et par extension, des autres artistes —, et aussi de fournir une compréhension plus claire du terme “art conceptuel”.9

La première phrase du paragraphe ci-dessus est tout autant grandiloquente que ridicule. Il n’y a pas eu de “fin de la philosophie” au XXe siècle. Bien au contraire. On commence par se dire que Kosuth connaît vraiment mal la philosophie…… Ou bien est-ce parce que, définitivement pour lui, la philosophie est terminée parce qu’elle a abandonné le modèle scientifique ? Quel que soit la réponse, l’argument est faux. Ce qui est intéressant, en revanche, c’est l’affirmation de Kosuth d’après laquelle « le XXe siècle est le début de l’art ». Prise littéralement, cette phrase est fausse. Mais ce qu’à en tête Kosuth, c’est la naissance de l’art « conceptuel », et c’est bien pourquoi il mentionne Duchamp. Kosuth veut expliquer ce qu’est l’art conceptuel, qui lui semble correspondre à ce qu’il fait, et qui semble aussi représenter l’art en tant que “salut” (nous le verrons plus loin.)

LA FONCTION DE L’ART

Les principales qualifications pour la moindre position en peinture est que ces avancées dans l’art ne sont certainement pas toujours formelles. — Donald Judd (1963).

La moitié ou davantage des meilleures œuvres dans les dernières années n’a été ni en peinture ni en sculpture. — Donald Judd.

Tout ce que la sculpture possède, mon œuvre ne l’a pas. — Donald Judd (1967).

L’idée devient une machine qui fait l’art. — Sol LeWitt (1965).

La chose à dire à-propos de l’art est que c’est une chose. L’art est l’art-en-tant-qu’art et le tout le reste est tout le reste. — Ad Reinhardt (1963).

La signification est l’usage. — Wittgenstein.

Une approche plus fonctionnelle pour l’étude des concepts a tendu à remplacer la méthode de l’introspection. Au lieu de tenter de saisir ou de décrire des simples concepts nus, pour ainsi dire, le psychologue investigue la manière dont ils fonctionnent en tant qu’ingrédients dans les croyances et les jugements. — Irving M. Copi.

La signification est toujours une présupposition d’une fonction. — T. Segerstedt.

le sujet des investigations conceptuelles est le sens de certains mots et expressions — et non les choses et les états de fait eux-mêmes dont nous parlons, quand nous utilisons ces mots et expressions. — G.H. Von Wright.

Penser est radicalement métaphorique. Le lien par analogie est sa loi constituante ou principe, son nexus causal, puisque le sens émerge seulement à travers des contextes causaux par lesquels un signe se tient pour (prend la place de) un exemple d’une sorte. Penser à quelque chose c’est prendre cette chose comme sorte (de telle et telle chose) et ce “comme” nous amène (ouvertement ou de manière cachée) à l’analogie, le parallèle, la prise métaphorique ou le terrain ou la saisie ou le dessin par lequel l’esprit seul s’empare. Cela n’a pas de prise s’il n’y a rien à en tirer, car le penser est l’effort, l’attraction de goûts. I.A. Richards.

Dans cette section, je vais parler de la séparation entre l’esthétique et l’art ; considérer brièvement l’art formaliste (parce que c’est un défenseur fervent de l’idée de l’esthétique en tant qu’art), et affirmer que l’art est analogue à une proposition analytique, et que l’existence de l’art est une tautologie qui permet à l’art de rester à l’écart des présomptions philosophiques.

Dire que l’existence de l’art est une tautologie revient à dire que A= A. La citation de Reinhardt « l’art est l’art en tant qu’art » est une tautologie. Ce que veut dire Kosuth avec l’expression « proposition analytique » n’est pas très clair. Nous allons voir cela si le devient…

Il est nécessaire de séparer l’esthétique de l’art parce que l’esthétique a à voir avec les opinions sur la perception du monde en général. Dans le passé, l’un des deux volets de la fonction de l’art était sa valeur en tant que décoration. De fait, toute branche de la philosophie qui traitait de la “beauté” et ainsi, du goût, était inévitablement obligée de discuter aussi de l’art. En dehors de cette “habitude” a grandi la notion qu’il y avait une connexion conceptuelle entre l’art et l’esthétique, ce qui n’est pas vrai. Cette idée ne s’est jamais heurtée radicalement avec des considerations artistiques avant des temps récents, non seulement parce que des caractéristiques morphologiques de l’art ont perpétué la continuité de cette erreur, mais, aussi, parce que les autres “fonctions” apparentées de l’art (description [‘depiction’] de thèmes religieux, la portraiture d’aristocrates, les détails de l’architecture, etc.) ont utilisé l’art pour recouvrir l’art.

Il est intéressant de voir que Kosuth veut séparer l’art de l’esthétique. Cependant, il est étonnant de lire que « l’esthétique ait à voir avec les opinions sur la perception du monde en général. » Tout d’abord, l’esthétique n’est pas une question d’opinion. À la racine du mot, nous trouvons le terme grec “aisthesis”, sensation, et donc ce qui est esthétique est ce qui, d’abord, plaît aux sens. Que se mêle ensuite ou pendant, aux sens, des “idées”, c’est tout à fait possible. Mais l’esthétique ne repose pas d’abord sur une opinion. Cependant que l’art moderne/contemporain ne doive d’abord en passer par l’esthétique, c’est, effectivement, un apport de l’art “moderne”: on peut très bien en passer d’abord par le concept, pour, ensuite, revenir à une expérience esthétique plus classique. 

Quand les objets sont présentés à l’intérieur d’un contexte d’art (et jusqu’à récemment les objets ont toujours été utilisés) ils sont éligibles à la considération esthétique comme le sont les objets dans le monde, et une considération esthétique d’un objet existant dans le domaine des arts signifie que l’existence de l’objet ou son fonctionnement dans le contexte de l’art est non pertinent pour le jugement esthétique.

La relation de l’esthétique à l’art n’est pas étrangère à celle de l’esthétique à l’architecture, en ce que l’architecture a une fonction très spécifique, et comment son “plan” [‘design’] est “bon” est premièrement relié à comment elle exécute correctement [‘performs’] cette fonction. Ainsi, les jugements sur ce à quoi elle ressemble correspondent au goût, et nous pouvons voir qu’à travers l’histoire différents exemples d’architecture sont louangés à différentes époques en fonction de l’esthétique de ces époques particulières. La pensée esthétique est allée si loin qu’elle a fait des exemples d’architecture pas du tout reliés à “l’art”, des travaux d’art en eux-mêmes (i.e., les pyramides d’Égypte).

Les considérations esthétiques sont en fait toujours externes aux fonctions ou aux raisons-d’être de l’objet. À moins, bien sûr, que la raison-d’être de cet objet soit strictement esthétique. Un exemple d’objet purement esthétique est un objet décoratif, car la fonction décorative primaire est “d’ajouter quelque chose, afin de le rendre plus attirant ; un bibelot, un ornement”10 et cela est directement relié au goût. Et cela nous conduit directement à l’art “formaliste” et à la critique.11 L’art formaliste (peinture et sculpture) est l’avant-garde de la décoration, et, à strictement parler, d’aucun pourrait raisonnablement affirmer que la conditon de l’art [‘the art condition’] est si minimale que, s’agissant des intentions fonctionnelles [‘functional purposes’] ce n’est pas du tout de l’art. Plus que tout autre, Clement Greenberg est le critique du goût. Derrière chacune de ses décisions il y a un jugement esthétique, avec des jugements qui reflètent son goût.

Et que reflète ce goût ? La période durant laquelle il a grandi est la “vraie” période  pour lui : les années cinquante.12

Comment peut-on autrement prendre à son compte, sachant ses théories — si elles sont dotées d’une quelconque logique — son désintérêt pour Frank Stella, Ad Reinhardt, et d’autres applicables à cette grille historique ? C’est parce qu’il est “… essentiellement indifférent aux motifs expérientiels personnels”.13 Ou, en d’autres termes, “leur œuvre ne convient pas à son goût” ?

Mais dans la tabula rasa philosophique, “si quelqu’un appelle cela art”, comme l’a dit Don Judd, “c’est de l’art”. À partir de là, la peinture et la sculpture formalistes peuvent être admises comme “condition d’art” [‘art condition’], mais seulement en vertu de leur présentation en termes de leur idée de l’art (i.e., une toile de forme rectangulaire tendue sur un support en bois avec telles et telles couleurs, utilisant telles et telles formes, donnant telle et telle expérience visuelle, etc.). Si quelqu’un regarde l’art contemporain sous cette lumière alors on réalise l’effort créatif minimal pris du côté des artistes formalistes spécifiquement, et de tous les peintres et sculpteurs (qui travaillent ainsi aujourd’hui) généralement.

Nous y sommes : ce qui importe, en art, ce n’est pas l’esthétique (le beau, l’agréable), c’est l’idée. L’ « idée » de l’art en tant qu’art vient chasser l’esthétique, et re-valide son existence. Mais cela suffit-il ? S’il y a des critères esthétiques (historiques, modernes, contemporains), y a-t-il des critères à l’idée ? Non. Kosuth injecte dans la notion d’ « idée » une force semblable à celle qui supportait, traditionnellement, l’art : le beau, l’intelligible. (Kosuth ne mentionne pas le lien historique entre le beau et l’intelligible, mais ce n’est pas un hasard.) Il est bien évident qu’il existe, depuis Duchamp, un art conceptuel ; mais cela veut-il dire que l’art ne doit être que conceptuel ?

Cela nous conduit à réaliser que l’art et la critique formalistes acceptent comme définition un art qui n’existe que depuis des raisons morphologiques. Pendant qu’une grande quantité d’objets ou d’images similaires (ou des objets ou des images visuellement apparentés) peuvent être apparentés (ou connectés) en raison d’une similarité de “lectures” visuelle/expérientielle, d’aucun ne peut prétendre depuis ceux-ci une relation artistique ou conceptuelle.

Il est évident que la dépendance de la critique formaliste à la morphologie conduit nécessairement à un biais vers la morphologie de l’art traditionnel. Et dans ce sens leur critique n’est pas apparentée à une “méthode scientifique” ou n’importe quelle sorte d’empirisme (tel que Michael Fried, avec ses descriptions détaillées de peintures et autres falbalas voudrait nous faire croire). La critique formaliste n’est rien de plus qu’une analyse d’attributs physiques d’objets particuliers qui font qu’ils existent dans un contexte morphologique. Mais cela n’ajoute aucune connaissance (ou faits) à notre compréhension de la nature de la fonction de l’art. Et cela ne dit rien sur comment ou non les objets analysés sont même des œuvres d’art [‘works of art’]. En fait, pourquoi ils ne commentent pas les éléments conceptuels dans les œuvres d’art est précisément parce que l’art formaliste n’est un art qu’en vertu de sa ressemblance avec des œuvres d’art plus anciennes. C’est un art bêtifiant [‘mindless’]. Ou, comme Lucy Lippard a si succintement décrit les peintures de Jules Olitski : “c’est de la musique d’ambiance visuelle” [‘visual Muzak’].14

Kosuth juge qu’une bonne partie de l’art qui lui est contemporain (en cette fin de ces années 60) est « formaliste » ; c’est-à-dire que c’est un art qui obéit à des critères désuets (le beau, le plaisant). Non seulement une partie de l’art est, de fait, réactionnaire ou conservatrice, mais cette anomalie temporelle est justifiée par la critique (Michael Fried sévèrement moqué). D’après Kosuth, donc, l’art « formaliste » n’existe qu’en vertu d’un « contexte morphologique » (les formes du beau, du plaisant, etc.), et si nous retirons ce contexte, comme un tapis sous les pas, alors l’art formaliste s’effondre. Tandis qu’ inversement, l’art conceptuel tient de par son idée.

Les critiques formalistes et les artistes similaires ne questionnent pas la nature de l’art, comme je l’ai dit ailleurs :

“Être un artiste maintenant signifie questionner la nature de l’art. Si quelqu’un questionne la nature de la peinture, alors on ne peut pas questionner la nature de l’art. Si un artiste accepte la peinture (ou la sculpture) il accepte la tradition qui va avec. C’est parce que le mot art est général et que le mot peinture est spécifique. La peinture est une sorte d’art. Si vous faites des peintures vous acceptez déjà la nature de l’art comme étant une dichotomie peinture-sculpture dans la tradition européenne.”15

L’art conceptuel, d’après Kosuth, ne peut pas prendre appui sur la peinture ; à un point tel que la peinture semble trop compromise avec la tradition européenne. Puisque Kosuth est extrêmement radical dans ses jugements, on peut dire qu’une telle affirmation est stupide. En quoi la peinture témoignerait, en elle-même, d’une compromission avec la tradition ? C’est absurde. Malévitch s’est-il compromis dans un geste réactionnaire ? Et Klee, et Kandinsky, sont-ils dans la “tradition” et donc dans un geste attardé de l’art ?

L’objection la plus forte que quelqu’un puisse lever contre la justification morphologique pour l’art traditionnel est que les notions morphologiques de l’art incarnent un concept a priori impliqué quant aux possibilités de l’art. Et un tel concept a priori de la nature de l’art (tel que séparé des propositions analytiques construites de l’“oeuvre”, dont je parlerai plus tard) rend, en fait et a priori : impossible de questionner la nature de l’art. Et ce questionnement de la nature de l’art est un concept très important dans la compréhension de la fonction de l’art. En fait, nous pouvons porter au crédit de Marcel Duchamp d’avoir donné à l’art sa propre identité. (D’aucun peut certainement voir une tendance à l’auto-identification de l’art commençant avec Manet et Cézanne à travers le cubisme,16 mais leurs œuvres sont timides et ambigues en comparaison de celle de Duchamp.)

Kosuth semble vouloir dire que les artistes qui ont vécu avant le vingtième-siècle, ont été incapables de questionner réellement la “nature de l’art”. C’est bien présomptueux de sa part ; et, encore une fois, ridicule. Qu’une telle chose que l’“art” existe doit, assurément, à une très longue expérience esthétique et tout autant conceptuelle sur ce que doit être l’art au cours des âges, nonobstant les contraintes imposées, ici et là, par différents courants de pensée.

L’art “Moderne” et les œuvres antécédentes semblent connectées en vertu de leur morphologie. Une autre manière de dire cela est que le “langage” de l’art reste le même, mais qu’il disait de nouvelles choses. L’événement qui a rendu concevable la réalisation qu’il était possible de “parler un autre langage” et de n’en pas moins faire sens en art a été le premier Ready-made de Marcel Duchamp. Avec le Ready-made sans assistance [‘unassisted Ready-made’], l’art a changé son centre d’intérêt de la forme de langage de ce ce qui avait été dit. Ce qui veut dire que cela a changé la nature de l’art depuis la question de la morphologie à la question de la fonction. Ce changement — celui depuis l’“apparence” à la “conception” — a été le début de l’art “moderne” et le commencement de l’art conceptuel. Tout art (après Duchamp) est conceptuel (en nature) parce que l’art n’existe que conceptuellement.

Kosuth fait de Duchamp le hérault de l’art conceptuel et, surtout, celui qui rend possible un “autre langage”. Il n’est pas sûr que personne, avant Duchamp, n’ait jamais tenté de parler un autre langage. En revanche, ce que provoque Duchamp, et qui est inédit dans l’Histoire de l’Art, c’est bien le ready-made. S’ensuit une déclaration fracassante : Tout art (après Duchamp) est conceptuel (en nature) parce que l’art n’existe que conceptuellement. C’est une proposition, comme on dit en philosophie analytique : rigide. Il est certain que Duchamp a ouvert une porte qui ne s’est jamais refermée. Cette porte, et sans jeu de mots, a ouvert et découvert un champ considérable d’exploitation et de prospection pour l’art lui-même. Il est bien vrai que Duchamp a rendu l’art conceptuel, mais une partie seulement, car on peut sûrement faire de l’art sans en passer par Duchamp. Mais Duchamp est un gros morceau ; un gros poisson, et on ne peut pas l’éviter quand nous naviguons dans les eaux internationales de l’art. Il ne s’agit pas ici de récapituler tout l’impact et l’héritage de Duchamp, l’affaire est entendue pour tous ceux qui s’intéressent à l’art moderne et contemporain. Ce que l’on peut dire, c’est que Duchamp a véritablement défoncé les frontières de l’art, laissant à l’artiste le seul bénéfice solipsiste de la décision : « Je » décide que telle chose, tel objet, telle fabrication, est une œuvre d’art. Duchamp ne fonctionne pas tant sur le concept que sur la décision. C’est la décision qui fait “art”, non pas le concept. Le concept, pour ainsi dire, suit.

La “valeur” des artistes particuliers après Duchamp peut être évaluée en regard de comment ils ont questionné la nature de l’art ; ce qui est une autre manière de dire “ce qu’ils ont ajouté à la conception de l’art” ou ce qui n’était pas là avant qu’ils ne commençassent. Les artistes questionnent la nature de l’art en présentant de nouvelles propositions quant à la nature de l’art. Et pour faire cela on ne peut pas être concerné par le “langage” transmis par l’art traditionnel, puisque cette activité est basée sur la supposition qu’il n’y a qu’une seule manière d’encadrer les propositions de l’art. Mais le vrai matériau de l’art est en fait grandement lié à la “création” de nouvelles propositions.

Duchamp n’est pas le premier a avoir questionné la nature de l’art, car on peut supposer que n’importe quel artiste, si tant est qu’il faut honnête et exigeant, s’est toujours questionnée sur la nature de l’art. En revanche, Duchamp est certainement le premier à avoir dissous les frontières de l’art, et surtout, à y avoir fait entrer ce qui n’y avait jamais pénétré. Il nous a bien embêté avec cela ; car, et effectivement à partir de lui, tout peut faire art, que cela soit conceptuel ou non — n’en déplaise à Kosuth… De ce point de vue, il n’est pas sûr que Duchamp est un artiste conceptuel ; c’est quelque chose de plus spécial ; c’est un révolutionnaire, dans le sens catastrophique du terme.

Il est souvent dit — particulièrement en référence à Duchamp — que les objets de l’art (tels que les Ready-mades, bien sûr, mais tout art est impliqué dans cela) sont jugés en tant qu’objets d’art [en français dans le texte] des années plus tard et que les intentions des artistes deviennent hors de propos. Ainsi, n’importe quelle chose physique peut devenir un objet d’art, c’est-à-dire, peut être considérée de bon goût, esthétiquement plaisant, etc. Mais cela n’a pas d’influence sur l’application de l’objet dans le contexte de l’art ; c’est-à-dire, son fonctionnement dans un contexte d’art. (P.ex., si un collectionneur prend une peinture, lui attache des jambes, et l’utilise comme table à manger c’est un acte sans rapport à l’art ou à l’artiste, parce que, en tant qu’art, ce n’était pas dans l’intention de l’artiste.)

Kosuth semble tout à coup relativiser l’importance, la décision solipsiste de Duchamp, puisqu’il convoque un véritable cliché, à savoir, le jugement du temps : « les objets de l’art sont jugés en tant qu’objets d’art des années plus tard… ». Duchamp n’avait absolument rien à faire du jugement du temps : il a décidé, tout seul, et sans aucun moment de doute, que les objets qu’il présentait étaient, de facto, des œuvres d’art. Et l’Histoire lui a donné, quasiment, immédiatement donné raison. D’une manière plus générale, l’artiste n’a rien à faire du jugement du temps, on aurait envie de dire “le jugement moral” (des mœurs)… : il sait ce qu’il fait, et c’est tout ce qu’il a besoin de savoir.

Et ce qui est vrai pour Duchamp s’applique aussi à la plupart de l’art après lui. En d’autres termes, la valeur du Cubisme — par exemple — est son idée dans le domaine de l’art, non pas ses qualités physiques ou visuelles vues comme peinture spécifique, ou la particularisation de certaines couleurs ou formes. Car ses couleurs et formes sont le “langage” de l’art, non pas sa signification conceptuelle en tant qu’art. Regarder maintenant un “chef-d’oeuvre” cubiste en tant qu’art n’a aucun sens, conceptuellement parlant, si tant est que l’art soit concerné. (Cette information visuelle qui était unique au langage du cubisme a été maintenant généralement absorbée et a beaucoup à voir avec la façon dont chacun s’occupe “linguistiquement” de la peinture. [I.e., ce qu’une peinture cubiste signifie expérimentalement et conceptuellement pour, par exemple, Gertrude Stein, est au-delà de notre spéculation parce que le même mot peinture “signifiait” quelque chose de différent que ce qu’il signifie aujourd’hui.] Maintenant la “valeur” d’une peinture originale cubiste n’est pas différente, à de nombreux égards, d’un manuscrit original de Lord Byron, ou du The Spirit of St. Louis tel qu’on peut le voir à la Smithsonian Institution. (En fait, les musées remplissent la même fonction que la Smithsonian Institution — pourquoi autrement l’aile du Jeu de Paume du Louvre montre les palettes de Cézanne et Van Gogh aussi fièrement qu’elle montre leurs peintures?) Les œuvres actuelles de l’art sont un peu plus que des curiosités historiques. Aussi loin que l’art soit concerné, les peintures de Van Gogh ne valent pas mieux que sa palette. Ce sont tout deux des articles pour collectionneurs.17

Il y a, chez Kosuth, une véritable haine de la peinture. On peut se demander ce que la peinture lui a fait ? Il rejette la peinture cubiste, par exemple, comme il rejette la palette de Van Gogh… Quel est le rapport entre les deux ? Les tableaux de ce dernier ne valent pas mieux que sa palette… Tout cela est excessif et, encore une fois, ridicule. Car l’affranchissement de la mimésis, il ne faut pas l’oublier, constitue le préliminaire à l’émancipation du matériau. Qu’est-ce qu’un coup de pinceau ? Qu’est-ce qu’un coup de brosse ? Et, sans les émancipateurs tels que Van Gogh, pas de Toroni, artiste conceptuel s’il en est…

L’art “vit” en influençant un autre art, non pas en existant comme le résidu physique des idées d’un artiste. La raison qui fait que différents artistes du passé sont de nouveau “ramenés vivants” est parce que certains aspects de leur œuvre devient “utilisable” par des artistes vivants. Qu’il n’y ait pas de “vérité” de ce qu’est l’art ne semble pas être assez pris en compte.

Quelle est la fonction de l’art, ou la nature de l’art ? Si nous poursuivons cette analogie que les formes prises par l’art constituent le langage de l’art alors on peut comprendre qu’une œuvre d’art est une sorte de proposition présentée dans le contexte de l’art en tant que commentaire sur l’art. On peut aller plus loin et analyser les types de “propositions”.

Le fait de dire que l’art ne devient qu’une « proposition », un « commentaire sur l’art », signale ce que l’on va appeler le postmodernisme (un terme employé dès 1973 par Robert Smithson à-propos de l’art de Duchamp). Si le postmodernisme signale la fin des « grands récits » (Lyotard 1978), la fin des ‘master narrative’ (Danto 1997), soit des « récits maîtres », alors on peut envisager, si le jugement est valide, que l’art ne devient que citationnel, ou bien qu’il n’est plus lié à aucun courant : la multiplicité disséminatoire de l’art contemporain empêcherait tout “récit” unificateur. Cette impossibilité de relier entre elles les “propositions” ne signifie pas nécessairement que le “grand récit” unificateur ne soit plus possible. L’art, dans sa diversité, a explosé durant le XXe siècle, et cette explosion, comme le Big Bang, continue de se répandre dans la galaxie des objets culturels humains. Cette explosion en processus ne nous délivre, pour le moment, que des fragments. Mais il n’est pas interdit de supposer que dans des temps ultérieurs, nous serons à même de distinguer des “ensembles”, des groupes d’artistes, des tendances révélatrices de certains courants.

L’évaluation de Kant par A. J. Ayer de la distinction entre l’analytique et le synthétique est utile pour nous ici : “Une proposition est analytique quand sa validité dépend seulement des définitions des symboles qu’elle contient, et elle est synthétique quand sa validité est déterminée par les faits de l’expérience.”18 L’analogie que je vais tenter de produire est celle entre la condition de l’art et la condition d’une proposition analytique. En cela elles n’apparaissent pas plus croyables qu’autre chose, ou à-propos de quelque chose (autre que l’art) que les formes de l’art finalement les plus clairement référables seulement à l’art ont été des formes les plus proches de propositions analytiques.

Les œuvres d’art sont des propositions analytiques. C’est-à-dire, si elles sont vues dans leur contexte — en tant qu’art, elles ne fournissent aucune information au sujet d’elles-mêmes. Une œuvre d’art est une tautologie en ce que c’est une présentation de l’intention d’un artiste, c’est-à-dire, il dit que cette œuvre d’art particulière est de l’art, à savoir, c’est une définition de l’art. Ainsi, que ce soit de l’art est vrai a priori (ce que Judd veut dire quand il dit que si quelqu’un appelle cela de l’art, c’est de l’“art”).

Kosuth soutient l’idée, la proposition, que les œuvres d’art sont des propositions analytiques. Il se revendique d’Ayer, qui se base sur Kant, le premier à avoir opéré cette bi-distinction entre les “propositions”. Kant parle aussi de « jugements ». Tout jugement est opéré depuis un sujet vers un prédicat. La question que l’on se pose, alors, c’est « où est le prédicat ? ». Si le prédicat B appartient au sujet A, alors nous avons un jugement analytique ; si le prédicat B est « en dehors » (Kant) du sujet A, alors nous avons un jugement synthétique. « Des jugements analytiques (affirmatifs) sont donc ceux dans lesquels la connexion du prédicat avec le sujet est pensée par identité, tandis que ceux dans lesquels cette connexion est pensée sans identité doivent s’appeler justement synthétiques. […] Tous les corps sont étendus, c’est un jugement analytique. Car je ne dois pas sortir au-delà du concept que je lie avec le corps, pour trouver l’extension, comme jointe à lui… » (Introduction à la Critique de la Raison Pure).

Depuis l’exégèse kantienne, Kosuth soutient donc que « les œuvres d’art sont des propositions analytiques ». Mais, a-t-on envie dire de suite : c’est impossible. Pourquoi ? Parce que le “sujet” de l’art (son idée) ne contient pas son prédicat (ce qui est visé par l’idée). Un exemple : Kosuth nous dit que Duchamp est l’instigateur de l’art conceptuel. Mais Duchamp n’a pas, semble-t-il, et jusqu’à plus ample informé, eu l’idée du porte-bouteille en tant qu’objet d’art déjà fait (‘ready-made’) avant d’avoir effectivement vu et décidé que ce porte-bouteille serait une œuvre d’art. C’est en présence de l’objet, hors-contexte, anonyme dans le registre de l’art, que Duchamp a cette idée. On voit par là que si l’art est conceptuel avec/à partir de Duchamp, lidée du concept, si l’on peut dire, ou bien le concept de l’oeuvre, n’est pas analytique : puisque l’idée du ready-made apparaît a posteriori à la présence, la vue, de l’objet. Ce n’est qu’en présence des l’objet que sa fonction change. Mais, et de toutes manières, d’une façon plus générale, si l’on prend la thèse de Kosuth à la lettre, alors seuls peut-être les mots et les phrases peuvent prétendre au titre de « proposition analytique » ; et ce n’est donc pas un hasard si Kosuth a bâti son œuvre sur l’exposition sémantique des choses, ou la pure expression d’un mot ou d’une phrase. Mais si l’on prend l’oeuvre de Kosuth comme mètre étalon de l’art conceptuel, alors très peu d’artistes seront intégrés dans cette catégorie de l’art. Or, force est de constater que les artistes ne sont pas tous souciés de savoir s’ils étaient/ou pas, dans le concept, sans pour autant n’en pas avoir moins fait de l’art.

En fait, il est presque impossible de discuter de l’art en termes généraux sans parler de tautologies — car tenter d’“attraper” l’art avec une autre “poignée” c’est simplement se focaliser sur un autre aspect ou qualité de la proposition, qui est généralement sans rapport avec le travail-d’art [‘artwork’] de la condition d’art. On commence à réaliser que cette “condition d’art” de l’art est un état conceptuel. Que les formes du langage dans lesquelles l’artiste élabore [‘frames’] ses propositions soient souvent des codes ou des langages “privés” est une issue inévitable de la liberté de l’art depuis des contraintes morphologiques ; et il s’ensuit de cela que l’on doit être familier avec l’art contemporain pour l’apprécier et le comprendre.

Kosuth avance l’idée d’une « condition d’art » (pour qu’il y ait art), et cette idée est intéressante : car il est bien certains que la plupart des artistes — en tant que tels — possèdent chacun une idée précise d’une condition quant à leur art. Après, que cela aboutisse nécessairement à des conclusions tautologiques (c’est de l’art parce que c’est de l’art, ou bien c’est de l’art si on dit que c’est de l’art) ne semble pas une “condition” suffisante.

De la même manière on comprend pourquoi “l’homme de la rue” est intolérant envers l’art artistique et demande toujours à l’art un “langage” traditionnel. (Et on comprend pourquoi l’art formaliste se vend “comme des petits pains”.) Seulement dans la peinture et la sculpture les artistes parlent tous le même langage. Ce qui est appelé “Nouveauté de l’Art” par les formalistes est souvent une tentative pour trouver un nouveau langage, bien qu’un nouveau langage ne signifie pas nécessairement l’élaboration de nouvelles propositions : i.e., la plupart de l’art cinétique et électronique.

Une autre manière de poser cela, en relation avec l’art, qu’Ayer a affirmé à-propos de la méthode analytique dans le contexte du langage serait celle-ci : La validité des propositions artistiques n’est pas dépendante d’une présupposition empirique, encore moins esthétique, au sujet de la nature des choses. Car l’artiste, comme un analyste, n’est pas concerné directement par les propriétés physiques des objets. Il est concerné par la manière (1) dont l’art est capable de croissance conceptuelle, et (2) comment ses propositions sont capables de suivre logiquement cette croissance.19 En d’autres termes, les propositions de l’art ne sont pas factuelles, mais linguistiques dans leur caractère — c’est-à-dire qu’elles ne décrivent pas le comportement des objets physiques ou même mentaux ; elles expriment des définitions de l’art, ou les conséquences formelles des définitions de l’art. Par conséquent, nous pouvons dire que l’art opère dans une logique. Car nous verrons la marque caractéristique d’une enquête purement logique qui est concernée par les conséquences formelles de nos définitions (de l’art) et non par des questions de fait empirique.20

« Les propositions de l’art sont linguistiques dans leur caractère »… Ici, nous avons une volonté d’annoncer à la fois la naissance de l’art (au début du texte) et en même temps un dogmatisme appuyé, et outrancier. Comment serait-il possible de ne produire de l’art qu’à partir d’énoncés linguistiques ? On reconnaît là une façon de faire, propre à l’époque à un certain type de philosophes analytiques, dont l’arrogance le disputait à la naïveté des prophètes fraîchement convertis : la philosophie trouvera la vérité en se conformant aux énoncés linguistiques les plus précis et logiques possibles… On sait ce qu’est devenu cet augure… (Il est “au tas”, comme on dit en langage familier). Il semble évident que les artistes conceptuels aient des “idées” préalables à leurs réalisations ; mais il n’est pas sûr du tout que ces propositions puissent se formuler qu’en termes linguistiques. En quelque sorte, même l’oeuvre conceptuelle pure, déborde le cadre linguistique proprement dit. Les propositions pseudo-logiques de Kosuth ont déjà été critiquées comme une « théorie incohérente de l’art » (Costello 2007) (Costello rappelle aussi ceux qui l’ont critiqué : Osborne, Sclafani, De Duve, entre autres.)

Pour le redire, ce que l’art a de commun avec la logique et les mathématiques est que c’est une tautologie ; i.e., l’“idée de l’art” (ou “oeuvre”) et l’art est la même et peut être appréciée comme art sans aller en dehors du contexte de l’art pour vérification.

D’un autre côté, considérons pourquoi l’art ne peut pas être (ou a des difficultés dans ses tentatives de) une proposition synthétique. Ou, pour le dire ainsi, quand la vérité ou la fausseté est vérifiable sur des assises empiriques. Ayer postule :

… Le critère par lequel nous déterminons la validité d’une proposition a priori ou analytique n’est pas suffisant pour déterminer la validité d’une proposition empirique ou synthétique. Parce qu’il est caractéristique des propositions empiriques que leur validité ne soit pas purement formelle. Dire qu’une proposition géométrique, ou un système de propositions géométriques, est fausse, c’est dire qu’elle est self-contradictoire. Mais une proposition empirique, ou un système de propositions empiriques, peut être libre de contradiction et restée fause, non pas parce que elle est formellement déficiente, mais parce qu’elle faut [du verbe « faillir »] à satisfaire du matériau pour le critère.21

Il est incohérent de supputer que l’art quelque chose de commun avec la logique et les mathématiques pour la simple et bonne raison que l’art n’est pas une science.

L’irréalité de l’art “réaliste” est due à son élaboration en tant que proposition d’art en termes synthétiques : on est toujours tenté de “vérifier” la proposition empiriquement. L’état du réalisme synthétique ne nous ramène pas d’un mouvement circulaire dans un dialogue avec les constructions plus larges portant sur les questions de la nature de l’art (telle que l’oeuvre de Malévitch, Mondrian, Pollock, Reinhardt, le jeune Rauschenberg, Johns, Lichtenstein, Warhol, Andre, Judd, Flavin, LeWitt, Morris, et d’autres), mais, plutôt, on est jeté en dehors de l’“orbite” de l’art dans l’“espace infini” de la condition humaine. Kosuth semble ici rêver d’un art absolument fait pour l’esprit, mais un tel art ne saurait exister : nous sommes toujours confrontés à une interprétation qui doit aussi en passer par l’expérience autre que de la pensée elle-même. (Écouter “du” Gérard Grisey c’est peut-être en passer par une construction mentale de la musique, mais c’est aussi, tout bonnement, l’écouter avec ses oreilles…)

L’Expressionnisme Pur, pour continuer dans les termes d’Ayer, pourrait être considéré tel : “Une phrase qui consisterait en symboles démonstratifs n’exprimerait pas une proposition authentique. Ce serait une simple éjaculation, pas du tout caractérisant ce à quoi elle serait supposée référer.” Les œuvres expressionnistes sont souvent des “éjaculations” présentées dans un langage morphologique d’un art traditionnel. Si Pollock est si important c’est parce qu’il a peint sur des toiles non fixées horizontalement au sol. Ce qui n’est pas important est que plus tard il a mis ces ‘drippings’ sur des longes et les a pendu parallèlement au mur. (En d’autres termes ce qui est important en art est ce qu’on y apporte, et non pas l’adoption de ce qui existait auparavant). Ce qui est même moins important pour l’art est les notions de Pollock de “self-expression”, parce que ce genre de significations subjectives est inutile pour quiconque excepté ceux qui sont impliqués personnellement avec lui. Et leur qualité “spécifique” les met en dehors du contexte de l’art.

“Je ne fais pas d’art”, dit Richard Serra, “je suis engagé dans une activité ; si quelqu’un veut appeler cela de l’art, c’est son affaire, mais ce n’est pas à moi de décider cela. Tout ça se comprendra plus tard”. Serra, alors, est très au fait [‘aware’] des implications de son œuvre. Si Serra se contente juste de “voir ce que le métal fait” (gravitationnellement, moléculairement, etc.), pourquoi quiconque pense que c’est de l’art ? S’il ne prend pas la responsabilité que c’est de l’art, qui le peut, ou qui le devrait ? Son œuvre apparaît certainement comme empiriquement vérifiable : le métal le peut, et peut être utilisé pour de nombreuses activités. En soi-même cela ne nous conduit à rien d’autre qu’à un dialogue sur la nature de l’art. Dans un sens c’est un primitif. Il n’a aucune idée de l’art. Comment alors cela se fait-il que nous soyons au courant de “son activité” ? Parce qu’il nous a dit que c’est de l’art par ses actions après que “son activité” ait pris place. C’est-à-dire, par le fait qu’il est dans plusieurs galeries, qu’il dépose le résidu de ses activités dans les musées (et les vend à des collectionneurs — mais comme nous l’avons pointé, les collectionneurs sont non-pertinents quant à la “condition d’art” d’une œuvre). Qu’il dénie que son œuvre est de l’art mais joue à l’artiste est plus qu’un paradoxe. Serra sent [‘feels’] secrètement qu’on parvient empiriquement au “monde de l’art” [‘arthood’]. Ainsi, Ayer a postulé :

Il n’y a pas de propositions empiriques absolument certaines. Seules les tautologies sont certaines. Les questions empiriques sont en tout et pour tout des hypothèses, qui peuvent être confirmés ou discréditées dans l’expérience sensitive actuelle. Et les propositions dans lesquelles nous enregistrons les observations qui vérifient ces hypothèses sont elles-mêmes des hypothèses qui sont sujettes au test d’expérience sensitive ultérieure. Ainsi il n’y a pas de proposition finale”.22

Ce que l’on trouve à travers les écrits d’Ad Reinhardt est très simialaire à la thèse de “l’art-en-tant-qu’art” [‘art-as-art’], et que l’“art est toujours mort, et qu’un art ‘vivant’ est une déception”.23 Reinhardt avait une idée très claire au sujet de la nature de l’art, et son importance est loin d’être reconnue.

Parce que les formes de l’art qui peuvent être considérées comme des propositions synthétiques sont vérifiables par le monde, c’est-à-dire que pour comprendre ces propositions on doit laisser la structure de l’art “comme-tautologie” et considérer l’information “extérieure”. Mais pour le considérer comme art il est nécessaire d’ignorer cette même information extérieure, parce que l’information extérieure (à savoir, les qualités expérientielles) a montré sa valeur intrinsèque [‘worth’]. Et pour comprendre cette valeur on ne doit pas avoir besoin d’une “condition d’art”.

De là il est aisé de réaliser que la viabilité de l’art n’est pas connectée à la présentation d’expérience (ou d’autre sorte) visuelle. Que cela ait pu être une des fonctions étrangères à l’art durant les siècles précédents n’est pas improbable. [Ici Kosuth parle de l’art « rétinien », révoqué par Duchamp] Après tout, même l’homme du dix-neuvième siècle vivait dans un environnement plutôt standardisé. C’est-à-dire que ce avec quoi il allait entrer en contact jour après jour était assez ordinairement prévisible. L’environnement visuel dans la partie du monde dans laquelle il vivait était assez consistante. Dans notre temps nous avons, expérientiellement, un environnement radicalement plus riche. On peut voler au dessus du globe en quelques heures ou jours, pas en mois. Nous avons le cinéma et la télévision couleur, ainsi que les spectacles artificiels des lumières de Las Vegas ou des gratte-ciels de New York City. Le monde entier est ici pour être vu, et le monde entier peut regarder l’homme marcher sur la lune depuis les salles de séjour. Certainement que l’on ne peut pas attendre de l’art ou des objets de peintures et de sculpture qu’ils puissent rivaliser avec cela ?

La notion d’“usage” est pertinente pour l’art et son “langage”. Récemment, la forme de la boîte ou du cube ont beaucoup été utilisé dans le contexte de l’art. (Prenez par exemple son utilisation chez Judd, Morris, LeWitt, Bladen, Smith, Bell et McCracken — sans même mentionner la quantité de boîtes et de cubes qui sont venus après.) La différence entre tous les usages variés de la forme de la boîte ou du cube est directement reliée aux différences dans les intentions des artistes. De plus, comme on peut le voir particulièrement dans l’oeuvre de Judd, l’usage de la forme de la boîte ou du cube illustre très bien notre ancienne revendication qu’un objet est seulement de l’art quand il est placé dans le contexte de l’art.

Quelques exemples vont montrer cela. On pourrait dire que si l’une des boîte de Judd était exposée remplie de débris, et visible dans un cadre industriel, ou même simplement posée à un coin de rue, elle ne serait pas identifiée en tant qu’art. Il suit de cela que la compréhension et la considération de celle-ci comme art est nécessairement un a priori pour la vision afin de la “voir” comme une œuvre d’art. Une information rehaussée concernant le concept d’art et les concepts de l’artiste est nécessaire pour une appréciation et une compréhension de l’art contemporain. L’un ou tous les attributs physiques (qualités) des œuvres contemporaines, si considérés séparément et/ou spécifiquement, sont impropres au concept de l’art. Le concept de l’art (comme l’a dit Judd, bien qu’il ne le signifait pas ainsi) doit être considéré dans son entièreté. Considérer les parties d’un concept c’est invariablement considérer les aspects sans rapport à la condition de l’art — ou c’est comme lire les parties d’une définition.

Ce que dit Kosuth ici est intéressant. Si l’on plaçait un tableau de Gauguin au coin d’une rue, certainement que beaucoup de gens s’arrêteraient, et se poseraient des questions. C’est-à-dire qu’ils identifieraient probablement la peinture comme une œuvre d’art, et ils se demanderaient ce qu’elle fait là, par terre. Mais si l’on plaçait au même endroit un tableau de Kandinsky, ou de Malévitch, aurait-on la même réaction ? Il est quasi certain qu’une boîte de Judd posée au sol provoquerait nulle réaction. En revanche, dans une galerie, dans un musée, le Malévitch “fait” art, et la boîte de Judd “fait” art aussi. Il faut donc un contexte à l’art moderne afin qu’il puisse être “validé” en tant qu’art, du moins, non ignoré. Cela n’empêchera pas des dizaines, des milliers de personnes de par le monde de passer devant ces œuvres sans leur prêter la moindre attention. Il n’y a donc pas que le concept qui “fait” l’oeuvre en tant qu’oeuvre d’art ; mais aussi le contexte, et, plus que tout : la culture.

Il n’est pas surprenant que l’art avec la morphologie la moins fixée soit un exemple depuis lequel nous pouvons déchiffrer la nature du terme général “art”. Car là où il y a un contexte existant séparément de sa morphologie et consistant depuis sa fonction, alors on a plus de chance de trouver des résultats qui sont moins conformes et prévisibles. C’est dans l’art moderne de la possession d’un “langage” avec l’histoire la plus courte que la plausibilité d’un abandon de ce “langage” devient le plus possible. Il est compréhensible alors que l’art qui provient de la peinture et de la sculpture de l’Ouest [‘Western’] soit la plus énergétique, questionnante (de nature), et celle qui assume le moins les soucis généraux de l’“art”. En dernière analyse, toutefois, tous les arts n’ont (dans les termes de Wittgenstein) qu’une “famille” de ressemblance.

Cependant les qualités diverses d’une “condition d’art” possédée par la poésie, le roman, le cinéma, le théâtre, et diverses sortes de musique, etc., est que leur aspect le plus fiable à la fonction de l’art est affirmé ici.

Le déclin de la poésie n’est-il pas à mettre en relation avec la métaphysique induite depuis la poésie du langage “commun” ?24 À New York les dernières étapes décadentes de la poésie peuvent être constatées in vivo chez les poètes “Concrets” par leur recours récent à l’utilisation d’objets actuels et de théâtre ?25 Se peut-il qu’il sentent [‘feel’] l’irréalité de leur forme d’art ?

C’est-à-dire que, une fois que nous voyons que les axiomes de la géométrie sont de simples définitions, et que les théorèmes d’une géométrie sont simplement des conséquences logiques de ces définitions. Une géométrie n’est pas en elle-même au sujet de l’espace physique ; en elle-même elle ne peut pas “tout” concerner. Mais nous pouvons utiliser une géométrie pour raisonner au sujet l’espace physique. C’est-à- dire que, lorsque nous avons les axiomes d’une interprétation physique, nous pouvons appliquer les théorèmes aux objets qui satisfont ces axiomes. Qu’une géométrie puisse être appliquée ou pas au monde physique actuel, est une question empirique, qui tombe en dehors le champ de la géométrie en lui-même. Par conséquent il n’y a pas de sens à demander lesquelles des diverses géométries connues de nous sont fausses ou lesquelles sont vraies. Dans la mesure où elles sont libres de contradiciton, elles sont toutes vraies. La proposition qui postule que telle application de la géométrie est possible n’est pas en elle- même une proposition de cette géométrie. Toute la géométrie elle-même nous dit que si quelque chose peut être conduites sous des définitions, alors cela satisfera aussi les théorèmes. Ce n’est alors qu’un système purement logique, et ses propositions sont des propositions analytiques”. A.J. Ayer 26

C’est donc ainsi que je propose que demeure la viabilité de l’art. Dans un âge où la philosophie traditionnelle est irréelle du fait de ses hypothèses, la capacité de la viabilité de l’art à exister dépendra non seulement en ne fournissant pas un service — tel que le divertissement, l’expérience visuelle (ou autre), ou la décoration — ce qui est quelque chose de facilement remplaçable par la culture kitsch, et la technologie, mais, plutôt, il restera viable en n’assumant pas une position philosophique ; car le caractère unique de l’art est sa capacité de rester à l’écart des jugements philosophiques. C’est dans ce contexte que l’art partage des similarités avec la logique, les mathématiques, ainsi qu’avec la science. Mais tandis que les autres entreprises sont utiles, l’art ne l’est pas. L’art, en fait, existe pour sa seule vérité [‘sake’].

Dans cette période de l’homme, après la philosophie et la religion, l’art peut être une tentative qui remplisse ce qu’un autre âge a appelé “les besoins spirituels de l’homme”. Ou bien une autre manière de le dire serait que l’art traite analogiquement avec l’état des choses “au delà la physique”, là où la philosophie devait faire des hypothèses. Et la force de l’art est que même la phrase précédente est une hypothèse, qui ne peut pas être vérifiée par l’art. La seule revendication de l’art est pour l’art. L’art est la définition de l’art.

Kosuth, à la fin de son article, prend le contrepied de la science, en évoquant les « besoins spirituels de l’homme », ce qui n’est pas sans évoquer W.B. Yeats, le poète irlandais quasi oublié aujourd’hui, et qui écrivait, dans ses Discoveries (1907) que la littérature allait remplacer la religion. Ne semble-t-il pas que Kosuth opère une régression en invoquant « les besoins spirituels de l’homme » ? Ne vaudrait-il mieux pas, plutôt que de rependre un thème qui devrait lui sembler réactionnaire, tout simplement avancer l’idée que l’art est une tentative pour élargir le monde de la culture ; ce « troisième monde » dont parlait Karl Popper, en 1978, dans ses Tanner Lectures on Human Values, soit « le monde des productions de l’esprit humain » ?

*Studio International, Octobre 1969. Première publication en français (version abrégée) dans Art Press, n°1, décembre-janvier 1973. Reproduit dans le catalogue L’Art conceptuel, une perspective, Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, 1991.

Notes

  1. Morton White, The Age of Analysis, Mentor Books, New York, [non daté], p.14.

  2. Ibid., p.15.

  3. Je veux dire par là l’Existentialisme et la Phénoménologie. Même Merleau-Ponty, avec sa voie moyenne entre l’empirisme et le rationalisme, ne peut pas exprimer sa philosophie sans l’usage de mots (donc en utilisant des concepts) ; et suivant cela, comment peut-on parler de l’expérience sans de précises distinctions entre nous et le monde ?

  4. Sir James Jeans, Physics and Philosophy, Ann Arbor, University of Michigan [non daté]

  5. Ibid

  6. Ibid

  7. La seule tâche qu’une telle philosophie a pris en charge est la seule “fonction” qu’elle pourrait produire [‘perform’] sans faire des hypothèses philosophiques.

  8. Cela est traité dans la section suivante.

  9. Je voudrais rendre clair, toutefois, que je n’entends parler ici pour personne. Je suis arrivé seul à ces conclusions, et en fait c’est depuis cette pensée [‘this thinking’] dans mon article de 1966 (si ce n’est avant) qui a évolué. J’ai réalisé seulement récemment qu’après avoir rencontré Terry Atkinson que lui et Michael Baldwin partagent des idées ou opinions similaires, bien que certainement pas identiques, aux miennes.

  10. Webster New Dictionary of the American Language

  11. Le niveau conceptuel de l’oeuvre de Kenneth Noland, Jules Olitski, Morris Louis, Ron Davis, Anthony Caro, John Hoyland, Dans Christensen, et al., est si lamentablement bas, que tout ce qu’il en reste est fait par les critiques les promouvant. Cela sera vu dans ce qui suit.

  12. Les raisons de Michael Fried pour recourir à la logique de Greenberg reflète sa formation (et plus que tous les critiques formalistes) en tant qu’érudit, mais c’est encore davantage lié à ses désirs de connecter, dirions-nous, Tiepolo avec Jules Olitski. On ne devrait jamais oublier, toutefois, qu’un historien aime l’histoire plus que tout, même l’art.

  13. Lucy Lippard utilise cette citation dans une note du catalogue de la rétrospective d’Ad Reinhardt, janvier 1967, p.28.

  14. Lucy Lippard, ‘Constellation by Harsh Daylight : The Whitney Annual”, Hudson Review, Vol. 21, No.1 (Spring 1968).

  15. Arthur R. Rose, ‘Four Interviews’, Arts Magazine, February 1969.

  16. Ainsi que Terry Atkinson l’a dit dans sont introduction à Art-Language (Vol. 1, No 1), les Cubistes ne se sont jamais demandés si l’art avait des caractéristiques morphologiques, mais lesquelles dans la peinture étaient acceptables.

  17. Quand quelqu’un “achète” un Flavin il n’achète pas un son et lumière, car si tel était le cas il irait juste à la quincaillerie et obtiendrait ces biens pour beaucoup moins. Il n’“achète” pas quelque chose. Il subdivise l’activité de Flavin en tant qu’artiste.

  18. A.J. Ayer, Language, Truth, and Logic, Dover, New York [sans date]

  19. Ibid, p. 57

  20. Ibid, p.57

  21. Ibid, p.90

  22. Ibid, p.94

  23. Catalogue de la rétrospective d’Ad Reinhardt

  24. C’est l’usage de la poésie du langage commun pour atteindre l’indicible qui est problématique, et non pas un problème inhérent dans l’utilisation du langage dans le contexte de l’art.

  25. Ironiquement, beaucoup d’entre eux s’appellent des “Poètes Conceptuels”. Beaucoup de ce travail est similaire à celui de Walter de Maria et ce n’est pas une coïncidence ; l’oeuvre de de Maria fonctionne comme une sorte d’“objets” de poésie, et ses intentions sont très poétiques : il veut vraiment que sont œuvre change la vie des hommes.

  26. Op.cit, p.82

Léon Mychkine


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