Journal #10. L’écologie ? C’est trop tard (Partie 1)

On nous rebat les oreilles d’« écologie », de « transition écologique », en France, nous avons même un « Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires », et un « Ministère de la Transition énergétique » (ici). Et tout cela “mobilise” cinq Ministres et certainement des centaines de fonctionnaires et autres affiliés qui se mobilisent tous pour sauver la planète, enfin la France, déjà. Comme c’est beau ! Le lecteur curieux pourra cliquer sur l’hyperlien indiqué ci-avant pour se rendre compte de la merveilleuse architecture que tout cela, en bons fis de l’Administration française, ces Ministères comportent de rubriques, de sous-rubriques, et de sous-sous affectations. Bon !, on va pas se mentir, comme on dit dans la jeunesse et sur France-Culture : Ça sert à quoi ? (Je ne cautionne pas du tout ces deux dernières formulations barbares). Une fois sur le site, quand on clique sur l’encart “Démarches de A à Z”, on obtient ce tableau :          

À lire les rubriques de ces “Démarches”, on se croirait toujours en 1789, dans l’esprit de l’Article 2 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, qui nous dit :« Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l’oppression.» Certes, on aura élargi ces “droits” aux locataires, ce qui n’était pas le cas en 1789, car il fallait être propriétaire pour être “citoyen”, car rappelons que, sous le suffrage censitaire, pour voter, il fallait être un homme, âgé de plus de 25 ans, et payer un impôt direct (un cens) égal à la valeur de trois journées de travail. Cet homme-là était appelé « citoyen actif ». Tous les autres étaient dénommés « citoyens passifs ». De fait, de 1789 jusque 1793, les pauvres ne votaient pas. 

Mais revenons à l’encart ci-avant détaillé. On s’attendrait à trouver des mots tels que : « eau », « forêt », « air », « mer », « ciel », « pollution », etc. Non. Au lieu de cela, on trouve : « achat d’un terrain », « rénovation énergétique », « copropriété », « HLM »… On notera que dans la sous-rubrique “Loisirs”, on trouve un seul item : « chasse ». Oui, tuer des animaux, contribuer à l’élimination des espèces, c’est un “loisir”. Apparemment, le Ministère bicéphale de l’écologie ne voit que celui-là ! C’est tellement impensable que l’on pourrait croire à un faux document, une plaisanterie, issu d’un gouvernement parallèle, dans lequel ne siègent que des Syndics, des chasseurs, et le BTP. Non. Tout cela émane de la puissante pensée prospective du Chef de l’État. Bien sûr, l’action du gouvernement Macron ne peut pas être réduite à un tableau Excel, alors demande-toi, lecteur, ce que fait le Gouvernement pour l’écologie, vraiment ? Je ne voudrais pas être mauvaise langue, mais il me semble que la réponse ressemblera à un mot : « Rien ». Le mot « rien » est exagéré, il faudrait en trouver un autre qui corresponde au presque-rien, au trois-fois rien ; car on peut consulter les actions du gouvernement en faveur de ce qui, dans leur esprit, correspond à l’« écologie ». On pourra s’en rendre compte en consultant des documents ici et ici

En 2021, le gouvernement a abondé le budget de la transition écologique de 30 milliards d’Euros sur deux ans… Qu’est-ce que vous faites avec 30 milliards ? On en aura une idée en regardant le joli schéma ci-dessous, trouvable dans le document “France Relance : Un an de résultat pour une France plus écologique”, daté de septembre 2021 (ici) :

 

Le Document contient trois petites Introductions rédigées par Barbara Pompili, Bruno Le Maire et Julien Denormandie. Le Ministre Le Maire écrit :« Nous consacrons un tiers de France Relance à la transition écologique, ce qui nous permet d’accélérer la réduction des émissions de gaz à effet de serre.»  La réduction des gaz à effet de serre passe nécessairement par la case “décarbonation”. Qu’est-ce que la décarbonation ? Bien que cela semble évident, donnons tout de même la définition donnée par le Ministère de l’Économiedes Finances et de la Souveraineté Industrielle et Numérique (ici) : « La décarbonation définit l’ensemble des mesures et des techniques permettant de réduire les émissions de dioxyde de carbone.». Donc il s’agit des gaz à effet de serre (mais vous le saviez). Si nous cherchons l’expression “Décarbonation de l’industrie” dans le joli schéma ci-avant nous le trouvons bien, avec la somme allouée : 1,2 Md€, ce qui fait donc un million deux cent milles Euros, si je comprends bien. Or, dans le dérèglement généralisé du Système-Terre, c’est bien la décarbonation qui est prioritaire. Comment voulez-vous décarboner l’industrie avec 1,2 Md€ ? C’est une blague. Mais elle n’est pas drôle. Ceci dit, ce n’est pas la seule urgence, on peut les compter certainement par dizaines ! Mais rien que cet indice, de cette somme en apparence conséquente de 30 Milliards d€ on chute à un tout petit million deux cents… C’est ridicule. Et c’est triste. Sur le site du Ministère de l’Économiedes Finances et de la Souveraineté Industrielle et Numérique, on trouve ces informations utiles avec cet audacieux défi : 

Faire de la France un pays pionnier de l’industrie décarbonée 

et juste après, nous avons ces instructifs pourcentages :

Au pied de la lettre, 1,2 Md€ pour une priorité nationale, c’est franchement inepte, et encore, bien entendu, ridicule. Ensuite, si vous parvenez à comprendre la teneur statistique des trois carrés ci-dessus, je vous tire mon chapeau. Comment les lire ? Faut-il les additionner ? Indiquent-elles toute trois la même chose sous différentes formulations ? On n’y comprend goutte (je ne dois pas être le seul…). Bien ! Donc, revenons à cette somme… C’est tellement dérisoire qu’on ne sait s’il faut rire ou pleurer. Mais sur ce même document du Ministère, on trouve ces lignes et cet encart :

On croyait avoir lu que, pour l’instant, disons, 1,2 dM€ était consacré à la décarbonation de l’industrie, quand on lit aussi que 54 milliards d’€ vont être “mobilisés”. Quand ? Et pour quoi ? Pour cela, il faut aller sur la page France 2030 (ici) pour lire, depuis les orientations du Président lui-même, les objectifs, ce qu’il appelle les “grands défis”:

Jusque plus ample informé, aucun de ces “défis” n’a commencé d’être échafaudé dans le monde réel, tout cela ressortit à de la science-fiction, si l’on excepte le petit parc de voitures électriques (merci le nucléaire et les terres rares et leur exploitation dévastatrice pour l’environnement). Et c’est bien pour cela que les “54 milliards” ne sont pas prêts de sortir du porte-monnaie gouvernemental… 

Concrètement, il est bien certain qu’il faudrait arrêter immédiatement nos façons de vivre pour changer quoi que se peut, et si tant soit peu, à l’avancée inéluctable dans la profondeur du Mur dans lequel nous sommes déjà entrés depuis la Révolution Industrielle. Car nous sommes bien dedans… Ceux qui croient encore ou qui nous disent qu’« il est encore temps » sont soit des menteurs patentés, soit de gentils mais dangereux rêveurs. Rappelons que ce qui est appelé les “limites planétaires” sont en train d’être toutes dépassées

Schéma similaire déjà utilisé dans un autre article, mais cette-fois ci trouvé su rue site The conversation,  ici 

C’est assez parlant… Il reste trois zones encore “saines”. Notez que la catégorie “Novel entities” correspond à ce fantastique et terrifiant cocktail d’aérosols, de “polluants éternels”, et surtout des milliers de perturbateurs endocriniens dont les effets sont, pour l’heure, tout à fait inconnus, mais n’en sont pas moins au travail, un travail destructeur, dont l’imagination serait même bien en peine de figurer les contours. Notez aussi qu’il manque, dans ce camembert, les effets néfastes du nucléaire, et le ralentissement de la circulation thermohaline (ou circulation océanique profonde), qui est le facteur majeur du bouleversement climatique mondial, et contre lequel il faudrait proprement des facultés divines pour être à même de lutter ; ce qui n’est pas encore prévu dans la technologie actuelle, même si l’on parle par ailleurs de “terraformation”, ce qui reste encore une prospective purement imaginaire et réservée à l’exploration spatiale. Rappelons que les limites planétaires contiennent des scenarios plausibles suivant les degrés (en vert). À partir du moment où la frontière rentre dans le rouge, l’orange (cela dépend des schémas, mais c’est la même chose), alors nous entrons dans une zone dont il est parfaitement impossible d’imaginer le scénario. Autrement dit, une limite planétaire est une marge hypothétique suivant laquelle tel ou tel scénario scientifique est probable, envisageable, mais, passée cette limite, la science perd tout repère rationnel. Ce qui signifie, tout bonnement, que l’avenir est parfaitement imprévisible, ce qui, bien entendu, du point de vue philosophique, est assez banal ; cependant, ce qui est autrement prévisible, c’est que l’avenir ne saurait être autrement que catastrophique. 

Face à ce qui n’est pas même un ou des enjeux, car nous n’en pouvons mais, nous ne sommes pas au niveau, les mesures prises ou prévues sont autant efficaces que de soigner un cancer du poumon en fumant moins. C’est exactement la bonne comparaison.

Après, si vous voulez manger bio, rouler à vélo, moins conduire en voiture thermique, trier vos déchets, prendre moins l’avion, on vous dira que “c’est bon pour la planète”. Oui. Mais “bon” à quel degré ? Quel contre-coup “écologique” y a-t-il sur le ring face à la Grande Destruction planétaire qui défonce et explose tout à chaque milliseconde ? Aucun. Et c’est bien pour cette raison qu’un jour il ne sera même plus possible d’utiliser le terme d’« écologie » car il sera devenu obsolète, totalement dénué de sens. De mon point de vue, et je parle ici en tant que philosophe, qui s’intéresse, se préoccupe de ces “choses”, et a écrit un livre (inédit) à ce, ces sujets, le terme est déjà obsolète, il faudra en trouver un autre, et il aurait fallu lire davantage certains scientifiques, et certains philosophes, tels que Claude Bernard ou encore Alfred North Whitehead, pour comprendre la nature des relations fondamentales qui lient, depuis le début du vivant, les êtres et l’habitat. Et ce sera pour le prochain épisode…   

En une : 09/09/2020, échouage de diesel sur une plage du Sri Lanka

Léon Mychkine

écrivain, Docteur en philosophie, chercheur indépendant, critique d’art, membre de l’AICA-France

 

 


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