Journal #14. Pourquoi l’écologie est un miroir aux alouettes

On nous rebat les oreilles  d’« Écologie » et de « Transition écologique ». Comme si “nous” avions encore la main. Nous ne l’avons plus (si tant est que nous l’ayons eue). Autant, dans un  passé  encore récent dans l’histoire de l’humanité, nous pouvions corriger les accidents, les éviter, nous en “remettre” ; autant maintenant, c’est franchement trop tard : Rien n’empêchera l’accélération de la fonte des calottes polaires et des glaciers, ni le ralentissement de la circulation thermohaline des océans, et par conséquent la destruction intégrale du climat mondial ; ni rien ne ralentira l’extinction du vivant, soit ce qu’on a déjà nommé la Sixième extinction. Certes, c’est la sixième, ce qui laisserait à penser que, puisqu’il il y en déjà eu d’autres, on va s’en remettre de celle-là. La réponse est plutôt négative. Pourquoi ? Parce qu’aucune extinction dans l’Histoire ne s’est déroulée en si peu de temps. Autrement dit, le monde naturel n’a pas le temps, cette fois-ci, de s’adapter. (Sur les 8 millions d’espèces végétales et animales estimées, environ 1 million sont, dans l’état “actuel”, menacées d’extinction). J’ajoute que, très récemment, des chercheurs ont démontré qu’il était fort probable que le futur de l’Amazonie soit celui d’une savane… (Source ici). Mais cessons-là, car la liste à dresser serait (très) longue, voire infinie, car ce qu’il se passe, ce sont des réactions en chaîne, et personne ne peut les prédire, encore moins les modéliser. Ceci dit, le tableau ci-dessous suffit amplement à nous faire comprendre de quoi il s’agit quand on parle de “scénarios planétaires”. Une fois franchis les cadres scénaristiques, les limites des conjectures, des hypothèses tangibles, nous entrons dans la plus absolue incertitude, ce qui n’est pas rassurant, bien au contraire, car ni l’orange ni le rouge ne sont des signes d’amélioration, on doit bien le comprendre.          

Restons sur ce tableau, et tentons de le déchiffrer, en partant, tel le cadran d’une montre, depuis midi, jusqu’à 23 heures. 

Novel Entities: Ce qui est appelé “entités nouvelles”, ce sont toutes les molécules anthropiques, donc créées par l’homme et son industrie. C’est, par exemple, les polluants éternels (PFAS, “per/- et polyfluoroalkylées”, très à la mode ces temps-ci), les perturbateurs endocriniens, tous les cocktails nuisible relâchés par l’industrie. On lit, verticalement dans la partie orangée, “increasing risk”, car les nouvelles entités (NE) sont non-mesurables, il y a en “trop”, beaucoup trop. Quant aux études faites et qui prendraient en compte les effets cocktails délétères de ces “entités nouvelles” sur la santé des organismes et des biotopes, il n’en existe quasiment pas. Mais nous ne payons rien pour attendre, car nous allons payer, de toutes façons, et évidemment beaucoup plus cher que si des politiques prophylactiques avaient été mises en place (mais autant croire encore au Père Noël à l’âge adulte).  

Stratospheric ozone depletion. “Appauvrissement de l’ozone stratosphérique” : On sait qu’à une époque certains types d’aérosol (chlorofluorocarbones) contribuaient à détruire la couche d’ozone (située entre 11/40 km d’altitude). Il existe un trou ponctuel au dessus de l’Antarctique, qui tend à s’agrandir chaque année, notamment à cause des feux de forêts et de brousse. Ceci dit, on voit que la couche d’ozone est encore dans la “safe zone” (en vert).

Atmospheric aerosol loading. “Charge en aérosols atmosphériques”. Les aérosols sont des particules solides ou liquides en suspension dans l’air, dont la taille varie de quelques nanomètres à quelques dizaines de micromètres (μm). Si la majorité des aérosols sont d’origine naturelle, un nombre croissant d’entre eux a été rejeté dans l’atmosphère par les activités humaines depuis l’ère préindustrielle. Cette augmentation des aérosols dans l’atmosphère représente un défi majeur pour le climat et la santé humaine. Une partie des aérosols atmosphériques est d’origine primaire : les particules sont libérées directement dans l’air par des sources naturelles (érosion des sols, embruns, pollens, cendres volcaniques, etc.) ou par des activités anthropiques (combustion de combustibles fossiles ou de biomasse (voir glossaire), activités mécaniques créant des particules généralement plus grossières lors des labours, des récoltes, des chantiers de construction, etc.) Une autre partie des aérosols est d’origine secondaire : ils ne sont pas émis directement dans l’atmosphère, mais sont formés par des réactions chimiques entre des gaz ou des particules déjà présents dans l’air. (Source ici).

Ocean acidification. “Acidification de l’océan”L’océan est au cœur des enjeux du climat et de la biodiversité. Il est considéré, au même titre que la forêt, comme le « poumon » de la Terre. En effet, il produit plus de 50 % de l’oxygène que nous respirons et absorbe environ 25 % du dioxyde de carbone (CO2) présent dans l’atmosphère. Il représente ainsi un important puits de carbone et joue un rôle majeur dans la régulation du climat. Cependant, depuis la révolution industrielle, l’augmentation du niveau de CO2 émis dans l’atmosphère par les activités humaines (environ 40 %) perturbe les équilibres biogéochimiques des océans avec de lourdes conséquences sur les écosystèmes et la biodiversité marine. À mesure que le CO2 atmosphérique se dissout au contact de l’océan, une série de réactions chimiques se produit. En particulier, de l’acide carbonique se forme et des ions hydrogène (H+) sont libérés, ce qui réduit le potentiel hydrogène (pH) – (voir glossaire) de l’eau de mer. On parle alors « d’acidification des océans ». Les ions hydrogènes libérés se combinent ensuite avec des ions carbonate (voir glossaire) pour former du bicarbonate, ce qui réduit la quantité d’ions carbonate à la disposition de nombreux organismes marins (coquillages, coraux, mollusques, planctons) pour fabriquer leur coquille ou leur squelette calcaire, en aragonite ou en calcite. Depuis le début de la révolution industrielle, le pH moyen des eaux de surface de l’océan est passé de 8,2 à 8,129. L’échelle pH étant logarithmique, cette diminution en apparence modérée (- 0,1) s’est traduite dans les faits par une hausse de 30 % de l’acidité des océans depuis l’ère préindustrielle. (Source ici).  

Biochemichal flow: “Les flux biochimiques” sont les voies par lesquelles des éléments tels que le carbone, le phosphore, l’azote et le soufre, ou des composés tels que l’eau, circulent entre les organismes vivants et l’environnement. Les activités humaines peuvent modifier ces cycles en produisant ou en consommant des quantités différentes. Par exemple, les engrais agricoles et l’érosion des sols ont considérablement augmenté les niveaux d’azote et de phosphore biologiquement disponibles dans les systèmes naturels. La production humaine d’azote biologiquement disponible, principalement due à la production synthétique d’engrais azotés, est aujourd’hui supérieure à toutes les formes de production naturelle combinées. Le flux de phosphore dans les océans, principalement dû à l’utilisation d’engrais provenant des mines et du fumier de bétail, est environ trois fois supérieur au niveau préindustriel. L’excès d’azote réduit la diversité des plantes dans les écosystèmes terrestres, et la combinaison de l’excès d’azote et de phosphore dans les plans d’eau entraîne la prolifération d’algues et l’eutrophisation. (source ici).

Les lettres P et N signifient Phosphore et Nitrate. 

Les nitrates et le phosphore sont essentiels au développement des végétaux. Cependant, à partir d’un certain seuil ils sont à l’origine de pollutions fréquentes ayant un impact important sur les milieux et la qualité des eaux, menant à des phénomènes tel que l’eutrophisation (prolifération d’algues dû à un enrichissement excessif en éléments nutritifs que sont l’azote et le phosphore). Si les nitrates proviennent naturellement de la fixation de l’azote atmosphérique et de la décomposition des matières organiques par les micro-organismes, ce sont les activités humaines (rejets domestiques, activités agricoles) qui sont en grande partie responsables de ces pollutions. Afin de lutter contre ces pollutions des politiques spécifiques ont été mises en place. La pollution par phosphore a beaucoup diminué depuis les années 1990 avec la ratification de la directive sur les eaux résiduaires urbaines, l’amélioration des performances des stations d’épuration et des réseaux d’assainissement et l’abandon des phosphates dans les détergents. Aujourd’hui, la majorité des résidus de phosphore est issue de l’activité agricole et des effluents industriels. Il n’existe pas de réglementation nationale concernant la pollution par phosphore en revanche des dispositions locales peuvent être mises en place. (Source ici).

Il ne faut pas non plus oublier l’azote dans les flux biochimiques : 150 Mt d’azote rejetées dans la nature (seuils limites : 62-82 Mt) et 22 Mt de phosphore arrivant en mer par les cours d’eau chaque année (limites : 11-100 Mt). L’excès d’azote atteint la limite planétaire (55 kg/ha). (Source ici).  

Freshwater change. “Changement eau douce” : Élément essentiel à toute forme de vie, l’eau couvre 72 % de la surface de la Terre et représente un volume d’environ 1,4 milliard de km3. Malgré son abondance, seulement 2,8 % de ce volume est de l’eau douce propre à la consommation humaine. La majeure partie de l’eau douce se trouve dans les glaciers, mais aussi dans les nappes phréatiques, les rivières et les lacs, ainsi que sous forme de vapeur d’eau dans l’air. La proportion d’eau provenant des précipitations atmosphériques qui s’écoule dans les rivières jusqu’à la mer, ou qui est recueillie dans les lacs, les aquifères et les réservoirs, est une ressource renouvelable. C’est ce qu’on appelle « l’eau bleue », dont le volume global est estimé à 37 000 km3 par an (km/an). Au cours du XXe siècle, les prélèvements d’eau douce pour les usages domestiques, agricoles et industriels ont considérablement augmenté dans le monde, passant de 600 km3/an au début du XXe siècle à 3 880 km3/an en 2017. Avec la croissance démographique, ils devraient continuer à augmenter de 1% par an d’ici 2050 (Unesco, 2022). À l’échelle mondiale, le taux de prélèvement d’eau douce représente 10,5 % du taux de renouvellement annuel moyen des ressources en eau douce.Il varie fortement d’un continent à l’autre, en fonction de la densité de population et de l’abondance ou non de la ressource : Asie (41,3%), Amérique du Nord (8,8%), Afrique (6,6%), Europe (4,2%), Australie et Océanie (2,9%), Amérique du Sud (1,7%) – (Unesco, 2022). Environ 69 % de l’eau prélevée est utilisée pour l’agriculture (principalement pour l’irrigation, mais aussi pour l’élevage et l’aquaculture), 19 % pour l’industrie (y compris la production d’énergie) et 12 % pour les municipalités (Unesco, 2021). Avec le changement climatique, les ressources en eau renouvelables domestiques par habitant ont diminué d’environ 20 % entre 2000 et 2018. Cette tendance est plus marquée dans les pays où les ressources par habitant sont les plus faibles, comme l’Afrique subsaharienne (- 41 %), l’Asie centrale (- 30 %), l’Asie de l’Ouest (- 29 %) et l’Afrique du Nord (- 26 %), avec des risques de pénurie d’eau (FAO, 2021). (Source ici).

Land-system change. “Changement du système-sol”. Selon les experts, nous avons franchi la limite planétaire du changement des systèmes terrestres — la disparition des forêts causée par l’homme — et risquons de déstabiliser les systèmes d’exploitation de la Terre. Les scientifiques estiment que nous devons conserver 85 % des forêts tropicales et boréales et 50 % des forêts tempérées pour rester dans les limites de sécurité de la Terre, mais le nombre d’arbres dans le monde a chuté de près de 50 % depuis l’avènement de l’agriculture. Entre 2001 et 2021, une superficie forestière équivalente à la moitié de la Chine a été perdue ou détruite sur toute la planète ; en 2021, les forêts tropicales disparaîtront à un rythme d’environ 10 terrains de football par minute. (Source ici).

Biosphere integrity. “Intégrité de la biosphère”. La myriade d’interactions avec la géosphère fait de la biosphère une composante constitutionnelle du système terrestre et un facteur majeur de régulation de son état. Le fonctionnement planétaire de la biosphère repose en fin de compte sur sa diversité génétique, héritée de la sélection naturelle non seulement au cours de son histoire dynamique de coévolution avec la géosphère, mais aussi sur son rôle fonctionnel dans la régulation de l’état du système terrestre. La diversité génétique et la fonction planétaire, chacune mesurée à l’aide d’indicateurs appropriés, sont donc les deux dimensions qui forment la base d’une limite planétaire pour l’intégrité de la biosphère. Dans ce contexte, le terme « intégrité » n’implique pas l’absence de changement dans la biosphère, mais plutôt un changement qui préserve le caractère dynamique et adaptatif global de la biosphère. Rockström et al. (ici) ont défini la limite planétaire pour le changement de la diversité génétique comme le taux d’extinction maximal compatible avec la préservation de la base génétique de la complexité écologique de la biosphère. Nous retenons le niveau limite de <10 E/MSY (extinctions par million d’espèces-années). La variable de contrôle du taux d’extinction est difficile à appliquer dans des contextes opérationnels, mais des données et des méthodes permettant d’évaluer directement la composante diversité génétique de l’intégrité de la biosphère sont en train d’émerger. Bien que le taux de base des extinctions (et de l’évolution des nouvelles espèces) soit à la fois très variable et difficile à quantifier avec certitude à travers les temps géologiques, on estime que le taux actuel d’extinction des espèces est au moins des dizaines à des centaines de fois plus élevé que le taux moyen des 10 derniers millions d’années et qu’il s’accélère. Nous avons prudemment fixé la valeur actuelle du taux d’extinction à >100 E/MSY. Sur les 8 millions d’espèces végétales et animales estimées, environ 1 million sont menacées d’extinction, et plus de 10 % de la diversité génétique des plantes et des animaux pourrait avoir été perdue au cours des 150 dernières années (23). La composante génétique de la limite d’intégrité de la biosphère est donc nettement dépassée. (Source ici). 

Climate change. Le changement climatique fait référence aux variations à long terme des températures et des conditions météorologiques. Ces changements peuvent être naturels, dûs à des modifications de l’activité solaire ou à de grandes éruptions volcaniques. Mais depuis les années 1800, les activités humaines sont le principal moteur du changement climatique, principalement en raison de la combustion de combustibles fossiles tels que le charbon, le pétrole et le gaz. La combustion des combustibles fossiles génère des émissions de gaz à effet de serre qui agissent comme une couverture enveloppant la Terre, piégeant la chaleur du soleil et augmentant les températures. Les principaux gaz à effet de serre à l’origine du changement climatique sont le dioxyde de carbone et le méthane. Ils proviennent de l’utilisation de l’essence pour conduire une voiture ou du charbon pour chauffer un bâtiment, par exemple. Le défrichement et l’abattage des forêts peuvent également libérer du dioxyde de carbone. L’agriculture et les activités pétrolières et gazières sont des sources importantes d’émissions de méthane. L’énergie, l’industrie, les transports, les bâtiments, l’agriculture et l’utilisation des sols figurent parmi les principaux secteurs responsables des gaz à effet de serre. (Source ici).

Nul besoin d’expliciter la “Concentration de CO2”, tout le monde est au courant et sait de quoi il retourne. Ceci dit, quelques lignes rafraîchissantes ne peuvent nuire :

La concentration de CO2 dans l’atmosphère a atteint, en moyenne, 414,7 parties par million (ppm) en 2021, selon un rapport scientifique publié le 30 août par la Société américaine de météorologie. Cela correspond à 2,6 ppm de plus qu’en 2020. Un tel niveau n’avait pas été atteint depuis au moins 800 000 ans. La baisse exceptionnelle des émissions de gaz à effet de serre due à la pandémie de Covid-19 n’a donc pas eu d’effets durables. Les niveaux de méthane et de protoxyde d’azote, autres responsables du changement climatique, ont eux aussi atteint des niveaux records, selon ce rapport. Conséquence : la température et le niveau des océans n’ont jamais été aussi élevés. Le niveau moyen des océans dépasse désormais de 9,7 centimètres le niveau enregistré en 1993, année où les mesures par satellite ont commencé. De nombreux événements météorologiques extrêmes ont été enregistrés en 2021, qui se classe parmi les six années les plus chaudes jamais enregistrées. La température de la planète a augmenté de 1,1 °C depuis l’ère préindustrielle. Jamais la Terre ne s’est autant réchauffée en aussi peu de temps. « Un changement aussi dramatique est l’équivalent d’une météorite humaine percutant notre planète », selon les termes de Simon Lewis, climatologue à l’University College de Londres. (Source ici).

Enfin, qu’est-ce que le “Radiative forcing” (dans le dernier secteur avant Midi, ou Minuit, c’est selon votre horloge mentale…) 

Le forçage radiatif se produit lorsque la quantité d’énergie qui entre dans l’atmosphère terrestre est différente de la quantité d’énergie qui en sort. L’énergie se déplace sous forme de rayonnement : le rayonnement solaire qui entre dans l’atmosphère et le rayonnement infrarouge qui en sort sous forme de chaleur. Si la quantité de rayonnement entrant sur Terre est supérieure à celle qui en sort, comme c’est le cas aujourd’hui, l’atmosphère se réchauffe. C’est ce qu’on appelle le forçage radiatif, car la différence d’énergie peut entraîner des changements dans le climat de la Terre. La moitié de la surface de la Terre est toujours éclairée par la lumière du soleil. Une partie de cette lumière (environ 30 %) est réfléchie vers l’espace. Le reste est absorbé par la planète. Mais comme pour tout objet chaud se trouvant dans un environnement froid – et l’espace est un endroit très froid – une partie de l’énergie de la Terre est toujours renvoyée dans l’espace sous forme de chaleur. Le forçage radiatif mesure la quantité d’énergie reçue du soleil par rapport à la quantité d’énergie restante, sur une période donnée. L’analyse nécessaire pour déterminer ce chiffre exact est très compliquée. De nombreux facteurs, dont les nuages, la glace polaire et les propriétés physiques des gaz présents dans l’atmosphère, ont un effet sur cet équilibre, et chacun a son propre niveau d’incertitude et ses propres difficultés à être mesuré avec précision. Cependant, nous savons qu’aujourd’hui, il y a plus de chaleur qui entre que de chaleur qui sort. (Source ici). 

Conclusion. Pourquoi dire que l’écologie est un miroir aux alouettes ?  

Un miroir aux alouettes est un leurre traditionnel pour la chasse aux oiseaux migrateurs. Il est généralement en bois et se trouve orné de petits éclats de miroir, de métal ou de strass colorés. Le chasseur fait tourner son miroir, créant ainsi des effets lumineux, qui interpellent les petits oiseaux, dans le but de les attirer. Pour le bon fonctionnement d’un tel miroir, il faut un dispositif ; un lieu, des chasseurs, l’objet en question, et des oiseaux. La (double) question, dans la transposition métaphorique que j’opère, est de savoir « Qui chasse quoi, et qui sait qu’il est chassé ?» Je veux dire par là qu’il doit bien exister de sincères alouettes, et d’autres plus vénales, dira-t-on. De la même manière, les chasseurs ne sont pas là pour tuer les alouettes, il faut plutôt les voir comme des chasseurs de prime, de prime écologique, et de prime à la bonne conscience (on appelle cela, en bon français, du “greenwashing”). Ça fait toujours bien de dire que l’on défend un projet culturel ou artistique éco-responsable, comme par exemple le festival We Love Green, apparemment “éco responsable”, comme dit la Presse. Il est bien certain qu’à cette fin, et en toute logique, les artistes internationaux sont tous venus en bateau à voile, n’est-ce pas ? Le budget du festival, à huit millions d’Euros, est financé au tiers par de l’argent public. Le lecteur sera ravi d’apprendre qu’il n’y a pas que de la musique au festival, comme le précise le magazine Elle
 
Mais à We Love Green, il n’y a pas que la musique qui fait bouger. Depuis toujours, le festival aime porter des valeurs sociales, économiques, solidaires et veut éveiller les consciences. Entre talks engagés (Claire Nouvian et sa coalition citoyenne pour la protection de l’océan Bloom, Aurélien Barreau, Feris Barkat…), projections, une scéno éco-conçue ou encore un food court 100% végé, bio et local comme en 2023, le festival a parfois des airs de laboratoire d’expérimentation à ciel ouvert ! Car oui, We Love Green entend, depuis 2011, avant tout ouvrir les esprits et les perspectives !  
 
Avouez que c’est fort en écologie, comme on dit “fort en chocolat !” C’est ça, notamment, agir pour le climat et lutter contre la destruction de la biosphère. Bref, ce n’est qu’un exemple, et on peut en trouver beaucoup d’autres. Pour ma part, j’estime que l’usage de l’expression telle qu’“éco-responsable”, ou du terme “écologie” posent problèmes. Enfin ! Depuis les instances gouvernementales, on nous parle de “Transition écologique”, quand on peut légitimement se convaincre que cette transition est une fumisterie. Il y a même un Ministère de la Transition Écologique et de la Cohésion des Territoires. Plus novlangue (“Newspeak”, comme dit Orwell dans le texte) tu meurs (dans la “maison chaude”). 
 
Plutôt que de “Transition”, on ferait mieux d’employer un autre terme, tel que « Mutation », par exemple. Jetez de nouveau un œil au schéma en début d’article, et demandez-vous quel domaine serait concerné par la moindre transition que ce soit ? D’un côté, donc, les pouvoirs gouvernementaux prennent les citoyens pour des imbéciles en leur faisant croire qu’une “Transition écologique” est en cours, et que tout va s’arranger, et que l’on peut même inverser les phénomènes en cours, et en sus on a le temps !, ce qui est parfaitement fantaisiste. D’un autre côté, l’argument “écologique” sert un certain nombre d’instances, tant culturelles que financières, mais tout autant individuelles, disons, des personnalités, grandes et petites. Pour le dire en un mot, le terme d’ « écologie », davantage que sa véritable et profonde manifestation, agit comme un sésame qui permet de soutenir et alimenter subventions et publicités, bourses et projets pour les artistes (les artistes, l’art, c’est mon Dada). Nous obtenons un cercle qui pourrait paraître vertueux tant il sert les intérêts de chacun quand ils sont bien positionnés. Et tout cela pourrait paraître bel et bon. À la vérité, nous manquons de Greta Thunberg, il en faudrait des dizaines par pays, et exiger qu’on arrête les frais. Mais ce serait aller à l’encontre des “industries culturelles”, et donc du commerce, de la politique de l’autruche, et de la bonne conscience et, surtout, de nos modes de vie… Et là, nous touchons immédiatement au non-négociable.
 
PS. Concernant l’écologie pure, au sens propre, que reste-t-il à investiguer pour l’art ? Il suffit de regarder dans le tableau où l’on trouve encore du vert et surtout, du blanc. Donc, c’est assez rapide. L’artiste-eco-friendly peut tenter d’hypostasier la couche d’ozone (pas facile), s’occuper des aérosols (ardu), ou bien encore de l’eau des océans. Là, c’est vaste, polysémique et prometteur. Pour le reste, on le voit, il va falloir changer de vocabulaire, et cesser de nous bercer comme des nouveaux-nés car, on doit le comprendre, l’écologie, il fallait y penser avant.

PPS. En France, on le constate, les “écologistes” n’ont pas le vent en poupe, car on a, notamment, réussi, et depuis les plus hautes instance de la République jusqu’aux bas-fonds de l’extrême-droite, à instaurer l’idée qu’“écologie” signifiait « Décroissance » et, surtout, « Punition ». Personne ne veut se restreindre dans ses besoins et plaisirs, et il ne faut surtout pas nous priver d’aucun de nos jouets, à commencer pas nos gros SUV et nos capsules Nespresso. Soit. Continuons comme cela, et vous verrez, et “Ils” verront, que le prix à payer pour ce qui nous attend sera sans commune mesure avec les précautions prophylactiques que nous eussions pu prendre depuis des décennies ; en témoigne, en France, et pour exemples, l’utilisation abondante du glyphosate et des néonicotinoïdes, usages dont la restriction possible n’ouvre à aucun débat au sein des instances lobbyistes, telle la FNSEA. Mais là, et d’une manière plus générale, et en regard des Neuf Limites Planétaires, si nous touchons à la fois au bon entretien du Commerce et de la Manipulation, nous baignons et pataugeons dans l’irrationnel le plus pur. Or l’irrationnel, dans ce domaine de la survie des écosystèmes et du genre humain (ne nous leurrons pas) et s’il fallait le mettre en schéma, et à ce stade, se trouve partout dans le rouge écarlate.  

Léon Mychkine 

 

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