Journal #5. De l’étourderie chez les Mychkine

Vendredi, j’ai rendez-vous gare du Nord, pour aller à l’Isle-Adam. Me voici dans le hall gigantesque qui conduit vers les Grandes Lignes. Mon téléphone sonne. C’est notre guide, M., de l’Agence O., qui me demande où je suis ? Je lui dit. Elle me dit qu’il me faut descendre, car la ligne Transilien, c’est « en dessous ». Je suis prêt à m’exécuter, tout en me disant que je sors du Métro. Y aurait-il des lignes de chemin de fer “en dessous” le Métro ? J’aborde un vendeur. Je lui demande où sont les lignes Transilien ? Il me dit « au dessus ». Je monte. Me voici dans la gare. Il y a un monde, mais un monde !, prodigieux. Je cherche mon chemin. Je regarde les panneaux qui indiquent Départs et Arrivées. Je constate que l’heure de départ n’est pas indiquée. Il y a bien un 09h05, mais pas de 09h, comme indiqué dans le SMS envoyé par M. Je me dis que la SNCF a des horaires très précis, que cela ne saurait se jouer entre cinq minutes. Tout à coup, je réalise que, depuis quelques minutes, je ne fais que regarder le tableau des Arrivées ! Je déporte mon regard sur le panneau bleu. Aucun signe de “mon” train. Je demande à une femme où se trouvent les lignes du Transilien. Elle me dit :« plus loin ». J’avance. Je ne vois toujours rien. J’appelle M. Répondeur. Tout à coup, je vois sur le panneau, une destination Persan – Beaumont, départ 08h45, « Persan – Beaumont » étant la direction précisée dans le SMS ! Je me dirige vers le quai, en me disant que, peut-être, on m’a signalé que le train partait à 9h mais qu’en fait, c’est une erreur, et qu’il part à 08h45. Je monte dans le train, en appelant M. :« Je suis dans le train, il va partir. Où êtes-vous ? » M. me répond qu’elle est encore sur le quai, le train n’étant pas encore arrivé…! Je sors du train au moment où les portes allaient se fermer. Je reviens en début de quai, avisant un employé qui approvisionne un distributeur. Je lui demande où est la ligne 34 ?, car je viens de voir le nouveau SMS de M. Il m’informe. J’y vais. Grâce à ma description (je suis coiffé d’un chapeau), M. me fait signe. Ouf ! J’y suis. Après 50 minutes de voyage, nous voici arrivés dans la ville d’I.A. Je découvre cette bourgade charmante, et nous suivons, au complet, notre guide. Le premier pont enjambant l’Oise est en travaux. Il faut traverser. Le groupe, à l’imitation d’autres passants, marche sur une sorte de bordure surélevée, entre travaux et route. Quant à moi, je compte traverser. Une femme se trouve à côté de moi, et dit :« traversons ». Je lui réponds qu’il y a un feu. Néanmoins une voiture s’arrête. Nous voici de l’autre côté. Elle engage la conversation, et commence à me dire tout ce qu’il y a à voir dans cette petite ville : Châteaux, Musées, etc. Elle est intarissable. De l’autre côté, à un moment, M. me regarde et prend un visage en forme d’interrogation… Je commence à comprendre que cette femme ne fait peut-être pas partie du groupe. Pour en avoir le cœur net, je lui demande. Elle me répond par la négative. Je la remercie, prend congé,  et traverse. Nous voici au Musée. Pour atteindre le petit buffet, il faut déjà montrer son Passe Sanitaire. Tout le monde le présente. Je le cherche dans mon téléphone. Je ne le trouve pas. Certains se mettent à enquêter dans ma machine. Introuvable. Mon application “Tous Anti-Covid” a disparu ! Je me dis que tout cela est bien mal engagé. Heureusement, vu la lointaine contrée d’où je viens, et ma bonne foi, on me croit, et me voici au sein du groupe. À moi le café et les délicieuses chouquettes ! Ensuite, c’est parti pour la visite, avec les instances et les trois artistes (j’y reviendrai ailleurs.) De retour gare du Nord, je demande à M. et deux personnes du groupe comment me rendre rue des Maraîchers, où j’ai rendez-vous à 15h (j’ai une heure devant moi). Personne ne sait. Soit. Me voici de nouveau dans cette gare gigantesque, à chercher où acheter un ticket de Métro. Je suis complètement perdu. J’aborde deux personnes successivement, qui ne savent pas. Une troisième personne, jeune femme de son état, me dit que, normalement, pour être là où je suis, j’ai un ticket, et donc, que je puis prendre le Métro. Divine surprise ! Effectivement, j’ai gardé mon ticket de train, qui fonctionne donc dans le Métro. Magnifique ! Me voici devant une des entrée à portillons. Je cherche mon itinéraire sur mon téléphone. Un homme m’aborde, me demandant comment aller gare de l’Est. Je lui dis que je ne suis pas d’ici, mais, juste derrière lui, à 20 mètres, il y a une entrée de Métro avec la ligne qui dessert les deux gares. Je l’invite à se déplacer avec moi pour lui montrer sur le panneau qu’il doit reprendre cette même ligne, mais dans l’autre sens. Me voici Porte de Vincennes. J’ai beau avoir mon Plan de Paris (11 x 16 cm, Éditions Coutarel), j’ai du mal à m’y repérer (j’ai souvent du mal à me repérer sur un plan). Je demande à une personne comment rejoindre la rue des Maraîchers ? Elle ne sait pas. J’avise un couple, leur demande. Il faut traverser, aller tout droit, là-bas, et je vais la croiser. Me voici rue des Pyrénées. J’avise une femme près d’un arrêt de bus, et elle me dit qu’il me suffit d’aller tout droit. Arrivé devant le Ministère de l’Intérieur (une pensée pour Gérald Moussa…), je regarde de nouveau mon plan, et réalise que la rue des Maraîchers est parallèle à la rue des Pyrénées ! Comment pourrais-je la croiser ? Je bifurque, et, oui, me voici dans la rue destinée. Devant le bâtiment de l’artiste que je dois rencontrer, me voici dans le hall. Deux grandes portes vitrées, et un interphone. Il faut entrer le numéro de la personne. Je cherche sur les boîtes aux lettres. Je tape le numéro. Rien ne se passe. J’attends. Sors. Reviens. Réitère. Rien. Je ressors. J’appelle via Facebook. Rien. Dix minutes plus tard, de retour, je réalise qu’à côté de la seconde porte, il y a un autre interphone, je ne l’avais pas vu ! Je compose le numéro, et ça sonne. La voici à la porte ! Comment a-t-elle fait pour être déjà là tandis que j’ai à peine sonné ? Je ne sais pas.

PS. Après réflexion, on pourrait peut-être conclure que Léon Mychkine est sacrément étourdi, voire pis. On aura constaté des biais cognitifs (c’est à la mode) tout à fait irrationnels. Explication ? L’habitude de vivre dans une ville toute petite, tranquille, ne prépare pas le cerveau a être noyé dans la foule précipitée et le bruit délirant et ahurissant d’une gare aussi titanesque que la gare du Nord. De quoi tournebouler la tête des apprentis-aventuriers ! Mais je dois à la vérité aussi de dire que, sur mon trajet Blois-Paris, le train devait faire un arrêt à la gare de Chaingy-Fourneaux-Plage, qui, cependant sa plage inexistante, a tout l’aspect d’un abribus. Le train ne s’y est pas arrêté ! J’ai trouvé cet événement tout à fait extraordinaire, car je me suis demandé comment il pouvait bien se faire que le conducteur “savait” que personne ne descendait ni ne prenait ce train à cette heure ! Prescience inouïe ? On ne sait, mais on voit bien, déjà, qu’encore dans la nuit, les dieux avaient décidé de s’amuser avec les horloges et la logique de l’esprit…

Léon Mychkine

 

Newsletter