Kôichi Kurita au Château de Chambord

Vendredi 14 octobre j’étais invité, avec des journalistes de la région et de Paris, à venir découvrir l’oeuvre de l’artiste japonais Kôichi Kurita, qui expose au Château de Chambord, jusqu’au 12 février, sa collection (sa récollection) de terres. Le fondement de son protocole esthétique est donc très simple ; depuis 24 ans, Kurita recueille la terre, là où il se trouve, et là où il a envie de collecter ; mais principalement au Japon et en France. Ce vendredi matin, Kurita nous parle de son œuvre, de ses motivations. Ensuite, Yannick Mercoyrol, le Directeur de la Programmation Culturelle du Château de Chambord (et que je remercie pour l’invitation), a pris la parole. À la demande de Kurita, l’entretien audio n’est pas en ligne. J’ai donc retranscris l’entretien du 12 et contextualisé celui du 13. Concernant Y. Mercoyrol, je n’ai gardé que ce qui se rapportait à l’oeuvre présente. De fait, nous ne lirons pas ici les filiations artistiques qu’il a tenté de tisser et qui nous ont emmenées de Lascaux à l’‘arte povera’, en passant par Mondrian, l’Art brut, Donald Judd, et les « artistes obsessionnels » (dixit) tels que Roman Opalka.1 

Kurita (traduction de l’Anglais) : « 1000 terres [‘soil’] “milles terres”, de 28 départements, pas seulement de la Loire, mais du Cher, la Vienne, Mayenne… Alors, j’ai commencé le “Loire Project” en 2005, en Poitou-Charentes. Et puis j’ai poursuivi pendant plus de 10 ans. Donc maintenant je présente cette œuvre d’art [‘this artwork’] ; les terres depuis 2009. Donc 40% sont des sols de 2009. J’ai collecté les échantillons en 2009 pour l’abbaye de Noirlac, et 60% est une nouvelle collection. Donc tout est posé suivant un ordre chronologique… Les gens me demandent “pourquoi ? Pourquoi collectez-vous [i.e. ces terres] ?”, [Rires] Tout le monde pense… qu’une fleur c’est beau, et les pierres, sont belles aussi, et le sable, aussi est beau… Mais la terre ? [“but soil, la terre”], je pense que tout le monde ne pense pas. Par exemple quand les enfants jouent avec la terre, les mères disent « non ! C’est sale ! ». Tout le monde au Japon aussi. Alors, nous devons changer quelque chose. Alors ceci est un travail d’artiste, c’est très simple. Le concept de cette œuvre c’est : Toutes les poignées de terres sont d’une couleur différente, d’une texture différente, et a une histoire différente. Mais toutes les terres sont belles. Il n’y a pas de terre sale sur cette Terre [There is no dirty soil on this Earth’]. C’est comme nous, chacun à un visage différent, un langage différent, une histoire différente… mais tout le monde… est beau. Donc c’est très simple. Si chacun, avec ses différences, s’unit dans le monde, nous n’avons pas besoin de nous battre. Donc ça c’est mon concept de ce travail. Pour les détails, Yannick [Mercoyrol] connaît tout ça très bien.» [En anglais, on distingue ‘soil’, la terre en tant que matière, et la Terre (‘Earth’) en tant que planète. Le Français ne permet pas cette distinction.]

kurita0-1Kôichi Kurita devant “Terre Loire”, 1000 terres. 

Y. Mercoyrol : Donc, juste pour dire quelques mots… Il y a une chose qui est très importante dans ce qu’a dit Kôichi, parce ça revient toujours comme question, donc, comme il l’a expliqué, là il y a mille terres, du grand bassin de Loire, puisque ça va effectivement jusqu’à la Mayenne, Poitou-Charentes, donc c’est beaucoup plus que simplement les rives de la Loire et, la question qui revient tout le temps c’est la question de la composition. Comme vous l’avez compris il y a 400 terres qui pré-existent à leur séjour à Chambord, et 600 qui ont été récoltés pendant six mois : trois mois en 2015 et trois mois en 2016. Mais, la composition est vraiment liée à l’ordre chronologique du prélèvement des terres. [Il n’y a pas de « composition chromatique »…] Donc la terre la plus ancienne prélevée elle est là [Mercoyrol désigne le coin inférieur droit de l’oeuvre, face à nous] et la plus récente est là-bas [i.e. le coin supérieur gauche, face à nous]. […] Les fioles, en revanche, là il y a une composition chromatique, qui est très nette d’ailleurs. Le deuxième point : Évidemment qu’il n’y a aucun colorant ajouté, c’est-à-dire les terres sont absolument pures ; il les nettoie, pour qu’elles soient totalement pures […] Et c’est très intéressant en fait comme question, elle peut sembler un peu naïve, mais effectivement il y a certaines couleurs qui sont tellement incroyables… […] Mais 

kurita1-1Kôichi Kurita, “Terre Loire”, 1000 terres, 12,5 x 5 m, 2016.

kurita1Kôichi Kurita, “Bibliothèques de terre” (Région Centre), 200 flacons, 17 m, 2016. (Chaque flacon contient un échantillon de terre d’un village proche des environs de Chambord). 

ces terres, il les choisis les plus ordinaires possible… Il ne va pas creuser profondément ; c’est toujours une seule poignée, une seule cupule, et en surface, pour ne pas abîmer aussi la nature. Ce qui est aussi très important pour lui, et ça c’est vraiment la dimension… j’allais dire évidente, écologique, d’éco-responsabilité ; cette terre qui est un matériau commun, un matériau que tout le monde connaît, dont tout le monde a fait l’expérience, en fait c’est aussi une terre qui est souillée, par l’activité humaine, on le sait : je rappelle que la dernière exposition de Kôichi, avant Chambord, c’était au Ministère de l’Écologie, à Paris, pendant la COP21. […] Même de manière encore plus simple, c’est aussi le matériau qu’on ne voit pas, que, au sens propre du terme, on foule aux pieds… La terre est ce qui ne nous intéresse pas d’une certaine manière […] Et donc, et c’est une première dimension de son travail, il utilise l’élément le plus commun, le plus ordinaire, et il en révèle la diversité, notamment la diversité chromatique, et, c’est ce qu’il disait également, c’est un geste artistique au sens propre du terme… […] Et en fait il a besoin de ce contact quotidien avec la terre. Mais ça fait aussi partie du protocole, et en fait aussi partie de l’oeuvre […] Pour Kôichi, il est impossible de prélever toutes les terres du monde […] Au Japon il a prélevé toutes les terres de tous les villages à l’exception de cinq. Donc il explique que ces cinq terres là il n’a pas pu les récupérer parce qu’elles sont sur des îles extrêmement éloignées pour lesquelles il faut prendre un avion très coûteux, il n’y a qu’une ligne par semaine ; si on prend le bateau il va prendre trois jours… […] C’est une oeuvre qui, à la fois a une dimension spatiale évidente, qui a aussi une dimension contradictoire, puisqu’en fait on travaille avec le plus humble, le plus pauvre, et en même temps on fait spectacle, puisque l’installation après est, spectaculaire ; alors que le geste lui-même est ce qu’il y a de moins spectaculaire… mais c’est aussi un travail qui interroge la question du temps… et je dirais que presque à la croisée du temps et de l’espace, il y a la question du hasard […] Dans l’ordre chronologique des prélèvements, elle laisse la part au hasard … ».

Entretien Kurita Entretien Kurita Entretien Kurita Entretien Kurita Entretien Kurita Entretien Kurita Entretien Kurita
(Entretien conduit originellement en Anglais) : 
Mychkine : Bonjour, premièrement, je voudrais dire que c’est une œuvre merveilleuse.
Kurita : Merci
M : Et ce que vous avez dit, tout à l’heure, à-propos de la simplicité de ce matériel, et de votre volonté d’en révéler la beauté est très intéressant aussi. Vous prenez de la terre, qui est un matériau peu noble, et vous le transformez en quelque de chose de beau. C’est quelque chose de très intéressant… Mais vous n’apprenez rien de nouveau avec moi quand je vous dis cela, n’est-ce pas ? Car vous le savez déjà [Nous rions].
K : Aussi, je ne suis pas éduqué par rapport à l’Art.
M : Ah bon ?
K : Non, pas d’École d’Art.
M : Pas d’École d’Art.
K : Non.
M : Alors… artiste autodidacte…
K : Oui, un jour, je suis devenu artiste, bien que je ne sois pas éduqué en art [Kurita rit].
M : Oui ? Quand cela est-il arrivé ?
K : J’ai beaucoup voyagé
M : Oui…
K : Dans tous les pays asiatiques, et africains, Amérique du Sud, quand j’étais jeune. En tout cinq ans. Donc je connais bien le Monde. Mais quand je reviens au Japon, je ne connais rien au sujet du Japon, je ne connais même pas ce qu’il y a sous mes pieds. Alors je commence à ramasser de la terre, des pierres, et je me fais la réflexion que c’est beau, et que je ne le savais pas.
M : Par accident, vous regardez la terre, et vous vous rendez compte que c’est beau.
K : Oui, et alors, comment je peux faire pour montrer cette beauté ? Comment puis-je faire pour le montrer aux enfants ? [Kurita est très soucieux de l’avenir, et c’est pour cela qu’il tient tellement à sensibiliser les enfants à cette matière sur laquelle nous nous tenons, et sans laquelle nous ne serions.] Les enfants, peut-être, ne le savent pas [à quel point la terre est belle], mais je veux l’enseigner. Donc, si j’avais du pouvoir politique, ou d’une autre manière… Mais je n’ai pas de pouvoir. Alors… L’art peut-être ?!
M : Les politiciens ne produisent pas vraiment de la beauté non ? C’est plutôt les artistes qui font cela non ?
K : OK. Donc je suis devenu artiste.
M : Bien joué ! [Nous rions tous deux]
K : Mais je ne connais pas l’Histoire de l’Art.
M : Mais vous avez réussi à devenir un artiste, et un artiste important.
K : Je n’ai pas d’amis artistes… [Rires]
M : Vous n’avez pas d’amis artistes ? Cela viendra ! [Nous rions tous deux de bon cœur] […] Cela prend du temps, pour vous, de traiter la terre, d’enlever tout ce qui n’en fait pas partie ?
K : Oui, cela me plaît beaucoup. Je ne peux pas arrêter le travail… Quand ma femme m’appelle pour venir déjeuner, je continue… [Rires]
M : Et quand avez-vous commencé à faire cela ?
K : Il y a vingt-cinq ans. Et j’ai 54 ans.

kuritadetailKôichi Kurita, “Terre Loire” (détail).

J’ai été intrigué par les réponses de Kurita ce 14 octobre. Je suis revenu à Chambord le lendemain, le soir du vernissage, car je souhaitais aussi revoir Kurita en personne pour lui poser des questions que j’avais rédigées.

  1. Vous dites ne pas avoir fait d’école d’art, mais vous avez cependant, j’imagine, une culture artistique, comment vous inscrivez-vous dans l’art contemporain ? Et même, est-ce que cette question vous importe ?

  2. Vous m’avez confié ne pas avoir d’amis artistes… Vous considérez-vous comme un artiste, ou bien, comme quelqu’un qui a un parcours différent… Vous seriez alors artiste plus… quelque chose d’autre ?

  3. Vous m’avez dit que c’est une fois que, rentré au Japon, vous avez constaté que vous n’aviez jamais regardé par terre, la terre… Donc vous vous êtes dit : « je vais prendre de cette terre, et la montrer aux gens », et ce n’est qu’après que vous vous êtes rendu compte de votre geste artistique ? Ou bien vous vous êtes dit : « je vais faire un geste artistique avec cette terre » ? 

À ces questions, Kôichi Kurita m’a répondu ce que l’on pourrait résumer ainsi. Kurita ne m’a cité aucun artiste dont il se sent proche. Il m’a dit que, le fait de dire qu’il est artiste c’est plus pratique pour lui que de décrire vraiment sa démarche ; que pour ce faire, il lui faudrait une heure. Je lui ai donc demandé si, en fait, ce ne sont pas les autres qui le considèrent comme un artiste, et si, du coup, il n’était pas artiste parce que d’autres l’avaient décidé pour lui, et que cela lui convenait ? Il m’a répondu par l’affirmative. Il a ajouté qu’il se sent plus proche du travail des ethnologues, et il a mentionné Claude Lévi-Strauss. Je lui ai répondu alors que j’étais preneur pour une heure d’explication, et nous avons ri. Cependant, ses réponses n’ont pas allégées mon questionnement, et quelques jours plus tard, j’ai contacté Kurita par courriel. Il m’a répondu qu’en lisant le texte “vie_terre_vie”, publié dans le livre qui a fait suite à l’exposition “mille terre mille vies”, à l’Abbaye de Maubuisson, (Kôichi Kurita, Ed. Lienart), je comprendrais mieux sa position. J’ai donc lu ce texte, et, effectivement, je commence à mieux comprendre. Je ne peux qu’inviter le lecteur à lire ce texte. Cependant, je ne vais pas non plus le laisser sur sa fin… Voici certains indices de lectures et d’interprétation.                          Kurita reconnaît qu’il a commencé à recueillir la terre avant de relier ce geste à une quelconque tradition. Or, et ce n’est pas la première surprise dans sa démarche, c’est par rapport à la notion japonaise de fûdo qu’il a, dès lors, rattaché toute son oeuvre (“le mot fûdo signifie “vent” et “sol”, et Augustin Berque le traduit par “milieu” — je reprends ces information du livre mentionné ci-avant):  « Au début, j’avais collecté de la terre au hasard, avec le seul désir de révéler sa beauté. Mais, à partir du moment où j’ai fait le lien entre cette entreprise et la notion de fûdo, je me suis mis à noter le nom du lieu d’où provenait chaque poignée ». À l’âge de vingt-quatre ans, lors de son premier voyage en Inde, Kurita fait l’expérience de son corps déshydraté, tandis qu’il se rend compte qu’il ne peut compter que sur ces forces physiques. Cette expérience de l’Inde, écrit-il, a « radicalement transformé ma vision du monde. […] il me semblait que les cailloux ou les bouses de vaches qui roulaient sous mes pas avaient autant de présence que mon propre corps, au point de me dire très sérieusement que j’étais peut-être, moi aussi, l’un de ces petits cailloux […] C’est également au cours de ce voyage que j’ai commencé à mettre de côté les gravillons qui s’incrustaient dans les semelles de mes chaussures ». Ensuite, au cours de ses voyages, Kurita a pris l’habitude de scotcher sur ses cartes postales « une pincée de terre ». Il écrit plus loin: « Au moment où le désir m’a pris d’exposer mon opinion par l’intermédiaire de l’art, j’ai choisi mon sujet et opté pour la méthode que je pratique depuis : présenter telles quelles, au public, les terres que j’avais collectées. J’ai donc pris le risque de m’éloigner de l’expression plastique pour montrer sans fard, de façon très simple, mon propre émerveillement…». Kurita dit qu’il n’est pas qu’artiste, que c’est plus compliqué, tout en reconnaissant qu’il a une pratique artistique. Cette pratique le requiert, dans sa vie, totalement (il dit qu’il a dormi dans sa voiture plus d’une fois afin d’aller quérir de la terre a tel endroit tandis qu’il ne pouvait s’offrir une chambre d’hôtel). On remarquera aussi cette expérience “indienne” au cours de laquelle il s’est senti ne faire plus 

kuritapostcardCartes postales envoyées par K. Kurita chaque jour lors de ses collectes. 

qu’un avec les “éléments”… Il y a, chez Kurita, une idée très précise de l’oeuvre a réaliser : il s’agit de prélever de la terre, et de la montrer.  Mais nous nous trouvons ici dans le registre de l’art contemporain; et le geste (la geste) de Kurita n’est pas sans évoquer l’oeuvre de Robert Smithson, le premier, très certainement dans l’Histoire de l’Art, a avoir voulu hisser la terre en elle-même et nue au rang de matériau fondamental de l’oeuvre d’art. Dans un texte extraordinaire, ‘A sedimentation of the mind: Earth projects’ (1968), il commence ainsi: « La surface de la terre et les fruits de l’esprit ont une manière de se désintégrer dans des régions discrètes de l’art. Divers agents, à la fois fictionnels et réels, échangent leur places les unes les autres — on ne peut pas éviter la réflexion boueuse quand on en vient aux projets-terre [‘earth projects’], ou ce que j’appellerai la “géologie abstraite”. L’esprit d’aucun et la terre sont dans un état constant d’érosion, les rivières mentales emportent au loin les rives abstraites, les vagues du cerveau sapent les falaises de la pensée, les idées se décomposent en pierres inconnaissantes, et des cristallisations conceptuelles se disloquent en dépôts de raison graveleuse. […] Le corps entier est tiré dans le sédiment cérébral, où  les particules et les fragments se font connaître en tant que pleine conscience. [Un peu plus loin, dans un contexte lié à la peinture où il mentionne J. Pollock et Yves Klein, Smithson écrit]: L’introduction par Pollock de cailloux dans ses typographies privées suggère un intérêt pour les artifices géologiques. L’idée rationnelle de “peinture” commence à se désintégrer et à se décomposer dans de si nombreux concepts sédimentaires ». Quand on voit pour la première fois le quadrilatère de “mille terres” disposés au sol, on se dit qu’on a affaire à une oeuvre conceptuelle. En écoutant Kurita, on est aiguillé ailleurs ; dans un geste simple, mais endurant, persévérant, obstiné : montrer la terre aux humains qui la foulent. Il y a une constance pragmatique chez Kurita, et j’entends l’adjectif « pragmatique » dans sa filiation philosophique telle que définie par William James ; le pragmatisme est indissociable de ce qu’il appelait  « l’expérience pure » et la pratique de cette expérience. Comme l’écrit A.N. Whitehead dans son livre Adventures of Ideas, ‘in the main, practice precedes thought ; and thought is mainly concerned with the justification or the modification of a pre-existing situation’ (« principalement, la pratique précède la pensée ; et la pensée est principalement concernée par la justification ou la modification d’une situation pré-existante ». Kurita est parcouru d’expériences quand il regarde la terre, quand il l’arpente, quand il la prend dans ses mains, quand il la traite ; et ce n’est qu’après, éventuellement, que les mots viennent… Et c’est pour cela aussi que Kurita écrit (op.cit) qu’utiliser les mots n’est pas son fort, ce n’est pas sa pratique ; les regards des enfants qui contemplent son oeuvre lui suffisent pour comprendre qu’il a atteint son but, comme il le dit.

1. Kôichi Kurita est-il un artiste obsessionnel? En 20001, le (merveilleux) Kröller-Museum (Pays-Bas) recevait en résidence l’artiste japonais Takahiro Suzuki. Pendant cinq mois, il a écrit tous les jours le nom ‘IKIRO’ sur une feuille de papier japonais. Il a aussi fait pousser des pommes de terre dans un carré de terre qu’il a aménagé. C’est ce qu’il appelle le ‘Be Alive Project’. Pour en savoir plus : http://www.ikiro.net/1ikiro.html. Il apparaît assez clair qu’écrire, toute la journée, entre autres tâches — car Takahiro était très disponible pour parler avec le visiteur —, ressortit à une forme d’obsession. C’est évident. Mais en quoi, au fait, cela est-il obsessionnel ? Une obsession, dans le cas pratique lié à des artistes tels qu’Opalka ou Suzuki, tient à l’absence ce que Freud appelait la sublimation ; on ne transforme pas le médium entre autre chose que l’expression de soi (autoportrait, nom, chiffre symbolisant les jours de la vie…). À l’inverse, Kurita, au sens même quasi littéral, chimique, sublime son médium : la terre qu’il manipule n’est pas un autoportrait. La démarche de Kurita peut paraître obsessionnelle seulement dans le sens où sa procédure artistique est restreinte, mais cette restriction, qui a à voir avec le protocole artistique, n’en fait pas une obsession. 

NB: La photo en une n’est pas un montage; des travaux sont actuellement en cours autour du Château afin de construire des jardins à la Française. Ensuite, c’est un clin d’oeil à l’oeuvre et aux écrits de Kurita. 

Références: Kôichi Kurita à Chambord, Terre Loire, 2016, Catalogue de l’Exposition, éditions Domaine national de Chambord // Kôichi Kurita, 2014, Editions Lienart, Paris // Robert Smithson The Collected Writings, 1996, (Ed. Jack Flam), University of California Press // William James, Pragmatism and Other Writings, 2000, Penguin Classics, Londres // Alfred North Whitehead, Adventures of Ideas [1933 Macmillan], New York, The Free Press, 1967