Kokou Ferdinand Makouvia (à l’École des Beaux-Arts de Paris)

C’est Sophie Lanoë qui m’a signalé l’oeuvre de Kokou Ferdinand Makouvia. Son enthousiasme éveillant ma curiosité, nous l’avons rencontré dans un des ateliers de l’Ecole, en présence de l’artiste Charlotte Burtin.

Makouvia est encore étudiant, mais il a été honoré par quatre prix en une année. Le Prix des Amis 2017, le Prix Aurige Finance, le Prix Juvenars-IESA 2017, et Prix ADAGP Révélation ‘Arts Plastiques’ 2017. Il y aurait là de quoi prendre un peu la grosse tête, mais Makouvia ne donne pas du tout cette impression. Il ne se considère pas comme un artiste accompli, car, dit-il, il est  encore « à l’école », l’école avec un E majuscule, celle des Beaux-Arts. Il dit aussi qu’il s’amuse. Mais cet amusement, comme il me l’a depuis précisé, est propre à la joie de faire, de produire, et de créer.

Ferdinand Makouvia à l’atelier (Photo Léon Mychkine)

Partie 1 : Entretien

Makouvia nous apprend que l’envie de devenir artiste lui est venue dès l’enfance, et qu’elle ne l’a pas quittée.
Kokou Ferdinand Makouvia : Après mon Bac, j’ai commencé par faire des recherches, et je me suis dit « il faut que je me lance vraiment ». Parce qu’à l’école je faisais beaucoup plus de dessin, beaucoup de choses, même si j’excellais dans les mathématiques et sciences physiques. J’ai avancé jusqu’à la Licence, mais ça n’était pas vraiment ma voie; je préférais rentrer dans les ateliers de maîtres, pour voir ce qu’ils font, et poser plus de questions, même si les réponses ne me satisfaisaient pas complètementJ’ai donc compris qu’il fallait que je cherche encore. Et c’est comme ça que j’ai vraiment avancé. Et j’ai pris la décision de faire de l’art. J’ai côtoyé des gens dans le milieu, j’ai fait pas mal de choses, on m’invitait pour des expositions, des performances ; je connaissais tout le monde. À partir de là, j’ai exposé à Lomé [i.e., la capitale du Togo] avec certains artistes, au Bénin, au Ghana, en Côté d’Ivoire. Donc du coup j’ai décidé de continuer dans l’art, parce que je me disais que mon ambition, c’est pas juste de faire du bricolage, mais de faire vraiment de l’art. C’est vrai, j’ai fait la première partie de ma formation artistique dans la rue de Lomé, ce que j’appelle “l’école de rue”, parce que je faisais les ateliers, je me promenais pour vraiment comprendre. Et j’ai fini par me dire qu’il fallait que j’aille dans une école d’art, pour pouvoir continuer.
Léon Mychkine : Tu disais, « dès enfant je voulais être artiste », mais comment ça t’es arrivé cette idée d’être artiste ? Tu as vu de l’art quelque part ?
KFM : En fait, je faisais beaucoup plus de dessins, partout. Je faisais de très très beaux dessins, d’ailleurs. Surtout des animaux, des personnages. Et souvent les gens disaient : « Eh bien ! lui c’est un artiste, il faut qu’il voyage…».  Il y avait cette idée… mais les parents n’encourageaient pas. Et c’est plutôt après cette partie de “l’école de rue” de Lomé que j’ai décidé d’aller à l’école de Côte d’Ivoire, et donc j’ai fait l’École des Beaux-Arts de Côte d’Ivoire pendant une année, et, c’était vraiment bien, j’ai appris beaucoup de choses. Et puis il y avait Jems Koko Bi, qui donnait de temps en temps des cours de sculpture, car il vivait en Allemagne. Et c’est là que je me sentais beaucoup plus à l’aise. Et donc tout ça [les Beaux-Arts de Côte d’Ivoire] c’était bien parce que j’ai appris beaucoup de choses, classique, mais qui m’ont aujourd’hui donné plus de…
LM : des bonnes bases
KFM : justement. J’ai fait mon dossier, et voilà, ça a marché pour Valenciennes, et, après les deux ans à Valenciennes, j’ai fait le dossier pour Paris, et ça a marché, et je suis aux Beaux-Arts de Paris. Donc presque le rêve réalisé ! Parce que, quand je suis arrivé à Valenciennes, je leur ai dit « je vais partir aux Beaux-Art de Paris ». Ils m’ont dit « c’est un concours qui est dur, qui n’est pas très facile ». J’ai dit « OK!, donc je travaille ». Au début, à Valenciennes, un prof me disait que ce que je faisais c’était de l’artisanat. Ma réaction, ça a été: « Ouah ! Tout ce que j’ai appris, tout ça, il faut le mettre à la poubelle ». J’ai pris du recul. Il fallait que je montre que je pouvais partir de ce que j’avais comme richesse, et arriver à m’intégrer aussi, à intégrer ce que j’apprenais de nouveau. Donc, pour moi, c’est vraiment faire le mixage de tout ce que j’ai, avant, comme richesse, qui vient vient de mon pays d’origine
LM : et l’assimilation de l’extérieur
KFM : Sinon ça n’aurait pas de sens de venir ici et de ne rien apprendre. En fait, quand j’ai fini aux Beaux-Arts de Valenciennes, je suis venu ici [i.e., à Paris] sur mes propres moyens. J’ai économisé de l’argent pour faire tous les voyages
Sophie Lanoë : Tu n’as pas eu de bourse ?
KFM : Depuis mon arrivée en France, je n’ai jamais de bourse. Quand j’ai eu le concours de Paris, j’ai fait le calcul, j’ai dit, « voilà ce que ça va me coûter, il faut que je trouve un moyen pour survivre ». Normalement, venir ici à Paris, je calculais autour de 700 € minimum par mois. J’ai réalisé que ce que je savais faire de mieux, c’était mon art. Alors, je me suis concentré sur les dossiers. Mais l’idée de base n’est pas de gagner des concours, c’est d’envoyer des dossiers, parce que je n’ai pas de lieu d’exposition, je ne connais personne à Paris. C’est plutôt ce que moi-même je me permettais d’appeler une exposition virtuelle. Quand j’envoie le dossier, c’est pas gagné, mais ce sera vu par des professionnels, et je vais peut-être avoir des retours. Donc c’était peut-être dans le « peut-être » que j’étais, mais après ce « peut-être » est revenu positif, je crois.
LM : Alors, tu nous parles de celle-ci, par exemple ?
 
 
 
Kokou Ferdinand Makouvia, 3 vues d’atelier de ‘When I make a form’, 2016 Bois, caoutchouc, métal, 94 x 122 x 78 cm. (Photos Léon Mychkine)
 
KFM : Celle-là, je l’ai appelée ‘when I make a form’. ‘When I make a form’ parce que je suis parti du plan pour la forme, donc je dis ‘When I make a form’, « quand je fais une forme ». Il y a celle-là qui est derrière en cuivre, c’est une nouvelle pièce que je vais présenter bientôt. Ça c’est différent, mais quand même, c’est les choses que je faisais dans mon enfance, donc c’est un retour sur moi-même, et une sorte de reparcours de mon parcours, de repartir de la base. Donc, les pliages, les petites découpes que je faisais quand j’étais petit, je m’amusais à les faire aujourd’hui sur des matériaux divers, mais je me dis, « si le papier devait grandir avec moi, qu’est-ce que ça deviendrait ? ». Donc voilà, ça c’est des pliages que tout le monde faisait. C’est juste un plan, donc j’ai juste découpé dedans ; j’ai tourné, et ça a pris comme ça. Je l’ai appelé ‘Akossiwa’, parce qu’elle est finie un dimanche. ‘Akossiwa’, chez nous, c’est les filles qui sont nées le dimanche. Pourquoi « le temps d’une routine » ? parce que je vais l’envoyer pour la Biennale de Jeune Création Européenne, et que ça va tourner pendant deux ans, dans sept pays.
 
 
 Kokou Ferdinand Makouvia, 2 vues d’atelier de “Akossiwa, le temps d’une routine”, 2017 Cuivre, Bois. Dimensions variables. (Photos Léon Mychkine)
 
LM : C’est très physique ton travail aussi
KFM : Ah oui !
LM : Ça doit être très dur à plier ça, hein ?
KFM : Oui, dans mes travaux il y a beaucoup de travail physique, il y a des torsions, étirer, enfin… Je traite la matière comme… pas maltraitée mais comme… c’est une sorte de discussion en fait ; je laisse la matière travailler, et souvent c’est une sorte de « OK! je ne peux pas me mettre dans cette position, mets moi plutôt comme ça », donc je dis « Ah OK! oui monsieur, je t’écoute »
KFM : C’est un peu
LM : comme une négociation
KFM : Ah oui!, justement. Une négociation, surtout!
SL : Celle-là aussi elle est incroyable, parce que c’est du bois ?
 
 
 
 Kokou Ferdinand Makouvia, 3 vues de « Sans-titre », bois et sable. (Photos Léon Mychkine)
 
KFM : Oui, c’est du bois, c’est un peu mou déjà au départ. Ici c’est des craquelures, parce que comme c’est du bois, ça casse très vite, et pour moi c’est aller presque à la limite, là où ça casse, il y en a plein qui se sont cassés, j’ai refait, j’ai recollé, mais bon…
LM : Donc tu recouvres de sable. Pourquoi ?
KFM : Le sable, c’est mon pays. On marchait beaucoup pieds nus au village. J’ai vécu je ne sais pas combien d’années pieds nus. Bon ! C’est pas seulement ce côté du sable qui m’intéresse, mais je pense qu’esthétiquement, ça donne un peu quelque chose de brut ; on dirait de “non travaillé”.
SL : En fait il y a beaucoup de retours à l’enfance, dans toutes tes pièces…
KFM : Pour l’instant, quand j’ai décidé de vraiment faire les études, j’ai pensé : « pour apprendre il faut que je devienne vraiment enfant »; je me permets de dire que je m’amuse, je ne suis pas encore artiste, ou je ne suis pas encore “grand artiste”, je suis à l’École, je me permets de faire tout ce que je veux avec les matériaux, et après je verrai ce que ça va donner. En même temps, c’est comme repartir chez moi ; allez cueillir quelque chose… Qu’est-ce que j’ai vécu ? Comment est-ce que j’ai vécu les choses ? Il y a certaines choses que j’ai délaissées, par exemple le vaudou. Moi je suis né dans une famille chrétienne, donc on voyait ça comme diabolique, et je revoyais toutes ces scènes qui défilaient dans mon village, et là je me pose beaucoup de questions. Il faut que je reparte, pour aller encore reprendre.
LM : Donc là on a ?
KFM : C’est du métal forgé. Ça je l’appelle « Dessins des coups et des noeuds ». Par exemple, celle-là, c’est 389 coups, et deux nœuds.
 
 
 

 Kokou Ferdinand Makouvia, 3 vues d’atelier de ‘Dessin, des coups et des noeuds”, 2017, acier forgé et caoutchouc.
Installation, dimensions variable. (Photos Léon Mychkine)

 
LM : Tu comptes les coups que tu donnes ?
KFM : Oui
LM : En forgeant
FM : Oui, parce que c’est des barres de fer que j’ai prises, que j’ai récupérées, et mises dans la forge. Donc il y a un jeu que j’essaie d’établir entre ce mouvement, en fait ; ce mouvement de moi, de la pensée, et de la matière.
SL : Et ça, c’est aussi du métal qui le lie ?
KFM : Non, c’est de la chambre à air. J’ai travaillé la chambre à air, parce que je pense que c’est un peu comme mon histoire ; la chambre à air, elle fait une sorte de parcours, traversée plein de pays, voyagé, et quand je la retrouve, c’est comme si je suis dans un matériau qui est presque comme moi, en fait. Donc c’est en même temps ce côté de rigidité et de flexibilité ; c’est quelque chose qui est très très dur, et en même temps mou. Donc je pense que c’est cet aspect qu’il me faut pour pouvoir avancer.
LM : C’est une chambre à air, sous laquelle se trouve un vélo.
 
 
 
  Kokou Ferdinand Makouvia, 2 vues d’atelier de ‘Cargo’, 2016 Caoutchouc, vélo, tréteau, pain couché, 110 x 150 x 150 cm. (Photos Léon Mychkine)
 
KFM : En fait ici j’ai voulu questionner ce qu’on voit, parce qu’ici si je ne vous parle pas de vélo et je donne un nom, vous allez vous poser des questions, mais quand on parle de vélo, on voit le dessin, on se dit « voilà sa position », et dans l’installation même je pensais mettre beaucoup plus de petits objets, ou rien ; mais sur la description mettre des objets imaginaires et… La vérité n’est pas là ; la vérité ne se trouve que… sur la peau. C’est un peu ça ce qui est marrant, c’est que je vais jouer dans cette pièce, et c’est ce qui est caché, ou c’est ce qu’on ne voit pas, en fait ; et tout ça, ça peut renvoyer à la politique, et les gens me demandent si j’ai des idées politiques ; ça peut être aussi le cas, mais bon. Je préfère rester enfant et après quand on va grandir on parlera de la politique.
LM : Mais tu disais « ça c’est une peau ». C’est une peau ?
KFM : Ça devient comme une peau, parce que la peau c’est le contact de l’extérieur et de l’intérieur. Donc l’intérieur m’intéresse beaucoup, même si c’est l’extérieur qu’on voit. L’intérieur me pose beaucoup de questions. Pour l’instant je n’ai pas vraiment développé, je n’ai pas encore approfondi mais je pense que dans peu temps je vais faire plus de recherches dessus. C’est pourquoi j’ai parlé de peau, pour l’instant, parce que c’est ce qui couvre, on ne sait pas vraiment ce qu’il y a à l’intérieur. C’est un peu vivant comme la peau… animal, ou quelque chose comme ça.
FM : Et sinon il y a la pièce là que je n’ai pas installée ; c’est ‘Adjogbo’. Adjogbo’, c’est la danse, c’est une danse de chez nous qui est vraiment une danse de réjouissance.
SL : C’est quel matériau ça ?
KFM : Ça c’est du feutre industriel résiné… Ça renvoie un peu à Joseph Beuys, avec son feutre… Je l’installe souvent avec des boules de céramique. Mais je peux l’accrocher. Pour mon diplôme, par exemple, je l’ai complètement accroché. C’est ce que je joue dans la plupart de mes pièces aussi, c’est l’idée que ça prend la forme de l’espace dans lequel elle se trouve. L’espace m’intéresse, parce que j’ai regardé pas mal de vidéos sur la physique quantique, avec l’infiniment grand et l’infiniment petit… on peut partir de choses très très petites et aller dans les choses très très grandes, et vice-versa.
 Kokou Ferdinand Makouvia, ‘Adjogbo’, 2016, Feutre industriel résiné. Dimensions variables. Installation à la galerie du Crous (avec céramiques). (Photo Clément Halborn).

Adjogbo’, Installation à l’ENSBA-Paris (les deux images ci-dessus sont issues du portfolio de Makouvia)

 

Partie 2 : Makouvia, la matière même

La détermination de Makouvia est assez impressionnante. On peut certainement déjà parler d’oeuvre en ce qui concerne sa production, car elle est prolifique, diverse, et puissante. Makouvia est un artiste hybride ; il revendique son origine africaine, et il a embrassé les codes de l’art contemporain occidental ; sa pièce “Akossiwa, le temps d’une routine”, pourrait parfaitement passer pour de l’art conceptuel, tandis que “Cargo” s’inscrirait aisément dans la tradition de l’Arte Povera. Mais ce n’est ni l’un ni l’autre ; il ne joue pas à l’artiste conceptuel, ni à l’artiste poveriste. Il joue sa carte, comme il le dit, carte aux motifs entremêlés, sur lesquels se distinguent des codes à la fois de l’origine, de l’apprentissage, et de l’École des Beaux-Arts à l’occidentale. De ses codes Makouvia est en train de proposer une synthèse, du grec sunthesis, « réunion ». Synthèses de couleurs et de matières, synthèses de techniques et de savoirs. Il est commun de dire que la synthèse s’oppose à l’analyse, car l’analyse scinde les constituants, tandis que la synthèse les associe. Il semble que, comme tout artiste, Makouvia n’ait pas besoin d’analyser, car il connaît déjà les choses, ou, à tout le moins, certaines choses. Et c’est pourquoi il n’a plus qu’à les associer, à les réunir (synthèse). On pourrait donc dire que certaines œuvres makouviennes sont des documents de synthèses artistiques, qui posent des choses, comme on dit. Force est donc de constater la diversité du vocabulaire makouvien. Intensité des vocables apparaissants ; ce qui nous parle est une langue en cours d’élaboration, car je suppose que Makouvia n’en est qu’au début de son alphabet plastique et sémiologique (chaque pièce signifie en elle-même et davantage qu’elle-même).

Les sculptures commencent à parler dans leur pose même. Mais en sus de cette pose, il y a donc cette matière qui été travaillée, et qui, justement, ne pose pas. Makouvia a une façon d’appréhender la matière que je cherche à qualifier mais dont l’adjectif m’échappe. Il prend la matière à bras-le-corps, comme un lutteur se saisit de son adversaire. Sauf que la matière n’est pas l’adverse de Makouvia, mais sa partenaire, sa négociante ; sa patiente. Des deux côtés, ressortit une évidence : la force. La matière sculptée témoigne de l’activité physique du corps de Makouvia et semble dire : “j’ai résisté, et je suis là” ; comme si l’activité musculaire, littéralement, devenait alliage propre à la sculpture. D’où la tenue des pièces. Ceci dit, il ne faudrait pas, surtout pas, subsumer ces sculptures sous le seul concept de force, ou de performance (le résultat). Il ne s’agit pas d’une démonstration de foire. Mais il faut bien cependant signaler cette force objectale.

De fait, et sans jeu de mot redondant, l’oeuvre de Makouvia est très forte. Disons que l’on sent une force dans chacune de ses pièces ; une force qui se distribue selon les matériaux utilisés, selon les angles choisis, selon les formes. Si, dans l’entretien qu’il nous a accordé, Makouvia acquiesce au mot « négociation », c’est parce qu’il s’agit bien de cela. Il fait parler la matière : « c’est une sorte de discussion en fait ; je laisse la matière travailler, et souvent c’est une sorte de “OK! je ne peux pas me mettre dans cette position, mets moi plutôt comme ça”, donc je dis “Ah OK! oui monsieur, je t’écoute” ». Il faut prendre très au sérieux ce genre d’anecdote, car, effectivement, les choses ne sont pas inertes ; elles interagissent avec nous, et bien davantage encore quand on les manipule. Et la sculpture, essentiellement, est exactement le lieu de cette interaction avec la matière, au plus près, au plus proche… du corps. Du corps du matériau et du corps de l’artiste ; jusqu’à la fusion analogique : quand Makouvia nous dit que la chambre à air, c’est une « peau ». À voir la pièce ‘Cargo’, on peut se demander si cette peau ne symboliserait pas une certaine condition humaine, celle d’une peau devenue objet, une identité non remarquable ? « La vérité n’est pas là ; la vérité ne se trouve que… sur la peau », dit-il. En même temps, Makouvia ajoute que ce qui l’intéresse, c’est aussi ce qui se trouve à l’intérieur, sous les revêtements ; et ce qu’ils supportent. C’est une affaire de structures. Ainsi, on pourrait très bien voir la sculpture ‘When I make a form’ comme une sorte de grande cage thoracique désaxée, devenant une sorte de plante, de fleur, par exemple. Mais là encore, la carte anthropomorphique ne marche pas à tout coup. Comment appréhender ‘Adjogbo’ ou encore ‘Sans-titre’ ? Les oeuvres de Makouvia semblent refléter ses propres préoccupations, les questions qu’il se pose. De fait, nous, les regardeurs, nous posons aussi des questions face à ses oeuvres. Et il est intéressant d’expériencer ce questionnement, car cela nous change de l’évidence. Ce questionnement touche autant le caractère performatif des oeuvres (comment c’est fait ? Comment ça tient ?) que leur aspect métaphysique : comment les interpréter ? De ce point de vue, et d’une manière générale, il y a peut-être deux sortes d’oeuvres, les oeuvres évidentes, et les oeuvres questionnantes. Peut-être. Makouvia se pose des questions — il le dit souvent —, et ses questions, et pour le coup transcrites dans la sémiologie propre à l’art s’y retrouvent. Et c’est impressionnant.

 

PS: D’autres informations sur Ferdinand Makouvia ici: http://eprojects-collection.com/

 


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