La laitière craquelle sur l’Internet, et autres délaissements

La laitière se décompose. Quand on accède au site électronique du Rijksmuseum (Amsterdam) cela ne trompe pas : le tableau se craquelle de tout côté, à tel

point, que cela donne une autre image. Beaucoup d’autres sites, ou magasines, sont généreux sur les retouches, comme si un tableau ne vieillissait jamais. Mais le Rijksmuseum ne triche pas avec l’image, et ça fait mal. Oui.

Il faut maintenant ajouter ces craquelures au tableau. Elles en sont partie intégrantes. On peut supposer qu’il est impossible de le restaurer. Tout comme “La Baigneuse”, dite “Baigneuse Valpinçon’, d’Ingres, au Louvre.

Photo Léon Mychkine
Photo Léon Mychkine

Comment inclure, ou non, ces accidents ? Sur le site électronique du Louvre, nulle craquelure :

À quoi sert-il de cacher la vérité ? Ajoutons que les sites électroniques du Louvre et du Musée d’Orsay (le Centre Pompidou idem, et j’en passe), par exemple, sont vraiment avares ou à la traîne en matière de définition des images, c’est vraiment petit (et d’ailleurs dans tous les sens du terme), on ne peut rien télécharger ; tandis qu’on ne compte plus les sites étrangers où l’on peut télécharger toute image en haute définition, faire des zooms, etc. Je me demande pourquoi, dans ce pays qui aime tant la culture (on tousse) l’offre est si chiche, et, pour tout dire, has beenMaintenant, posons la question fondamentale : Un tableau craquelé est-il encore un tableau ? (Je laisse mijoter, et y reviendrai quand le kairos sera prêt).

Mais cette question pourrait se poser aussi pour toute œuvre d’art, en quelque sorte, laissée à l’abandon, comme cette sculpture en plein air :

 

Photo Léon Mychkine

La question qui me tarabuste n’est pas celle de la responsabilité de cet abandon, car si je soulevais cette question, cela sous-entendrait inévitablement un ou des coupables “d’abandon d’œuvres d’art”… Or, comme le disait à sa manière notre bon Roitelet, la France compte assez de Procureurs comme cela ! (Quelques millions, dites-vous ?). Je sais le surpoids, l’obésité de l’administration française, et allez savoir pourquoi cette œuvre se trouve dans cet état ? Ne connaissant le pourquoi, je ne peux juger de cette partie. Ce qui m’intéresse, c’est la qualité intrinsèquement temporelle de l’œuvre. D’abord, on peut déjà s’étonner de l’état de dégradation dans laquelle elle se trouve. L’artiste savait-il que son œuvre serait installée à l’extérieur ? Évidemment. Avait-il prévu une résistance, une résilience suffisante pour affronter nos climats ? Apparemment non. Ou bien, et cela aurait fait partie du dossier de l’accusation (que je ne mène pas) : Combien de temps était-il prévu pour cette œuvre à l’extérieur ? Autant de questions qui vont hanter vos nuits. Encore une fois, je ne connais pas la réponse, et ne m’intéresse qu’à l’aspect mentionné. Et je pose la question afférente : Qu’est-ce qu’une œuvre totalement dégradée ? Et je ne fais pas allusion à une statue en plein air eutrophisée, ni à une œuvre taggée, comme on peut en voir un certain nombre le long du Musée de la Sculpture en plein air, s’étendant entre le pont d’Austerlitz et le pont de Sully, à Paris ; non, je mentionne que ce cas particulier d’une œuvre qui a été déglinguée par le temps et les intempéries.

Photo Léon Mychkine

Comme on dit familièrement, “tout est parti en sucette”. Tout est désaxé, décollé, eutrophisé, déteint, bref, c’est bon à jeter.

Photo Léon Mychkine

Mais voyez !, peut-être que cette œuvre ne méritait pas de perdurer, peut-être était-ce une erreur de programmation ? Autant qu’elle s’achève, se détruise, s’effondre…

Photo Léon Mychkine

Voyez la structure qui apparaît sous le bois sec et cassé, et pour partie disparu, volatilisé dans les intempéries. Je suppose qu’à l’origine celle-ci n’était pas visible, et que tout l’ensemble prenait l’aspect comme d’un grand étui conique. Fusée spatiale primitive.

 

Léon Mychkine