ART-ICLE.FR, the website of Léon Mychkine (Doppelgänger), writer, Doctor of Philosophy, independent researcher, art critic and theorist, member of the International Association of Art Critics (AICA-France).

Marion Franzini à l’atelier

Léon Mychkine : Donc la tradition, c’est que l’on se présente, donc je suis dans l’atelier de…
Marion Franzini : Marion Franzini
M : Voilà. À la Morinerie, à Saint-Pierre des Corps. Donc, toi tu es peintre, c’est ça ?
F : Oui, tout à fait.
M : Tu es essentiellement peintre…
F : Essentiellement, oui, on va dire que j’aborde potentiellement d’autres médiums, mais il s’agit toujours de préoccupations picturales, finalement.
M : D’accord. Et il y a combien de temps que tu peins ?
F : Je peins depuis… c’était avant de rentrer aux Beaux-Arts, je peignais depuis l’âge de 17-18 ans, donc, ça commence à faire un petit peu.
M : Et tu as quel âge ? Si ce n’est pas indiscret [rires]
F : [Rires] J’ai 35 ans.
M : Donc, parle-moi de ta peinture, dis-moi quelque chose.
F : Bon, la première chose qui se passe, c’est que la particularité de ma peinture, en fait, c’est que je tends une toile colorée, sur le châssis, c’est-à-dire que je ne pars pas sur une toile blanche, je pars sur un coton teinté, généralement. Il y a un choix chromatique qui se fait à l’origine au moment de l’achat du matériel.
M : Hmm hmm…
F : Une fois la toile tendue sur châssis, ce n’est pas systématique, mais je peux être amené à dépeindre, c’est-à-dire qu’en fait, à l’aide d’un pinceau, ou d’un spray, ça dépend, je vais être amenée à décolorer cette toile, et c’est ce qui va me permettre de mettre en place ma gamme chromatique.
M : Hmm hmm…
F : Alors, après, je le redis, ce n’est pas systématique.
M : Et après tu appliques tes objets, qu’est-ce que c’est ? Comment tu qualifierais ce que tu peins ? C’est des objets, c’est des abstractions ?
F : Hmm… Des formes.
M : Des formes
F : Des formes, des signes, parfois. Des intentions. Après, l’approche que je vais avoir de la peinture, c’est vraiment une forme de réceptacle, un lieu d’interférences en fait, où les choses sont mêlées, parfois par accident
M : Donc il y a une part d’intentions, et une part laissée au hasard, tu veux dire ?
F : Oui, toujours. Je n’ai pas une maîtrise totale de ce que je produis. Mais ça se sent dans ma peinture, il y a des choses qui sont très maîtrisées, et puis des choses où on sent qu’il y a eu comme une forme de gestes très spontanés, en fait. Et dans cette forme de spontanéité, forcément, il y a des choses qui se produisent, que je maîtrise pas totalement ; même si je cherche sans arrêt à les maîtriser je ne les maîtrise pas forcément totalement. Et c’est aussi généralement, à travers ces accidents une façon, pour moi, d’enrichir le vocabulaire, tout simplement. Un travail m’amène vers un autre travail, que ce soit une série de dessins, une série de toiles, de format. C’est ce qui fait qu’on continue et qu’on avance. Les choses ne sont pas totalement maîtrisées.
M : Et c’est aussi un souhait de ta part de ne pas tout maîtriser, j’imagine ?
F : Non, bien sûr. C’est en grande partie ce qui m’intéresse, c’est me laisser surprendre par ce que je suis en train d’entreprendre, par ce qui est en train de se faire
M : Hmm hmm !
F : Quand j’achète une toile teintée, et que je la décolore, le travail de décoloration va se faire progressivement, mais je ne sais pas quelle couleur je vais obtenir à la déteinte
M : hmm hmm…
F : Donc là, évidemment, l’accident je le provoque en soi, mais je ne sais pas ce que je vais obtenir. C’est un aller-retour en fait, un dialogue avec le moyen d’expression, avec la matière, avec les outils
M : Et tes dessins et collages sont différents, il y a beaucoup plus de champ aux formes vides, au blanc
F : Oui, alors
M : moins saturés,
F : Oui, complètement. Dans la peinture il y a ce côté ‘color-field’, il faut vraiment que je parte sur une couleur très forte, donc pas forcément saturée, c’est souvent des teintes plus rabattues. Et par contre dans le dessin j’utilise le même papier, un papier cartonné, j’utilise le même depuis plus de dix ans, maintenant. Alors au départ c’était uniquement un travail d’ébauche, d’esquisse, qui m’amenait vers un travail de peinture, et aujourd’hui les choses dialoguent, il y a plus de corrélation, je donne plus d’importance au dessin, en fait, aujourd’hui. Et avec ce travail là, je n’ai jamais ressenti le besoin de partir sur un papier plus coloré.
Marion Franzini, ‘Terre émergée’, dessin, collage
 
M : Et donc, quand tu commences à peindre, tu sais où tu vas ? Tu as une idée en tête ? Comment ça marche ?
F : Ben la grande question en peinture, c’est toujours de savoir “quand on s’arrête” ? Après, “où je vais ?” [rire] Généralement, j’ai en tête des éléments, des choses qui vont faire appel, référence à des préoccupations du moment, donc dernièrement ça a été les minéraux, la roche. Donc je fais appel soit à des phénomènes, soit à des environnements, des choses qui peuvent s’y produire, en fait.
M : D’accord, donc c’est intéressant ça, ça veut dire, si je comprends bien, qu’éventuellement tu pars d’objets réels
F : Je ne cherche pas à figurer
M : non non, bien sûr
F : loin de là. Je ne cherche pas à figurer, mais c’est ce qui va donner le ton, qui va donner l’intention, et qui va me permettre d’avancer dans la construction du tableau, du dessin.
M : C’est intéressant. Bien sûr qu’on ne se dit pas “tiens ! elle s’est inspirée de la roche”, mais le fait que tu le dises, c’est intéressant. Tu t’inspires d’objets réels, et tu transformes, ou tu transpose d’une manière différente.
F : C’est ça
M : C’est ce passage là qui est intéressant. […] Est-ce qu’il y a toujours une base réelle, je ne sais pas…
F : Ce n’est pas systématique, souvent c’est en produisant la forme, en dessinant un trait, une ligne… je me laisse aussi guider par ce que je suis en train de produire.
M : Du coup ça produit quelque chose d’énigmatique.
F : Oui oui, complètement. Oui, c’est assez énigmatique. J’aime bien donner des noms à mes pièces, qui vont aller plus loin dans l’aspect énigmatique. Si par exemple j’ai l’impression qu’il y a un motif qui est trop plaqué, justement, de l’ordre de la figuration, je vais chercher à décontextualiser, à emmener ailleurs. […] Donc il y a aussi des titres très anecdotiques, mais ça c’est aussi mon côté… enfin je n’ai pas envie qu’on perçoive mon travail comme quelque chose de trop sérieux.
M : Ah oui ?
F : Oui, j’aime bien porter aussi une forme de…
M : de légèreté ? D’humour ?
F : Oui, plus d’humour. Plus d’humour, parce que la légèreté, à travers le travail de composition, peut déjà transparaître. On n’a pas forcément besoin d’aller en rajouter une couche avec un titre.
M : Alors justement tu disais “ça va où ? Ça s’arrête quand ?”, tu sais quand ça s’arrête j’imagine ?
F : Oui, et ça m’arrive d’aller trop loin. Souvent je vais trop loin quand il y a des choses qui me semblent intéressantes mais que la composition est bancale, ça tient pas la route ; et généralement, dans ces cas là, je suis amenée à fragmenter, ç’est-à-dire l’idée étant de déceler une peinture dans la peinture. Donc je découpe la toile, et alors soit c’est découpé de façon à redevenir une peinture, donc ça m’est arrivé, j’ai déjà découpé une toile d’1,50 m par 1,10 m en dix-huit peintures.
M : D’accord.
F : Et puis parfois ça peut être un découpage beaucoup plus aléatoire, ça peut être un fragment de toile inséré dans les collages, par exemple. Parfois sur toile aussi. Le découpage, c’est quelque chose qui m’intéresse beaucoup, parce que ces dernière années j’ai pas mal bossé justement sur la forme, la contre-forme, la découpe, la contre-découpe
M : [Je désigne une toile dans l’atelier, ci-dessous]
 
 
Marion Franzini, Vous habitez. Technique mixtes sur toile.
 
F : Ce qui s’est passé, au début, c’était à travers mon travail de découpage, comme j’étais amenée à découper mes toiles, donc à les évider, c’est-à-dire que parfois je revenais découper des motifs inscrits sur la toile, et dans l’atelier, par expérience, en déplaçant les toiles et en les positionnant les unes devant les autres, ça me faisait comme ça une série de percées, je trouvais ça intéressant, et je me suis dit “ah il faudrait que j’arrive, effectivement, à exploiter non pas la découpe mais la contre-découpe, pour en faire quelque chose”. Et donc, depuis, j’ai réalisé un certain nombre de pièces, de cet ordre là, où je laisse apparaître, sur un second plan, parfois ça va jouer sur plusieurs plans, je vais au-delà, ça peut être deux, trois… j’ai déjà été jusqu’à sept plans, c’est-à-dire sept toiles posées les unes derrière les autres, et ce qui m’intéresse, de ne révéler qu’une partie de la toile qui se trouve derrière. Et puis l’objet, du coup, devient autre. On n’est plus dans de la 2D, on est dans un objet… plus hybride.
M : Dans une sculpture presque
F : Oui, voilà c’est ça, c’est une peinture sculpturale.
 
Marion Franzini, Et si on allait se faire une toile. Après toi. Technique mixte sur toile, 55×46, 2014
 
M : Une question, peut-être bête, enfin ça dépend comment on la prend. Tu as des influences en peinture, ou aucune, ou ?
[Rires]
F : J’en ai plein. Un Robert Motherwell, par exemple.
M : Ouais
F : Donc, l’Expressionnisme Abstrait, c’est un travail qui me touche beaucoup. Je trouve que, justement pour moi il traite vraiment très très bien la spatialité, tout l’aspect gestuel, aussi, l’expressivité du geste.
M : Et chez les contemporains, tu te sens proche de qui ?
F : Chez les contemporains, Télémaque, et en dessin, j’aime beaucoup le travail de François Bouillon. Là, ce qui va m’intéresser, c’est son attachement aux arts ethnographiques, en fait. Il est collectionneur de pièces ethnographiques, et il est très attaché aux symboles de différentes civilisations ; donc des symboles très originels, qu’on va retrouver d’une civilisation à l’autre. Donc il traite ça beaucoup en dessin. Donc ça c’est directement lié aussi à mon histoire, parce que j’ai des racines béninoises.
M : Ah bon ?
F : Oui. Oui oui. Et c’est aussi d’ailleurs ce qui m’a amenée dans mon travail à cette approche de la toile : De ne jamais partir d’une toile blanche. Parce que, en fait en faisant ce que je fais là, je fais appel, on va dire à une pratique artisanale qui pourrait se rapprocher du batik.
M : Oui
F : Où en fait avec le batik t’es amené à faire des réserves, tu crées des réserves avec de la cire, et ensuite tu trempes ta toile dans un bain de teinture, et tu révèles tes motifs dans ce sens là. Bon, moi, c’est un procédé inverse, parce que je pars d’une toile teintée et je viens produire mes motifs dedans. Donc la réserve se fait après coup.
M : Et tu as des racines béninoises de quel côté ? C’est intéressant cette histoire enfin…
F : J’ai du mal à en parler dans mon boulot, parce que ça reste anecdotique mais c’est quelque chose qui est complètement ancré dans mon travail.
M : Donc ça ne l’est pas, anecdotique.
F : C’est là, malgré moi, finalement.
M : Tu peux préciser d’où ça remonte ?
F : En fait mon arrière grand-mère, du côté de mon grand-père maternel, était princesse d’un village.
M : Ah oui ?
F : Et donc moi petite, mon grand-père me racontant ça, pendant très longtemps, j’ai vécu le Bénin phantasmé, l’Afrique phantasmée. Je vivais à travers les histoires de mon grand-père, qui ne m’a pas raconté tant de choses que cela, finalement, j’ai plus vécu son histoire à travers des images, des photos. Des archives familiales. Et puis au décès de mon grand-père, j’ai eu l’impression de perdre tout un patrimoine, et donc j’ai tané ma mère, et on est parti au Bénin.
M : D’accord.
F : Toutes les deux. Donc elle y avait déjà été une fois, seulement. Donc ben là, d’un seul coup on se découvre une famille, dans un autre pays, une autre culture… Et le début de mon travail plastique tournait beaucoup autour de ça. Autour de l’altérité… voilà. […] Et là où ça nourrit mon travail, c’est à quel point en fait les objets peuvent être chargés, chargés de magie aussi, c’est pour ça que quand je te parle de ma teinture et que je dis que c’est une sorte de réceptacle, c’est vraiment dans ce sens là, c’est comment elle est chargée d’intentions… J’avais produit des pièces, lors d’un second voyage, j’ai produit des pièces, réalisées dans un village de potières, donc ça a été toute une expérience. Je les ai ramenées, et ces objets, aujourd’hui, ils sont vides.
M : Ah ?
F : Il leur manque quelque chose
M : Il n’y a plus le contexte
F : Oui, c’est ça. Le contexte, l’environnement.
M : Du coup, quand même, tu sens en toi cette origine…
F : Ah oui, oui […]
M : Et, encore une question que je n’ai jamais posée. C’est très à la mode, le genre… Toi, tu te considères en tant que femme-peintre, ou ? [rire de Franzini] Ça peut paraître débile, mais c’est quand même très à la mode, tout ce qui est genré, tu vois ?
F : Oui oui, complètement
M : Alors moi ça me…
F : Ça te passe par dessus la tête
M : Oui.
F : Ben et puis c’est surtout que dans mon boulot, assez souvent on a pu me dire « qu’est-ce que ton travail est féminin ! »
M : Ah…
F : Mais, est-ce qu’on dirait à un homme « qu’est-ce que ton travail est masculin ! »
M : [rire]
F : Oui, absolument, oui. […] Je pense que par la couleur, ma sensibilité de la couleur, etc., il y a quelque chose, oui, de très féminin, c’est doux, mais tout ça va aussi avec ma personne. […] Alors après ce que je ne peux pas nier, c’est le rapport à la couleur ; avec la couleur on peut vite être dans un rapport de séduction.
Entretien supplémentaire (via Messenger)
: Donc, je voulais m’entretenir, enfin, plutôt, que tu m’entretiennes de la couleur, dans ta peinture.
: OK
: Donc, je regardais tes peintures, notamment ton installation “Et si on allait se faire une toile. Elle crève l’écran”, et d’autres boulots… Donc j’avais juste cette question, entre autres : Quel est ton rapport aux couleurs vives ? [ndlr: Léon Mychkine pose parfois des questions étrangement simples, mais c’est ainsi]
: La couleur est presque un sujet en soi dans mon travail.
: C’est-à-dire ?
: La couleur, rétrospectivement, est de plus en plus marquée, soutenue, rabattue. pas « rabattue ». « Saturée”, disons. [ndlr: “rabattue, i.e., une couleur que l’on charge de noir] La couleur souligne, dessine, souligne l’objet de la peinture. 
: Mais par exemple, dans l’installation “Hop Pop Up”, tes bâtons entoilés, que signifient-ils dans le dispositif ?
 

Marion Franzini, Hop Pop Up (détail de Composez le tohu-bohu), peinture-installation, châssis, bâtons entoilés, morceaux de toiles et fils de coton, 2012

 
: Mes bâtons se lisent dans un tout. C’est–à-dire la toile à traverser et ses bâtons. Ils ne vivent pas indépendamment les uns des autres. Ils ponctuent la composition. C’est un déploiement de peinture en 3D, si tu veux. 
: J’allais te le dire !
: Une peinture non pas à appréhender sur la surface du tableau, mais une peinture à lire dans l’espace. […] J’entends la couleur, sa température, sa saturation, comme une matière à sculpter. Évidemment, rentre en compte le mariage ou l’opposition de celle-ci dans une autre. Je me suis rarement contentée d’un monochrome. 
: Tu entends la couleur. Ça veut dire que tu la ressens ?
: Je la considère.
 
J’ai envie d’écrire que la peinture de Marion Franzini est jolie. Je n’ai encore jamais écrit que ce que faisait un ou une artiste était “joli” (mais j’ai déjà utilisé pour certains l’adjectif “beau”). Je préviens tout de suite que ce qualificatif n’est en rien péjoratif. C’est un compliment, et non un diminutif. Dans la Critique de la Faculté de Juger, de Kant, que j’ai la faiblesse de penser comme un très grand livre (ce n’est pas l’avis de tout le monde…), le « joli » est une espèce du « beau ». Les peintures de Franzini sont jolies. Si je dis qu’elles sont belles, elle n’aura plus d’espace pour avancer. Or Franzini est une jeune artiste, car 18 ans de peinture en font toujours une jeune peintre. C’est qu’il faut du temps pour produire un artiste ! On dira, “c’est joli, la belle affaire !” Mais je dirais que le “joli”, s’il est une espèce du beau, est tout de même un certain stade de l’esthétique que l’on peut éventuellement atteindre si l’on est artiste ; je dis bien “éventuellement”, car ce n’est pas un  réquisit. Mais j’affirme que réussir à faire un tableau, et même plusieurs tableaux, en tant que “jolis”, n’est pas donné à tout le monde. Et ce n’est pas le cas pour tous les tableaux. Certains sont laids, volontairement inesthétiques ; car ils cherchent ailleurs leur source (certains Pollock ou Rebeyrolle) ; d’autres sont laids involontairement, à l’insu de leurs auteurs (au hasard, Buffet et Mathieu). Dans la veine médiane, certains artistes cherchent à “faire” du beau, de l’agréable, du joli… Mais ça ne “marche” pas, c’est raté, toujours. Voilà pourquoi produire une peinture qui soit jolie est déjà une réussite en soi. On dira, “ce n’est suffisant”. Certes. Mais c’est un bon début. Mais justement, la peinture de Franzini n’est pas seulement jolie, elle est aussi, par moments, intrigante ; énigmatique. Deux exemples : 
 
 
Marion Franzini, “Et si on se faisait une toile. Je sèche”, technique mixte sur toile, 55×46 cm, 2014
 
Prenons le tableau ci-dessus. Dès l’abord, il  n’est pas séduisant ; autant pour le lecteur qui pensait que je, plutôt qu’elle — Franzini — ne s’en tiendrait qu’au “joli”. C’est très curieux, c’est inquiétant, voire ; malaisant. Je livre maintenant une courte interprétation tout à fait subjective : On dirait une sorte de perclusion d’organes, ajouté d’une invagination. Le tout, dans des couleurs très réalistes. Cependant, et encore une fois, on retrouve des motifs familiers : des traits contourant ainsi qu’un tacheté variable qui, en quelque sorte, apaise la scène centrale et primitive. C’est une composition très complexe, et, encore une fois, énigmatique. Qu’est donc ce rond dans ce qui semblerait du sang et qui donne sur une région comme non-contaminée (blanche) ? Ne serait-ce un pendant graphique à ce trou physique que Franzini opère dans la toile ? Comme ci-dessous: 
 
Marion Franzini, “Je préfère que cela vienne de nous toutes”, technique mixte sur toile, 91x65x13 cm, 2014

Il se passe des choses dans ce tableau. On retrouve les traits, comme des canaux vitaux. Des découpes, certaines impeccables, d’autres plus hésitantes. Une profondeur de champ, réelle, de vraies perspectives. C’est curieux. La plus grande découpe ne peut ne pas évoquer la manière naïve et populaire (de l’enfance à Facebook): un cœur. Et si justement nous pensons “coeur” en focalisant sur cette forme, on voit, à l’intérieur, une partie vaguement triangulaire où se révèle comme un chair, ou, tout simplement, des traits de pinceaux ; traits de pinceau que la plupart du temps Franzini se garde bien de montrer. Alors… Chair ou traits ? Ces traits s’opposent au lissé, aux à-plats. Et c’est intéressant (j’ai déjà dit dans mon ours à quel point je valorise le mot « intéressant »). C’est intéressant, parce que cela frémit.  

Marion Franzini, DiversPrête-moi ta lunette. Technique mixte sur toile, 80×70 cm + drapé, 80×70 cm, 116×80 cm, 2009
 
 

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