NB. Les artistes œuvrent, nous a rappelé Hannah Arendt. Mais, pour qu’il y ait « œuvre », il faut « œuvrer », comme elle l’écrit aussi, mais, aussi, tout simplement, travailler. On sait bien qu’Arendt distingue catégoriquement entre travail et œuvre, et que les artistes ne sont pas des travailleurs. Cependant, j’y insiste, ce n’est pas parce que l’artiste fabrique, à l’atelier, qu’il est, à tout coup, en train de produire une œuvre. Pourquoi ne pas dire, alors, qu’il œuvre ? Parce que, si on écrit : à l’atelier l’artiste œuvre, on ne peut que conclure qu’il est en train de créer une œuvre, ce qui n’est pas toujours vrai, car le temps artistique est aussi fait d’essais, d’hypothèses, de tentatives, et, aussi, de destruction. Ainsi, dire qu’à l’atelier (quel que soit l’endroit) l’artiste travaille avant de faire œuvre fera sens pour les artistes eux-mêmes, supposé-je, mais aussi pour quiconque a compris l’écart subtil entre le temps de création et le moment où l’artiste juge, ou “sait” qu’il ou elle a achevé une œuvre. Alors, oui, « œuvrer », cela demande beaucoup de « travail ». C’est bien pour cela que les artistes, si on lisse le vocabulaire, “travaillent” beaucoup plus que n’importe quel “travailleur” salarié. Et, ce qui est pis, c’est que, pendant ce temps d’é-labor-ation, l’artiste n’est pas payé. Et là, on se dit : Qui accepterait de travailler gratuitement sans en retirer quelque pécule ? Personne. Personne… à part un artiste. Ceci dit, bien souvent, ce “travail”, on ne le voit pas, et, remarquons-le, nous n’avons parfois des “documents de travail”, des “études”, qu’après le trépas de l’artiste. N’est-il pas intéressant de montrer une partie de ce travail de son vivant ? Claro que si.
Ainsi, cette nouvelle rubrique a pour but de montrer le travail, l’œuvre en train de se faire, à partir de photographies prises à tel et tel moment, par l’artiste. Cela s’inscrit comme un “flash” ; un instant donné dans le travail de l’artiste. Bien entendu, puisque c’est un “flash”, les travaux montrés ici peuvent encore évoluer ; voire, disparaître. Quelques mots personnels de l’artiste permettent de se faire une idée sur comment le travail, les hypothèses se mettent en place, le tout en rapport avec le “métier” et le processus purement créatif, qui, à lui seul, prend du temps, voire beaucoup. Et c’est donc Christophe Lalanne qui inaugure cette nouvelle rubrique, avec des travaux récents — pas plus tard qu’hier —, et je le remercie de sa confiance :




Léon Mychkine