Série ”Elles font l’abstraction”(chez Pompidou): on signale une passagère clandestine !

Puisque Germaine Krull (29 novembre 1897, Wilda, Poznań, Pologne/31 juillet 1985, Wetzlar, RFA) ne fut pas une artiste abstraite, n’est-il pas étonnant qu’elle soit présente dans cette exposition ? Si. Faut-il s’en navrer ? Non. Cela permet de la faire connaître davantage, et je suis assez impressionné par la diversité de son regard et la pointe acérée de son œil. Pensez ! D’usines de voitures au Général de Gaulle, du nu aux ethnies africaines, en passant par l’architecture, et j’en passe ; et, quasiment à chaque fois, paf! elle fait une photo, et pas une image (beaucoup de photographes, même parmi les connus, font des images, mais pas de photographie. J’y reviendrai un autre jour…).

Germaine Krull, “Usine électrique Issy les Moulineaux”, tirage gélatino-argentique, 22,§ x 16,6 cm, Amsab-Institut d’Histoire Sociale, Gand.  © Estate Germaine Krull Estate Folkwang, Essen

À Beaubourg, si je me souviens bien, il n’y a que quelques photos de bâtiments industriels, en gros plan, angles spécifiques ; mais, encore une fois, on ne peut pas qualifier ces photographies d’“abstraites”, tout comme il serait abusif (abusé, dit la jeunesse…) de dire que cette photographie ↑ est abstraite. Elle ne l’est pas. Ainsi donc, il y a bien, au sein de l’exposition “Elles font l’abstraction”, une passagère clandestine. Mais, plutôt qu’un rappel à un ordre taxonomique, prenons cela comme une bonne nouvelle, car Germaine Krull était une photographe assez merveilleuse. Tant mieux donc ! Nous sommes ravis.

Avouez que vous pensez ↑ à Richard Baquié, non ? Nous sommes là en 1928, mais bon!, Germaine avait là un point de vue étonnant ; logogrammes sur la ville, les mots plus grands que les figures, etc.

Même année. Magnifique corps, belle et étrange posture et étranges ombres murales, dévotion, décoction, abdullah.

Même année :

Germaine Krull, “Halles 9 1/2… rue de Rivoli et rue St. Denis”, Paris, around 1928, Gelatine silver print, 18,1 x 15,1 cm, © Nachlass Germaine Krull, Museum Folkwang, Essen

↑ Une enseigne, un nu, des ordures ; et, parmi bien d’autres sujets. Krull, soif haptique. Cette dernière photographie est assez extraordinaire, non ? Tout intéressait Germaine, tout. Tout devient signifiant. C’est l’œil.

Germaine Krull, “Danseurs Biafas en costume de guerre”, Bafia, juin 1943, 11,3 x 17,8 cm, © Nachlass Germaine Krull, Museum Folkwang, Essen

On se coiffe d’avions en bois… pour voler la victoire ?

Germaine Krull, “Costumes de danse Bamiliké, des danseurs de la chefferie la plus importante du pays Bamiliké”, Bandjoun, Cameroun, juin 1943, 18 x 12,6 cm, © Nachlass Germaine Krull, Museum Folkwang, Essen

 

En Une : Germaine Krull, “Automobilwerk”, Paris, 1927, gelatine silver print, 21,2 x 14,8 cm, © Nachlass Germaine Krull, Museum Folkwang, Essen

Léon Mychkine