Série Pastisj : La sursignifiance posthistorique chez Sigmar Polke

Sigmar Polke, “Untitled (from the series TV Picture Ice Hockey)”, c. 1973, gelatin silver print, 18 × 23.9 cm, MoMa

En juillet 1973, Sigmar Polke est dans sa chambre d’Hotel à Toronto, et il s’ennuie ; alors il allume la télévision et tombe sur le sport national : hockey sur glace. Avec son vieux Lomo, qui ne le quitte jamais, il se met à prendre des photos ; une pratique qu’il  avait incorporée à ses peintures durant son passage à la Düsseldorf Kunstakademie, dès 1961 (il avait vingt ans). L’effet “photo ratée” est voulu, c’est inscrit dans la démarche de Polke, qui, dès le début, avait alchémiqué tout cela avec des produits quasi éponymes. En voyant ces silhouettes sur le vieux téléviseur de son hôtel miteux, examinant l’acharnement de ces hockeyeurs autour d’un tout petit truc nommé « galet », Polke ne peut s’empêcher de penser au carburant de la Modernité ; le Diesel, qui, comme par hasard, ressemble au mot « galet » : ‘kiesel’ ! Or, que fait la Modernité ? Elle tourne sur elle-même, a enfoui ses souvenirs sous la Glace (‘Eis’), le Glacis, et ne cesse de déraper. N’est-ce pas là la métonymie toute trouvée du “Eis-hockey” (hockey sur glace), autrement dit ceci (Ist, il suffit d’ajouter un T à Eis et nous y sommes), figés dans la glace en tant que spectateurs d’une Histoire qui patine, dérape, et parfois chute brutalement ou, plus fréquemment, se heurte violemment contre les parois en plexiglas, façon miroir sans teint — on ne se voit pas s’aplatir comme un pancake survitaminé, et, instantanément, sous la violence du choc, on devient amnésique. Comprenant d’un seul coup toute cette chaîne d’interprétation heuristique, Polke est pris de hoquet (‘Schluckauf”). Une pauvre blague lui vient à l’esprit : « Eis OK d’avoir le hoquet ? » Et puis, ouvrant sa dix-septième mignonnette (je vous rappelle qu’il s’ennuie), il se dit qu’il s’en fout (‘es ist ihm egal’). Mais, tout de même, comme la photo est assez pourrave, Polke a rajouté dans le vif du film en gélatine des sortes de formes concentriques qui évoquent les cercles exécutés par les joueurs de Hockey qui, effectivement, tracent et rayent le parquet glacial du domaine ludique (ça vous rappelle la pub’ pour Cif ammoniacal pour les plus âgés, je sais bien, et veuillez m’en excuser, mais, encore un truc vu à la télé…). Cependant le postmodernisme n’a pas chassé tous les fantômes, que voyait déjà Donatien Alfonse François ; pour preuve :

On raconte que c’est en voyant cette espèce de tête de monstre surgir dans le paysage sportif que Steven Spielberg a eu l’idée d’E.T. Allez savoir…

 

Léon Mychkine

écrivain, Docteur en philosophie, chercheur indépendant, critique d’art, membre de l’AICA-France

 

 


 

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