The National Gallery, Londres : « En cette #NationalPetDay, nous nous intéressons de plus près au sujet de l’une des plus importantes peintures britanniques du XVIIIe siècle, “Whistlejacket”. George Stubbs a été chargé de peindre l’étalon arabe alezan vers 1762 par le propriétaire du cheval, le deuxième marquis de Rockingham. La commande était censée commémorer la carrière de Whistlejacket en tant que cheval de course primé, créée à une échelle habituellement réservée à un portrait de groupe ou à une peinture historique.
Malgré sa célébrité, la carrière de Whistlejacket en tant que cheval de course n’a connu qu’un succès modéré. Ce n’est qu’après avoir été vendu à son second propriétaire, Lord Rockingham, que l’étalon de dix ans a connu son plus grand succès, et une renommée nationale, lorsqu’il a remporté une course à York en août 1759. Ce fut sa dernière course, puisqu’il fut alors mis au haras. En tant qu’éleveur de chevaux, Rockingham reconnut que Whistlejacket était un excellent spécimen de pure race arabe, présentant les meilleures caractéristiques de la race. La robe de Whistlejacket était d’un riche alezan cuivré, et il avait une queue et une crinière auburn qui s’éclaircissaient jusqu’au blanc, ce qui est réputé être la couleur des premiers chevaux sauvages d’Arabie. La tâche de Stubbs n’était pas simplement de peindre un cheval, mais de capturer le portrait d’une célébrité nationale.»
Georges Stubbs était dénué de tout génie, et n’a fait que des tableaux qui transpirent un ennui instantané. Mais celui-ci m’interpelle. Je dois dire que j’aime beaucoup les chevaux, mais moins depuis que l’un d’entre eux (une femelle près de son poulain) m’ait brisé l’annulaire dans sa mâchoire ; et c’est une histoire trop longue à raconter. Et donc depuis, j’ai une certaine appréhension face aux équidés, tandis qu’il y a x années j’adorais monter et trotter ou, encore mieux, galoper dans les espaces ligériens. Aller au pas dans la Loire, de l’eau jusqu’aux mollets, et soudain, sentant le cheval se pencher sur le côté, car ces petites bêtes adorent l’eau et s’y rouler, et parce que nous avions été prévenus, donner immédiatement deux coups de talons dans les flancs afin qu’il comprenne que, décidément, non, ce n’est pas le bon moment. Et il comprend. C’était une autre époque, où les chevaux avaient de l’éducation.
Pourquoi ce tableau m’interpelle-t-il ? La première réponse saute au yeux : Whistlejacket (i.e, veste à sifflet) est dépeint sur un fond qui ne peut exister. Posez-vous la question : Dans quel espace évolue-t-il ? Un espace fictif. Le pur espace, alors, de la peinture ; mais Stubbs s’en rend-il compte ? Ce n’est pas sûr. C’est très étonnant ; Veste à sifflet est peint sur un fond qui serait tout à fait approprié pour le portrait d’une personne (et encore, nous sommes ici en 1762), mais sûrement pas pour une bête ! Mais, comme nous l’apprend la Notice, il ne s’agissait pas seulement de peindre un cheval, mais de capturer le portrait d’une célébrité nationale. Et Stubbs n’a pas lésiné sur les dimensions : presque trois mètres de hauteur sur quasi 2,50 m de large… À partir de là, l’animal est devenu un personnage, quasi mythologique. Est-ce alors pour cette raison qu’il peut apparaître dans un fond de circonstance, une abstraction ; une abstraction pure ? Car, notez bien, il s’agit d’un monochrome ; il n’y a ni bas ni haut, ni perpendiculaire qui distinguerait un sol d’un mur, si bien que Whistlejacket n’a pas même de sol autre autre que fictif pour poser ses sabots ! On remarque que Stubbs a tout de même indiqué deux petites ombres, des sabots jusqu’aux boulets, mais, encore une fois : Où est le sol ? C’est tout de même très étonnant. Ensuite, il me semble bien apeuré ce cheval ; regardez ses yeux. Mais il y a de quoi !, il se rend compte dans quel espace fictif il se trouve, et bien naturellement, s’en trouve effrayé, et se demande comment il va en sortir. Soit toute la condition humaine.
Léon Mychkine
écrivain, Docteur en philosophie, chercheur indépendant, critique d’art, membre de l’AICA France
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