Le 24 novembre dernier, avec quelques collègues et consœurs, nous découvrions la 26ème édition de ST-ART, de Strasbourg, inaugurée dans le tout nouveau Parc des expositions, dont l’architecte est Kengo Kuma. On pouvait cheminer parmi 90 exposants. En quelques heures de visite, on est à l’affût, et, pour ma part, j’ai été frappé par quelques œuvres émanant de trois galeries, et je vais commencer dans l’ordre chronologique de ma déambulation. Dans mon souvenir, je crois qu’il n’y avait que deux galeries parisiennes représentées, et l’on peut trouver cela assez étonnant, comme si, quoi, Strasbourg, c’est trop loin ? ou bien, ce n’est pas “intéressant” ? Bref.
La première surprise, ce sont les photographies de Francesca Gariti et les peintures de Theresa Möller, à l’Aedaen Gallery (Strasbourg). Gariti ne pratique la photographie que depuis six ans, mais ses images dégagent une présence assez impressionnante. Certaines, disons-le, sont auratiques.

Les peintures de Möller sont tout à fait étonnantes, il s’agit de paysages, sujet bien banal, mais tout est dans la manière, et, je dirais, l’imaginaire. Voir et comment déformer ce que l’on voit ?


Sur le stand de Rémy Bucciali (Éditions de l’Atelier), de belles œuvres, simples mais élégantes, ce qui n’est pas facile, car il y faut du talent, qui, il faut le dire, est une denrée rare :



Mais c’est sans conteste sur le stand de la galerie Ritsch-Fisch que l’on peut rencontrer des œuvres qui sont dénuées de la volonté du “bien-faire”, de l’intentionnel-esthétique, comme avec les œuvres de Michel Nedjar :

Notice de la galerie Ritsch-Fisch : « Né en 1947 à Soisy, troisième de sept enfants dont le père est tailleur. Tout jeune, il compose des vêtements de poupée à la machine à coudre. Il aime aussi triturer la terre et dessine sur les murs de la cave. Exempté du service militaire, tuberculeux, il guérit et voyage pendant 5 ans. De retour à Paris il fabrique ses premières poupées de chiffon. En 1980, il se met à dessiner.»

Je crois que c’est sur le stand de cette galerie que j’ai réalisé quelque chose concernant ce qu’on appelle l’“art brut”. Rappelons que cette galerie, justement, a été la première en France, et même en Europe, à n’exposer que de l’art brut, en 1996. Concernant l’appellation, il y a toujours eu quelque chose qui m’a gêné. Dire que tel artiste fait de l’art brut revient mentalement à le ranger dans une case particulière, celle qui est réservée à ceux et celles qui n’ont pas connu de parcours spécifique, et qui, surtout, sont typiques d’une licence totale, c’est-à-dire souvent “tripale”. Pour le dire comme Antonin Artaud : « tous [sic] ce qui agit est cruauté ». Une autre caractéristique est l’obsessionnalité des thèmes ou bien encore du “schéma”, comme chez un Augustin Lesage, par exemple :

On pourrait distinguer deux écoles dans ce qu’on appelle l’art brut, l’obsessionnalité, et le cru (la cruauté), comme chez Hervé Bohnert :



Mais méfions-nous des appellations, et même, oublions-les, car, par exemple, que dire de cette sculpture ?:

Au bout du compte (“at the end of the day”, comme on dit en anglais), comme l’écrivait Ernst Gombrich (1950, The Story of Art) :“There really is no such thing as Art. There are only artists”, « Il n’y a pas réellement une telle chose que l’Art. Il n’y a que des artistes. » On aura bien sûr remarqué la majuscule au mot « art ». Ainsi, et sans vouloir contredire ce cher Ernest, on pourrait dire : “il n’existe pas de telle chose que l’art brut, il n’y a que de l’art”. (On aura remarqué la minuscule).
En Une : Parc des Expositions Strasbourg ©Strasbourg Events Kengo Kuma Associates F. Zvardon C.Fleith © Photo Bartosch Salmanski
Léon Mychkine
écrivain, critique d’art, membre de l’AICA, Docteur en Philosophie, chercheur indépendant
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