Un très succinct mais révélateur regard sur ST-ART, 26e foire d’art contemporain et de Design de Strasbourg

Le 24 novembre dernier, avec quelques collègues et consœurs, nous découvrions la 26ème édition de ST-ART, de Strasbourg, inaugurée dans le tout nouveau Parc des expositions, dont l’architecte est Kengo Kuma. On pouvait cheminer parmi 90 exposants. En quelques heures de visite, on est à l’affût, et, pour ma part, j’ai été frappé par quelques œuvres émanant de trois galeries, et je vais commencer dans l’ordre chronologique de ma déambulation. Dans mon souvenir, je crois qu’il n’y avait que deux galeries parisiennes représentées, et l’on peut trouver cela assez étonnant, comme si, quoi, Strasbourg, c’est trop loin ? ou bien, ce n’est pas “intéressant” ? Bref.    

La première surprise, ce sont les photographies de Francesca Gariti et les peintures de Theresa Möller, à l’Aedaen Gallery (Strasbourg). Gariti ne pratique la photographie que depuis six ans, mais ses images dégagent une présence assez impressionnante. Certaines, disons-le, sont auratiques. 

Francesca Gariri, Trois photographies, Aedaen Gallery, Strasbourg

Les peintures de Möller sont tout à fait étonnantes, il s’agit de paysages, sujet bien banal, mais tout est dans la manière, et, je dirais, l’imaginaire. Voir et comment déformer ce que l’on voit ?

Theresa-Möller, “Overgrowth”, 2020, acryl and oil on canvas, 190 x 150 cm, AEDAEN Gallery

 

Theresa Möller, “Spiegelflachen”, 2021, Acryl and oil on canvas, 190 x 250 cm, AEDAEN Gallery

Sur le stand de Rémy Bucciali (Éditions de l’Atelier), de belles œuvres, simples mais élégantes, ce qui n’est pas facile, car il y faut du talent, qui, il faut le dire, est une denrée rare :

Daphne Gamble, aquatinte, pointe sèche, 56 x 76 cm, 2022, n°5, Galerie Rémy Bucciali

 

Didier Guth, aquatinte, 50 x 65 cm, 2022, N°4, Galerie Rémy Bucciali

 

Mathias Malling Mortensen, aquatinte, 56 x 76cm, 2022, n°1, Galerie Rémy Bucciali

Mais c’est sans conteste sur le stand de la galerie Ritsch-Fisch que l’on peut rencontrer des œuvres qui sont dénuées de la volonté du “bien-faire”, de l’intentionnel-esthétique, comme avec les œuvres de Michel Nedjar :

Michel Nedjar, papier mâché et pigments sur bois, 61 x 91 x 5 cm, Collection privée, European Outsiders, Rosa Esman Gallery, New York, 1986, galerie Ritsch-Fisch 

Notice de la galerie Ritsch-Fisch : « Né en 1947 à Soisy, troisième de sept enfants dont le père est tailleur. Tout jeune, il compose des vêtements de poupée à la machine à coudre. Il aime aussi triturer la terre et dessine sur les murs de la cave. Exempté du service militaire, tuberculeux, il guérit et voyage pendant 5 ans. De retour à Paris il fabrique ses premières poupées de chiffon. En 1980, il se met à dessiner.»

Michel Nedjar, fusain et gouache sur papier journal, 59 x 39 cm, Collection Dany Kretz, galerie Ritsch-Fisch 

Je crois que c’est sur le stand de cette galerie que j’ai réalisé quelque chose concernant ce qu’on appelle l’“art brut”. Rappelons que cette galerie, justement, a été la première en France, et même en Europe, à n’exposer que de l’art brut, en 1996. Concernant l’appellation, il y a toujours eu quelque chose qui m’a gêné. Dire que tel artiste fait de l’art brut revient mentalement à le ranger dans une case particulière, celle qui est réservée à ceux et celles qui n’ont pas connu de parcours spécifique, et qui, surtout, sont typiques d’une licence totale, c’est-à-dire souvent “tripale”. Pour le dire comme Antonin Artaud : « tous [sic] ce qui agit est cruauté ». Une autre caractéristique est l’obsessionnalité des thèmes ou bien encore du “schéma”, comme chez un Augustin Lesage, par exemple :

Augustin Lesage, huile sur toile, 29 x 38 cm, galerie Ritsch-Fisch 

On pourrait distinguer deux écoles dans ce qu’on appelle l’art brut, l’obsessionnalité, et le cru (la cruauté), comme chez Hervé Bohnert :

 

Hervé Bohnert, sans titre, galerie Ritsch-Fisch 

 

Hervé Bohnert, sans titre, galerie Ritsch-Fisch 

 

Hervé Bohnert, sans titre, galerie Ritsch-Fisch 

Mais méfions-nous des appellations, et même, oublions-les, car, par exemple, que dire de cette sculpture ?:

Catherine Wilkening, “Mortel immortel”, Madone, Feuille d’or, bois, porcelaine, plâtre 2,10m, galerie Ritsch-Fisch 

 

Au bout du compte (“at the end of the day”, comme on dit en anglais), comme l’écrivait Ernst Gombrich (1950, The Story of Art) :“There really is no such thing as Art. There are only artists”, « Il n’y a pas réellement une telle chose que l’Art. Il n’y a que des artistes. » On aura bien sûr remarqué la majuscule au mot « art ». Ainsi, et sans vouloir contredire ce cher Ernest, on pourrait dire : “il n’existe pas de telle chose que l’art brut, il n’y a que de l’art”. (On aura remarqué la minuscule). 

En Une : Parc des Expositions Strasbourg ©Strasbourg Events Kengo Kuma Associates F. Zvardon C.Fleith © Photo Bartosch Salmanski

 

Léon Mychkine

écrivain, critique d’art, membre de l’AICA, Docteur en Philosophie, chercheur indépendant

 

 


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