Entretien avec Hervé Ic, peintre.

  Si on considère que la plupart des artistes aujourd’hui n’essaient pas de faire une peinture, mais un peintre, c’est-à-dire d’être peintre, alors ils font tous la même chose. (HI)

Épisode 1, mise en jeu

Hervé Ic : Pour moi, la peinture, c’est le travail du sens. Quand on peint, on relie les images, qui viennent, qui surgissent. On relie des événements, qui ont plusieurs sources, qui font sens comme dans un rêve, entre la matière, ce dont on se souvient, ce dont on veut parler… Parfois, un trait hasardeux sur la toile va changer le tableau. On va tisser dans un autre sens. Et ce que j’aime à dire, c’est que, souvent, la plasticité que l’on travaille, ce n’est pas celle de la peinture, c’est celle du cerveau, qui est un organe plastique. Il me semble que la peinture est un art cognitif.

Léon Mychkin: Oui, la peinture comme cosa mentale

HI : Voilà ! Mais d’une manière très concrète : c’est une matière que l’on travaille, et à laquelle on donne un sens, improvisé. Ce n’est pas un schéma. La peinture que j’aime n’est pas un schéma préconçu. Quand je commence un tableau, je connais mon sujet, mais je ne connais pas l’image. Je ne connais pas l’image de ce qu’il va représenter.

LM : Donc, vous avez une idée de sujet, par exemple vous avez une idée de portrait, comment ça marche ?

HI : Alors, je choisis mes modèles. Souvent ce sont des amis, rarement des inconnus. Mais ça m’est arrivé. [Nous feuilletons le cahier monographique publié chez Point Contemporain, dans lequel Ic me montre les portraits familiers, jusqu’à celui-ci:] Elle c’est une inconnue. Je l’ai rencontrée. Elle s’appelle “LIL”, parce que c’est L’Inconnue de Lyon. J’étais au Musée des Beaux-Arts de Lyon, devant les portraits classiques, et il y avait cette jeune femme.

LM : Et alors vous l’avez prise en photo ?

HI : Oui, je lui ai demandé, et elle a posé pour moi. C’était un moment de  grâce. Donc c’est quelqu’un d’inconnu, mais qui m’a d’abord charmé. Et je l’ai peint en 2019, mais la photo date de 2009.

LM : Racontez-moi votre parcours, si vous voulez bien.

HI : J’ai fait des études de science. Parce que c’était ma culture familiale. Je n’étais pas très bon, mais j’avais à cœur d’aller au bout de ces études. Donc j’ai fait une école de technicien supérieur. Et puis je suis par l’image de synthèse, et l’intelligence artificielle. Et puis un jour j’étais chez Marin, à Arcueil, la maison de matériel de beaux-arts, et j’étais en train de renseigner une femme âgée, quand, tout à coup, Antoine, le patron, qui était là, et qui dit : « Ah voilà un bon vendeur ! Il faudrait des gens comme ça. Et moi de répondre : — Ben justement, je cherche du travail. Et il me répond : revenez lundi ».

LM : Mais qu’est-ce qui s’est passé ? Vous avez eu un flash ?

HI : Non, mais je n’avais pas envie de devenir ingénieur… Des gens tristes, qui mangent des pizzas en regardant du foot.

LM : Vous peigniez déjà à l’époque ?

HI : Mais je peins depuis toujours. Depuis le lycée. Mais j’étais un peintre imprécis. Mais c’est en 1996 que j’ai décidé de n’être plus que peintre. Je n’ai pas eu d’emploi salarié depuis.

LM : Ah bon ?

HI : Oui. Les premiers tableaux encadrés et signés, j’avais six ans. Au lycée, j’avais deux copains peintres. Nicolas Gaurin, et Stéphane Pencréac’h, qui était mon complice, jusqu’en 2000. Nous avons peint 10 ans ensemble. Et puis nous avons remis les compteurs à zéro. En 2000 nous avons fait l’expo Zéro/Zéro, et nous nous sommes séparés. Mais en fait, il y a une évolution entre la vie, et l’œuvre. Cette évolution est continue. Elle ne peut pas être coupée. Et le sujet de réflexion qui me motive en ce moment, c’est celui-là. Si une œuvre devient une production industrielle, alors la peinture n’existe plus. En revanche, cette improvisation là, cette peinture qui coule, dont on ne voit pas la limite entre l’œuvre et la vie qui la produite ; ce passage-là, cette imprévisibilité-là, elle est fondamentale. Je ne crois pas à une peinture qui mécaniserait les processus. Quand on a utilisé une image, on ne peut pas la repeindre, l’utiliser une deuxième fois. Donc, à partir de 1996, je m’intéresse aux dimensions de la peinture, réalise qu’il n’y a pas de 3D, mais que deux dimensions et des coordonnées, et je décide de faire une peinture qui n’aurait pas de perspective et pas d’éclairage ; à l’inverse de tout ce qu’on fait en image de synthèse, parce qu’on y fait que de calculer des focales, et des projections. Là, je voulais des images qui s’empilent les unes sur les autres. Au lieu d’un éclairage, il y aura de la lumière. Au lieu d’une perspective il y aura une profondeur. Et donc fatalement, je tombe sur Picabia ; Polke ; la lanterne magique ; Marc Desgrandchamps, qui faisait déjà des transparences, sans forcément, je dirais, avoir été au bout du potentiel, que je voyais, moi, dans ces transparences. Mais parce qu’il a fait sa peinture à lui. Je me souviens d’un tableau de Marc qui m’avait beaucoup impressionné. C’est un homme avec une massue, caché derrière un arbre, et il y a un cheval et un cavalier qui passent devant. C’est tout. Le potentiel narratif est très fort, dans cette image. J’avais trouvé ça magnifique. Et donc, l’utilisation de ces transparences allait me permettre de donner un ‘background’ à l’image ; c’est-à-dire qu’il y avait une autre peinture derrière la peinture ; que l’on pouvait empiler les peintures ; et qu’à ce moment-là on n’a plus besoin de perspective ; et que si on met des points lumineux, on n’a plus besoin d’éclairage ; puisque l’éclairage se trouvait à l’endroit où se trouvait le point lumineux. Et là, je retrouvais une théorie de l’écran, en peinture. Et à l’époque, nous étions entre le formalisme et l’expressionnisme ; et les artistes devaient choisir l’une ou l’autre des voies : soit ils peignaient des carrés soit ils peignaient des splash. Je me suis retrouvé tout seul. Mais tout vient de là, et, à mon grand bonheur, beaucoup de jeunes peintres se sont engagés dans cette voie : celle de la transparence, de la lumière, de la superposition ; et finalement, le modèle comme écran. Et c’est à ce moment que l’écran d’ordinateur est devenu comme le modèle surpuissant de l’image. Mais c’est dangereux, parce que l’image doit venir de la vie, et pas de l’écran d’ordinateur. Mais quand j’ai commencé à peindre de cette manière, l’Internet n’était pas présent.

LM : Mais la peinture comme écran, c’est un programme ?

HI : Oui, c’est un programme, bien sûr.

LM : Mais qu’est-ce à dire ?

HI : Superposition

LM : D’accord

HI : C’est-à-dire que l’on rejoint l’écran biface, telle que l’a vue Stéphanie Katz dans l’Annonciation de Veneziano [article à venir], et tel que moi je l’avais vu dans l’image de synthèse [Ic a un DEA en Intelligence artificielle], que cet écran on pouvait l’empiler, passer derrière, et passer dessus. […] Il y a un lieu. On ne le choisit pas quand on commence. Ce n’est qu’après que l’on se rend compte qu’on est dedans. C’est après qu’on décide de le conserver. C’est un lieu d’exigence, et qui, comme la littérature, touche à tout.

LM : Bien sûr.

HI : Donc c’est un lieu très précis, et qui concerne beaucoup de choses.

LM : De toutes façons, je dirais : l’art, c’est le lieu de tous les lieux.

HI : [Rire, en mode mystère sacral] […] Conclusion de cette partie : la peinture, n’est jamais une affaire d’image.

LM : Ce serait trop simple.

 

Épisode 2, feuilletant le cahier monographique

 

LM : je trouve qu’il y a, dans tes peintures, une espèce de photographie, au sens cinématographique du terme. Et puis il y a aussi, souvent, une espèce de dominante, verte. Est-ce que c’est un hasard ?

HI : Non, ce n’est pas un hasard. Ce sont des choses qui sont venues, comme des habitudes. Ce sont des couleurs que j’aime. Elles créent des polarités. Ce sont des verts précis, qui ont un degré de transparence et de luminosité très forts ; presque des encres d’imprimeur. Quand ils sont mis à côté de ce type de rouge :

Hervé Ic, Série “Freaks”, huile sur toile, 41 x 41 cm, 2004, Courtesy de l’artiste. (Plus tard l’artiste m’indiquera qu’il s’agit ici d’un orage électrique avec une polarité rouge et une verte.

alors ça crée une espèce de polarité. Ça crée une différence. Et par exemple, quand on regarde les structures, ce que j’appelle les masses et les structures, ce sont des séries de dessins, où l’on trouve des lumières, ou bien des points sombres, et dessus des architecture. Celui-ci est un des premiers :

Hervé Ic, ‘Pure space’, huile sur toile, 30 x 45 cm, 2004, Courtesy de l’artiste

LM : Alors, quel est l’objet de cette série ?

HI : Quand l’œil rencontre des objets de nature très différentes, qui ne peuvent pas être associés, alors notre cerveau les dissocie, et donc, ici, le point lumineux orange n’appartient pas à la structure violette. Ce n’est pas calculé sur la roue des couleurs ; c’est ressenti. Et donc, ça crée de l’espace. Et ça produit aussi une dissociation (entre architecture et fond orange). Alors cette dissociation, je l’utilise dans certains tableaux, par exemple ici avec les lignes lumineuses voilà, les scènes de danse, on a les lignes lumineuses qui sont opposées, dans leur nature, au corps humain. Et ça crée un espace. Et pourquoi y a-t-il du vert, encore ici ? Je ne sais pas si c’est du vert ou du noir, il faudrait regarder l’impression, mais j’aime bien le verdâtre, j’ai aussi beaucoup utilisé des fleurs, des feuilles vertes, etc. Je pense que ça crée une étrangeté.

Hervé Ic, ”Leg”, huile sur toile, 92 x 60 cm, 2012, Courtesy de l’artiste

LM : Voilà !

HI : Ça crée une inhumanité dans le tableau.

LM: J’ai pensé, en regardant tes reproductions, que chez toi, il y avait une volonté de ne pas être dans la séduction immédiate.

HI : [Rires]. De fait, je n’y suis pas. Il y a beaucoup de gens qui y sont.

LM : Tu es dans l’anti-séduction

HI : M’ouais…

LM : Et je pense que le vert, en fait partie, de cette stratégie-là.

HI : Alors le vert, effectivement, est toujours associé à quelque chose de répugnant.

LM : Eh bien voilà ! Donc, il y a un parti-pris chez toi, je pense, tu ne cherches pas à séduire absolument

HI : Si, je cherche à séduire par mes idées. C’est très casse-gueule [rires], je suis d’accord

LM : Mais tu ne cherches pas à ce que quelqu’un dise tout de suite : « ah ce que c’est beau ! »

HI : Non

LM : Il faut un certain temps de latence

HI : Alors, ce n’est pas une stratégie aussi consciente. Mais j’aime construire mes peintures sur des dissociations, sur des choses contradictoires ; qui créent du sens, de l’espace, ce que l’on veut, mais ça marche parce que c’est une matière ; la contradiction est une matière. Par exemple, la plupart de mes visages, dans les “Dormeurs” sont très beaux, mais ils sont superposés à des choses basses, comme dans les natures mortes flamandes, qui sont des trucs rampants. 

Hevé Ic, “Dormeurs”, huile sur toile, 33 x 46 cm, 2015, Courtesy de l’artiste

Les “Dormeurs” ont du succès, mais il y a des gens qui ne les supportent pas. J’ai commencé cette série en 2010. Je m’étais endormi avec l’appareil photo, et je ne sais pas comment j’ai fait, mais ça a donné cette photo. Et j’ai commencé une série, parce que j’avais un sujet qui me permettait de surinvestir l’image ; c’est-à-dire de l’enrichir. Et ça a toujours été mon sujet depuis le début : complexifier l’image, lui donner une autre profondeur. Donc le vert, c’est aussi un outil pour des trucs électriques.

LM : Alors, ensuite, tu voulais me parler d’un portrait. [Voir au début de l’entretien, 3ème réponse d’Ic] Et alors ces fleurs, surimposées ?

Hervé Ic, “LIL”, huile sur toile, 24 x 33 cm, 2019, Courtesy de l’artiste

HI : Alors, c’est un peu le hasard. Ces fleurs sont venus recouvrir une lumière, un halo lumineux ; ce qui fait que quand on regarde ce genre de tableau la nuit, on ne voit que le halo. En fait c’est un tableau qui a connu trois âges, comme souvent. Donc d’abord j’ai peint un halo lumineux. Plus tard, sur ce halo, j’ai mis des fleurs, et encore plus tard j’ai peint ce portrait. Et je thésaurise comme ça des rouleaux entiers de trucs qui ne sont pas finis.

LM : C’est un palimpseste

HI : C’est un peu ça. Et quand j’ai une idée, je vais chercher, parfois, sur quoi je peux la faire. Donc je vais chercher de la matière. Alors pourquoi je procède comme cela ? Parce que ce n’est pas du tout le même résultat que de prévoir le fond pour une image — ce qui est du design —, et, ou alors, de rencontrer un fond, sur lequel je dis « je vais faire ça ». Et donc, je suis retombé un jour sur ce petit tableau des fleurs, qui était inachevé, et sur sa photo ; et je me suis dit « ah ! Là, ça marche ! ». L’un n’a pas été calculé pour l’autre, mais c’est une vraie rencontre. C’est ce qui fait cette hétérogénéité que j’aime dans l’image. Si je me dis « je vais faire un fond pour mettre cette image », inconsciemment, je fais du design. [Comme je demande à Hervé comment le visage de LIL peut autant être superposé sur les fleurs, il me répond qu’il a peint ce visage avec très peu de matière, ce qui l’amène à la notion de « radiographie »] : cette notion de « radiographie », qui dématérialise la peinture, m’a plu, évidemment ; et elle vient de quoi ? De l’écran vert. Les premières images mécaniques que j’ai vu surgir c’étaient des pixels verts. Les premiers écrans s’affichent en vert et noir. C’est resté une couleur complètement magique. [Après une incise sur « la tension de surface » chez Richter, mon évocation de Chardin, celle de Cristof Ivoré par Ic] : Tirer, tirer la peinture, sans qu’elle éclate, sans briser la surface, c’est çà la transparence. […] Quel que soit le degré de maîtrise que l’on peut mettre dans la peinture — et on peut tout à fait me dire « il y a trop de maîtrise dans ta peinture » —, je l’entends, mais ce que j’aime aussi, c’est quand le flux de la peinture, aussi maîtrisé soit-il, reste un flux naturel, et immaîtrisable. Il y a une contradiction dans l’énoncé, mais c’est ça que je veux dire.

LM : Dans ta peinture, tu veux être dépris de la maîtrise ?

HI : Non, mais qu’elle s’efface. Par exemple, quand j’ai fait cette robe-là, il m’a fallu un an pour faire ce portrait de dos. Elle a une robe à petits quadrillages. J’ai adoré cette robe et j’ai décidé de la peindre, avant de réfléchir aux difficultés techniques que ça allait représenter. Et il m’a fallu très longtemps pour trouver le moyen. 

Hervé Ic, Série “Portraits de dos, AZR”, huile sur toile, 41 x 27 cm, 2018, Courtesy de l’artiste

J’ai essayé plusieurs techniques. Je me suis dit « bon, le petit quadrillage, on s’en fiche, ce n’est pas ça qui compte ; c’est l’impression ». Il fallait que je trouve comment rendre l’impression de cette robe, et je ne voulais pas céder. Hors de question que je renonce devant la difficulté, fort du principe qu’il n’y a pas de difficulté technique, il n’y a que des astuces. Je me suis dit « ce qui compte, ce ne sont pas les carreaux, c’est le scintillement, des noirs et blancs ». Et là je me suis souvenu d’une technique médiévale, qu’avaient les peintres pour les robes, que j’avais vue dans les musées. À savoir, ils peignaient le drapé nu, vierge, et ils plaquaient un motif par dessus, à motifs au tampon. Et, on revient à ce que je disais tout à l’heure, l’œil, s’il le peut, va mélanger les deux. Si c’est bien fait, on est sûr de voir un drapé parfaitement peint, même dans les plis. Et c’est ce que j’ai fait.

LM : Alors, justement, d’où vient l’idée de faire des portraits de dos ?

HI : Alors le personnage de dos existe dans la peinture, au théâtre, dans la photographie, mais pas sous forme de portrait. Pourquoi ? Parce que le principe du portrait, c’est de faire un visage. Ça n’aurait pas de sens de faire un portrait sans visage. Alors, comme toujours, ça vient de la rencontre d’une réflexion avec une anecdote. Pour l’anecdote : Maxime Touratier, qui est un ami, photographe, qui se trouvait dans mon atelier en 1999, regardait mes peintures. Et j’étais derrière, en train de régler mon appareil photo, et je le regardais regarder mes peintures. Et je l’ai pris en photo. Et, comme pour le dormeur, au tirage de la photo, je me suis dit « ouah ! j’ai un sujet ». Et il se trouve qu’à 30 ans, Maxime avait déjà perdu beaucoup de cheveux, et son crâne luisait comme un visage effacé. Et je me disais « qu’est-ce que c’est que ce visage qui a disparu ? » Et je me suis dit « c’est vraiment lui, c’est vraiment un portrait, mais son visage a disparu ». Et donc je l’ai peint. Et c’est à partir de ce tableau qu’est venue la série. Et je me suis dit « c’est vraiment lui, on le reconnaît, pourtant on ne le voit pas ». Et là j’ai compris que c’était un portrait, et il s’appelle MT99. Et puis à cela s’est ajoutée la question de la transparence. Et je me suis dit :« mais la transparence, c’est pas de voir au travers, c’est de voir derrière. Je vais vous montrer ce qu’il y a derrière la peinture. Et derrière la peinture, il y a une autre peinture »

Hervé Ic, “MT”, huile sur toile, 41 x 27 cm, 1999, Courtesy de l’artiste

LM : Et là, je dirais, encore une fois, c’est un de mes postulats, on retrouve encore une volonté de non-séduction.

HI : Alors, personnellement, je suis séduit par les dos ; dans la rue, je suis fasciné par les dos.

LM : Oui, d’accord, mais il y a un côté quasiment antinomique dans une peinture qui montre un dos. Littéralement, c’est : « toi, spectateur, je te tourne le dos ».

HI : Ça m’a coûté tellement cher ce genre de trucs… Parce que pour vendre, il faut séduire.

LM : Eh ben oui !

HI : C’est Jocelyn Wolff, galeriste qui vient d’ouvrir un deuxième espace à Romainville, qui m’avait dit : « ta peinture est répulsive ». Le côté répulsif, et le manque de séduction, j’en ai tellement bavé que j’ai du mal à l’admettre, mais c’est vrai. Je préfère parler de « différer quelque chose ». Je diffère une image, en la fondant dans autre chose. Je préfère la notion temporelle, qui est de dire : « attention, votre plaisir ne peut pas être immédiat ».

LM : C’est assez audacieux pour notre époque. Passons à autre chose, dans ta peinture. Pourquoi des bandes ?

HI : C’est une excellente question. Alors, les bandes qui apparaissent dans les fleurs, viennent des danseurs. Donc, je n’avais plus de toiles, et je cherchais un support. Les premières fleurs ont été peintes sur du papier-peint (2000-2001), des fonds de papier-peint, comme pour les scènes de chasse. Et donc, pourquoi des lignes ? Parce que mes premiers danseurs, c’étaient des chorégraphies de personnes s’échauffant. Et je me suis dit « on dirait des combattants ». J’ai toujours aimé les peintures de combat où les corps sont en tension. Et là je voulais le faire avec des danseurs. Et en fait j’ai repris les cordes du ring. Et la première toile de danseurs s’appelle ‘Ring’

Hervé Ic, “Ring”, huile sur toile, 140 x 190 cm, 2012, Courtesy de l’artiste

Et ça fait penser aux lignes d’un prévenu, photographié. En fait c’est une mesure. C’est l’instrumentalisation du corps : la mise en mesure.

LM : Tu vois, ce moment que nous passons à discuter, pourquoi ce n’est pas comme ça tous les jours ?

à suivre…

 

Léon Mychkine

écrivain, Docteur en philosophie, chercheur indépendant, critique d’art, membre de l’AICA-France

 

 

 


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