Être un saint ? La sinécure ! (Avec Jheronimus van Aken)

On se demande depuis des siècles ce que Jheronimus van Aken a bien pu vouloir “dire” dans ses peintures, quels “messages” a-t-il “voulu” transmettre. À brûle-pourpoint (une expression certainement que les jeunes générations ne connaissent plus), je dirais que van Aken, c’est le double suffixe en Our : Humour, Amour : un immense humour et un immense amour de la peinture, de la chose peinte : le souci du détail chez lui est tout bonnement… je ne sais comment dire. Prenez ce bon vieux Saint Jean :

Hieronymus van Aeken, El Bosco, “Saint John the Baptist in the Desert“, circa 1489, 40.5 x 49 cm, Museo Lázaro Galdiano, Madrid

Il s’ennuie grave. On se souvient que Jean le Baptiste, dans la légende, baptise à tour de bras dans les eaux du Jourdain, les nouveaux convertis, à commencer par le Christ lui-même. Je me demande toujours, dans cette affaire, comment Jean aurait pu annoncer la nouvelle religion qui allait venir tout en faisant de son promoteur un disciple… Comment voulez-vous, quand vous êtes vous-même le Fils de Dieu, être le disciple de quoi ou qui que ce soit ? Franchement, c’est une vraie question, comme on dit… Mais passons. Revenons à ce cher Jean. Il a l’ai bien marri, et, à voir son visage si rouge, je me demande s’il n’aurait pas abusé du vin de messe proto-chrétien ? On passerait des heures à regarder les détails, tant que l’on peut, car hélas nous ne sommes pas présent au Museo Galdiano. Regardez un peu cette plante, qui se tient juste à côté de lui… Sans pousser l’anachronisme, elle ne m’a pas l’air bien catholique. Elle me semble vénéneuse, voire carnivore. Voyez cette espèce de grosse feuille genre poisson (vous voyez ? cette espèce de sourire typique qu’arborent les crâniates non tétrapodes).

Sourit-il, ou prépare-t-il un mauvais coup ? Jean paraît n’en avoir cure, tant il est profondément ennuyé. Il s’emmerde grave. Bosch s’amusait d’un rien. Voyez encore ce petit lit d’herbe sur lequel se repose Jean. Ça ne vous évoque rien, avec cette pointe, à gauche, en forme de museau poilu, cet oiseau qui pourrait être à la place de l’œil, et, plus à droite, cette espèce de coquille de plante à la place de l’oreille ? Il faut rappeler que Jean est au désert, tout seul. Tout seul en tant qu’humain… Car, pour le reste, il y a du monde. Tout en bas dans le coin gauche, une espèce de hérisson hybride. La bestiole en guise d’œil, l’oiseau près de l’“oreille”, l’agneau de l’autre côté, symbole, on le sait, du Christ. Sans oublier l’oiseau picorant dans l’étrange et énorme fruit. Mais encore au-delà, un veau, un mouton, un jeune cerf, deux ours ↓

Il y en a partout, des bestiaux et bestioles. En haut de l’étrange plante (et dans le ciel) :

Alentour :

On supposera ici un poisson dans le Jourdain (quand même!), un oiseau et un faisan. Sans oublier le singe et les oiseaux :

Moralité : Jean le Baptiste manque apparemment du don qu’aura plus tard François d’Assise (Francesco d’Assisi, né Giovanni di Pietro Bernardone ), soit celui de communiquer avec les animaux, qu’il considérait, dans sa fameuse prière, comme frères et sœurs.

Une dernière :

Nous aimons cette construction ouverte découverte, construite déconstruite, à tout vent, avec, sur la plateforme digne de Moëbius, encore un personnage, un homme qui se penche. Vive Jheronimus !

 

Léon Mychkine