Je cherche (depuis trois bonnes heures) dans mes Favoris sur mon browser Brave. J’ai regardé des tas d’images, de Paolo Ucello à Burri, de Fabro à Fossier, de Hao Liang à Lee Ufan, de Eva Hesse à Sam Sebren, de Rembrandt à Jasper Johns, de Fabien Hübner à Trevor Paglen (son tour viendra), de Thimothé Schelstraete à Fra Angelico, d’Ian Cheyne à Etc (Etc est par trop méconnu !), et puis je retombe donc sur Monet avec son “Bocal de pêches”. Dans mes recherches j’aurai revu “Le train dans la neige”, qui n’est pas terrible. De la même année, “La Promenade” alias “La Femme au parasol” alias “Madame Monet et son fils” (insight here), est beaucoup mieux, plus fou. Mais Monet, comme bien d’autres, a énormément produit, et il n’est pas possible qu’une qualité optimale accompage une telle quantité de tableaux exécutés ; après tout, Monet n’était qu’humain ! Cela ne l’a pas empêché, chanceux que nous sommes !, de nous permettre d’avoir toujours le plaisir de découvrir quelques excellentes toiles, en l’occurrence ici des images d’œuvres. Ainsi qu’il en est de ce bocal de pêches :

A priori, on pourrait se dire, « Bon!, une nature morte, une de plus, et donc ?» Et donc, effectivement. Mais qu’est-ce qui frappe dans cette Nm (permettez) ou SL (“still life”, c’est quand même plus engageant). Plusieurs choses. La première, c’est l’étonnant équilibre entre représentation et dépiction. Un exemple consiste à comparer les pêches sur le marbre, que l’on peut, semble-t-il, qualifier de “veiné” — parmi les deux autres catégories de marbre, que sont les “nuageux”, et les “bréchés”. Les pêches sont “dans” la représentation, c’est-à-dire que le rendu ne s’éloigne pas tellement d’une vision rapide que nous pourrions avoir, justement, de ces fruits. En revanche, les “nuages” du marbre me semblent ambigus. Comparons :
Dans la touche concernant les pêches, Monet ne semble pas s’éloigner du réalisme, il suit assez bien l’“idée” du fruit, comme dirait Platon (qui détestait peintres et poètes, ce qui n’était pas le cas de notre si cher Aristote). En revanche, le marbre veiné tel que saisi par Monet, sans nul doute, est dépicté. Prenez cette photographie d’un marbre veiné, et comparez, vous prie-je :
Les veines portent bien leur nom ; elles sont pleines, remplies, et non pas totalement filandreuses et donc trouées comme chez Monet. Autrement dit, les veines du marbre monétien sont complètement fictives. Vous remarquerez que même les pêches sont fictives — on ne peut pas les manger — mais la peinture est toujours une histoire de “make-believe” (faire accroire), ce qui, ceteris paribus, est le cas pour toute fiction — il s’agit d’y croire — la question étant : À quelle hauteur situons-nous la teneur fictive, ou fictionnelle ? Les pêches à l’air libre sont plus crédibles que les veines du marbre ; conséquemment, disons que ces pêches connaissent un degré1 de fiction, tandis que les veines du marbre seraient d’un degré4 de fiction (il y a de la marge, entre pêches et veines, et je laisse donc de l’espace dans les indices, il ne s’agit pas de science fondamentale). Ajoutons que le degré1 de fiction pourrait être celui du Réalisme (le degré0 de fiction serait celui de l’hyperréalisme), et qu’alors le degré4 de fiction serait celui de la Dépiction. Répétons que le degré4, laissant vacants les degrés 2 et 3 est arbitraire, il pourrait être numéroté supérieurement, ce qui compte ici, c’est la notion d’écart conséquent. Nous avons saisi qu’il y un écart conséquent entre réalisme (représentation) des pêches posées et dépiction des veines du marbre. Qu’en est-il du reflet ?
Les “espaces” (entre les fruits) ont disparu dans la réflexion. C’est comme si Monet avait transformé l’individualité de chacun en une masse orangée, contrairement à la vision princeps du bocal :
Enfin, amusante ou accidentelle, cette touche (discontinue) de blanc sur le bas du bocal. Serait-ce un geste ultime de Monet, comme pour dire ici : « Il ne s’agit que de peinture ».