Une visite à flux tendu de la Fondation du Doute avec Alain Goulesque

Les hyperliens sont en rose (c’est la vie) souligné

La Fondation du Doute de Blois abrite la plus grande collection Fluxus du monde. Qui connaît Fluxus? Comme de nombreux mouvements-pères dans l’Histoire de l’Art, ou de nombreuses figures tutélaires que l’on pille sans rendre hommage, Fluxus est un mouvement-père. Mais comme Fluxus n’est certainement pas un mouvement phallocrate, disons que Fluxus est un mouvement père-mère, ou mère-père. Il engendre, et engendre, à n’en plus finir. Assez curieusement, Fluxus ne se revendique pas comme un mouvement artistique. Le lithuanien George Maciunas, son fondateur, écrit dans son manifeste de 1965 que l’art proprement dit est le fait d’un « statut élitaire et parasite ». Face à cela, Maciunas oppose le statut « non professionnel de l’artiste ». Tandis que la « société montre le statut indispensable de l’artiste, l’art-amusement fluxus » prétend que « l’artiste est superflu ». Si l’artiste est superflu, c’est parce qu’il n’est pas indispensable. La preuve en est que  « n’importe quoi peut être de l’art et que n’importe qui peut en faire ». Il est bien évident qu’une telle affirmation constitue un véritable scandale, en dehors du fait qu’elle est parfaitement illogique… mais si nous retirons ces fondamentaux à Fluxus, alors Fluxus disparaît. Or Fluxus existe. Dont acte. Au sérieux supposé de l’art traditionnel, Maciunas oppose l’amusement: « L’art-amusement doit être simple, amusant, non-prétentieux, concerné par l’insignifiant, ne requiert ni habileté ou des répétitions innombrables ». Nous voilà prévenus. Si l’art « est complexe, prétentieux, profond, sérieux, intellectuel, inspiré, adroit, signifiant, théâtral, l’art-amusement Fluxus est l’arrière-garde sans aucune prétention ou envie irrépressible de participer à la compétition d’une “seule voix” avec l’avant-garde […] C’est la fusion des vaudevilles de Spike Jones, du gag, des jeux d’enfants et de Duchamp ». Maciunas, dès le départ, prend une position très risquée, et contradictoire. Il veut promouvoir une façon de faire de l’art qui n’est pas traditionnelle, que tout le monde peut s’approprier. Mais la première contradiction, bien sûr, c’est que ceux qui veulent “faire” de l’art doivent nécessairement avoir une connaissance de l’art, et donc être “initiés” un tant soit peu. Et cette initiation, Maciunas la revendique quand il cite Duchamp dans sa liste d’agrégés à Fluxus. Duchamp n’est pas le premier venu dans le domaine de l’art moderne et contemporain. Comme dit Arletty dans Hôtel du Nord, il est un peu du bâtiment. Et ceux qui s’inscrivent dans les pas de Marcel ont plutôt intérêt à se lever tôt… On a compris, me semble-t-il, que l’art-amusement Fluxus s’entend comme une déconstruction de ce qu’est l’art (Derrida entamera son travail de déconstruction dans les années 60, l’humour en moins…). Or, tout déconstructeur qui se respecte se retrouve installé au milieu même du bâtiment qu’il s’était donné comme mission de déconstruire. C’est imparable. Et il ne viendrait à l’idée de personne, aujourd’hui, de dire que Maciunas, Paik, Vautier, et Fillioux, entre autres, ne seraient pas des artistes. Alors, se dit peut-être le lecteur, à quoi sert-il de décrier l’art “officiel” si c’est, finalement, pour en faire? Cela permet, comme tout mouvement de protestation, de s’opposer au “père”, et, ainsi, préalablement, de tout casser. De casser les codes. Qui gagne-t-on? Une grande liberté. Cette même liberté qu’avaient recouvré les initiateurs des mouvements DADA et surréalistes. (Mais il s’agit aussi, tout simplement, d’hommes et de femmes libres, au départ, qui s’associent entre eux.) Fluxus, donc, est un mouvement absolument, totalement, insupportablement libre. 

Le 1er décembre 2016, j’avais rendez-vous avec le directeur de la Fondation du Doute, Alain Goulesque. Nous allons, ci-dessous, pouvoir écouter l’entretien qu’il m’a accordé le temps d’une visite commentée, et lire sa restitution. (Je remercie ici Alain Goulesque pour sa disponibilité et son éclairage considérable sur Fluxus).

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Léon Mychkine : Vous êtes Alain Goulesque, et vous dirigez
Alain Goulesque : L’École d’Art, et la Fondation du Doute.
M : D’accord
G : Là on est dans l’escalier de la Fondation, et l’idée que l’on a eu, avec Ben, c’est tous les deux ans on change d’artiste, on fait la proposition d’occuper ce lieu, qui est sur deux étages — cet espace un peu intermédiaire entre le bas et puis le haut. Un escalier c’est toujours un peu compliqué, c’est compliqué surtout pour un artiste, d’imaginer, de créer quelque chose pour ce lieu. Donc la c’est la deuxième proposition, depuis que nous sommes ouverts, 2013, la première version c’était Arnaud Labelle-Rojoux, qui avait occupé tout le lieu, et là c’est une jeune artiste qui s’appelle Anna Byskov, qui a créé la “bocca de la verita”, donc quelque chose qui est autour de la question de la rumeur, c’est une histoire qui se raconte, et c’est une artiste danoise, française et danoise, qui était en résidence, puisque l’idée aussi c’est qu’on puisse avoir, chaque année, au moins un artiste en résidence, qui va travailler sur une création.
M : D’accord
G : Donc c’est très emprunt d’un univers d’ailleurs, je trouve, très danois, il y a une sorte d’ambiance très étrange, un mélange
M : Oui oui, ça fait un peu peur, presque. Il y a côté un peu inquiétant.
G : Elle raconte une histoire d’une blonde qui a été enlevée… Il y a les petits moniteurs sur les murs, et puis il y a toute une espèce d’ambiance assez étrange, avec des masques au mur, un peu partout.
M : Oui, c’est un lieu étrange du coup. Un escalier peut devenir, comme ça, un lieu étrange.
G : C’est toujours un lieu étrange, un escalier. Il y a un écho ici particulier. C’est un escalier en béton, qui résonne très fort.
M : Donc là on est rentré dans la première salle, il n’y a pas d’ordre
G : Oui, il n’y a pas de parcours, fléché… chronologique.
M : Donc, vous pouvez nous rappeler l’origine de la Fondation du Doute ?
G : Donc, en fait, il y avait une collection précédente, présentée ici à Blois, on l’a gardé pendant 16 ans. Collection d’Eric Fabre, qui est un collectionneur qui a beaucoup défendu le lettrisme, beaucoup défendu les artistes proches des situs [i.e., l’Internationale Situationniste]. L’idée à l’époque c’était de constituer un ensemble autour de l’art de l’objet, au XXe siècle.
M : D’accord
G : Donc ça s’est appelé Musée de l’Objet, d’une manière un peu provocatrice. Ça donnait pas forcément une image très précise de ce qu’on pouvait trouver à l’intérieur. Il y a d’ailleurs pas mal de touristes qui arrivaient ici en pensant trouver une collection d’art populaire ; la question de l’objet évidemment étant très floue. Dans tous les cas, c’était volontairement marqué, cette notion de musée, qui n’en était pas un, et autour de l’objet, qui n’en était pas un non plus. Parce que l’objet, tel qu’il était présenté dans cette collection, était un objet conceptuel, alors parfois, véritablement un objet, chez les nouveaux réalistes, par exemple il y avait tout le monde, César, Arman, mais aussi il pouvait être conceptuel, comme chez Kosuth
M : D’accord, alors donc le Musée de l’Objet était déjà un musée d’art contemporain…
G : Absolument
M : Mine de rien
G : Oui, absolument. Il avait une très grosse collection, qui était prêtée donc pour cette durée de 15 ans, à la ville, et qui nous a servi pendant ces années, d’outil pédagogique.
M : Et ça a ouvert quand le Musée de l’Objet?
G : 96
M : D’accord
G : Donc c’était un peu à l’initiative… il se trouve qu’on avait comme maire Jack Lang, qui était à l’époque Ministre de la Culture, donc forcément
M : ça a aidé
G : Ça a aidé, ça a amené aussi de l’énergie, et puis des envies, des propositions. À l’époque il y avait aussi tout un projet de commandes publiques, que le maire avait souhaité lancé, auprès des artistes, et dont certains ont vu le jour, comme le Mur des Mots, de Ben, puisque, on n’a pas l’impression, mais il a été inauguré en 1995. Et puis les vitraux aussi de la cathédrale 
 
de Jan Dibbets. Beaucoup d’autres projets ont été proposés mais n’ont pas été finalisés. Donc l’idée à l’époque c’était qu’il y ait un outil pédagogique à l’usage de l’école d’art, en priorité. Donc avec comme ça les mêmes projets, d’initiation à l’art contemporain, d’outil pédagogique et en même temps aussi ouvert au public. Mais ouverture au public dans des limites qui étaient dues aussi au financement et au projet initial, qui était ouvert au public le week-end. Donc à la fin du prêt, on s’est posé la question de comment on pourrait continuer dans le même esprit, et on savait que Ben Vautier avait une collection importante autour de Fluxus, qui est, on va dire, le mouvement artistique qu’il défend toujours aujourd’hui. Et donc on lui a demandé s’il serait d’accord pour installer sa collection ici. Alors il a dit assez vite « oui », parce qu’à l’époque, c’était en 2013, 2012 en fait quand on a commencé à parlé de ça, il faisait tourner sa collection, il voulait en faire une sorte d’exposition nomade, qui pourrait se déplacer dans les pays… à l’époque elle était à Moscou, elle avait été à Athènes, enfin il y avait beaucoup de lieux comme ça, et finalement c’était quand même assez lourd à monter, et à tenir surtout, sachant l’activité qu’à Ben, en permanence, c’était quand même assez compliqué. Quand on lui a posé la question il a tout de suite répondu « oui », dans la mesure en plus où il savait quelle était la teneur de la collection précédente, et finalement on était aussi sur une sorte de suite, malgré tout, parce que Fluxus, c’est aussi les années 60, et que finalement, on avait une collection qui était très marquée aussi par les Nouveaux Réalistes, l’Art Conceptuel, les Objecteurs, la nouvelle sculpture anglaise, et ça c’est les années 60-80. Donc on avait vraiment une continuité. Donc c’était intéressant. Sauf que la collection de Ben c’était une collection d’artiste. Et il nous a dit assez vite qu’il avait des petites pièces, c’était surtout une collection d’un artiste vivant, acteur, et actif, qui était faite d’échanges, qui a son intérêt, bien sûr ; mais il nous a dit de suite qu’il faudrait qu’on sollicite Gino di Maggio, qui est le deuxième collectionneur, ainsi que Caterina Gualco ; il faudrait les solliciter pour qu’ils nous prêtent des pièces plus importantes, plus conséquentes. Comme celle-ci, de Knizac, qui appartient à Gino di Maggio. Ce sont deux collectionneurs qui ont été très proches des artistes de Fluxus, pas simplement des collectionneurs extérieurs, mais vraiment qui ont été très proches des artistes de l’époque. Et donc c’était vraiment intéressant d’avoir le complément pour constituer cet ensemble. Qui reste un ensemble unique, présenté en Europe, sur et autour de Fluxus. Il n’y pas d’équivalent.
Milan Knizac, sans-titre, 1990, Installation, christ en plâtre, disques, Collection Gino di Maggio
 
M : D’accord
G : Donc beaucoup d’artistes ont participé, ont été dans cet esprit Fluxus. Là on a vu Knizac, qui était un artiste qui a beaucoup influencé la musique expérimentale, puisque c’est lui qui a créé cette fameuse pièce broken music, qui est constitué d’enregistrements de ses disques, qui sont fondus, coupés en quatre, mélangés, qui passent sur des platines, qui produisaient des sons très particuliers. C’est fait aussi de gens comme Philip Corner, lui est plutôt un artiste historique du début, qui a participé aux premiers concerts Fluxus à Wiesbaden, où ils ont réalisé cette fameuse pièce, qui s’appelle Piano activities, qui consistait à jouer une dernière fois d’un piano, ça veut pas dire détruire, mais c’est à peu près ça, c’est-à-dire de démonter ou de déconstruire le son classique d’un piano pour en produire d’autres sons, évidemment. Et on a refait d’ailleurs cette performance, happening, pour l’inauguration, qui consistait, on va le dire allez à une mise à mort du piano, comme on pourrait l’imaginer dans une corrida, mais un son magnifique. Donc c’est beaucoup des musiciens. Fluxus, c’est
 
Philip Corner, Piano  Activities
 
Un des éléments de “Piano Activities” 
 
un mouvement qui est né aux Etats-Unis, qui est venu, bien sûr, du monde artistique, mais très lié à la musique expérimentale, et qui très vite a pris comme principe de se déployer… l’idée c’était quand même d’envahir le monde, d’être présent partout. L’idée de George Maciunas c’était celle-ci, George Maciunas étant un peu le théoricien de Fluxus ; et vraiment son idée c’était que ça ne soit pas simplement un mouvement artistique mais que ce soit un état d’esprit à part entière.
M : Il voulait lui donner une ampleur un peu comme au surréalisme.
G : Oui oui, même, le nom “Fluxus” déjà, choisi par Maciunas, ça évoque aussi le flux, il parle même de diarrhée comme si ça devait se répandre partout. Et donc ils ont utilisé tous les supports pour diffuser cet état d’esprit, par exemple le concert pour eux, ça a été une manière de déployer cet état d’esprit à la fois ludique, moqueur, joueur, provocateur, avec des concerts qui devaient se dérouler un peu partout, le premier a eu lieu en Allemagne, à Wiesbaden. Voilà, cette vidéo qui est montrée ici, où les gens ne savent pas trop s’il faut rigoler, si c’est sérieux, les acteurs, eux-mêmes, se concertent, faisant un peu n’importe quoi, et laissant un peu dubitatif les spectateurs. Donc, puisque tous ces acteurs du début, comme Ben Patterson, Nam June Paik, les mentors de l’art vidéo sont tous des gens qui avaient pour principe de faire tout cela, ces idioties entre guillemets, ces absurdités, de manière extrêmement sérieuse. Donc
 
Ben Patterson
 
ces sortes de pièces Fluxus étaient courtes, puisque le principe, c’était que ça ne dépasse pas trois minutes ; que ce soit assez court, comme un coup de poing, qui provoque le spectateur. Et puis, d’une manière aussi concise, pour que ça ne puisse pas entrer dans… ou de la fiction, ou du théâtre de rue ou du théâtre… Il faut produire quelque chose qui soit différent.
M : Là c’est un peu du happening
G : Oui oui, bien sûr, puisque ce sont eux qui ont inventé ce terme.
M : Ah oui ?
G : Oui, John Cage, c’est le premier qui a fait un happening ; ensuite ça a été très développé par Allan Kaprow, qui la conceptualisé.
M : D’accord
Affiche d’un happening de Kaprow
 
G : Mais voilà, cette notion de ‘happening’, ce qui arrive, ce qui est là, ce qui se produit, c’était aussi la marque de fabrique de Fluxus. Et donc aujourd’hui encore, lorsque Ben refait des pièces d’untel, puisqu’il y des pièces qui sont signées, alors on va dire c’est le happening de Ben Paterson, George Maciunas ou de George Brecht, ce sont des pièces qui sont rejouées, mais Ben dit “moi je ne suis qu’un interprète, je joue une pièce de”… comme on dirait “je joue une pièce de Mozart”… Et ça c’est vraiment fondamental de comprendre que c’est aussi cette idée que finalement, tout le monde peut rejouer les pièces ; dans la mouvance fluxus, tout peut être rejoué, en permanence, dans la mesure où on respecte la partition, ou le protocole. … Joe Jones qui fabriquait des instruments [ci-dessous] il y a beaucoup de choses, on ne va pas tout commenter parce qu’il y a beaucoup d’oeuvres, il y a 400 pièces, 400 œuvres ici.
Joe Jones, Music Machine, 1974, Cercles en ligne diamètre 60cm, deux tambours, Collection Caterina Gualco
 
M : Ah oui quand même.
G : Oui. Ce qui en fait d’ailleurs un ensemble très important. Sur cet esprit Fluxus, il y a une grosse collection qui a été donnée au MOMA (New York) il n’y a pas très longtemps, par un couple de collectionneurs, les Silverman, plus de 4000 pièces Fluxus, d’oeuvres, documents, etc. Mais finalement, ça n’occupe pas un espace aussi grand, même à New York, qu’ici.
Cette pièce de Spoerri, a été réalisée à Milan, qui date de 1975, et qui un ensemble astro-gastronomique, puisqu’il a invité à chaque table, que des gens d’un signe, cancer, sagittaire, etc., et il a fait le repas lui-même, puisque c’est un fin cuisinier, et ensuite à la fin du repas, il piège la réalité de ce qui reste sur la table, c’est-à-dire les reliefs du repas, et donc il avait demandé d’ailleurs à chaque participant de venir avec des assiettes, des objets, des éléments qui évoquent leur signe, ce qui fait qu’il y a un peu cette variété sur les tables… On a des arrêtes de poisson, donc on imagine que c’est le signe du poisson. Alors ce qui est intéressant, ça c’est une œuvre qui appartient à Gorgio di Maggio, ce qui est intéressant aussi c’est qu’on est face à des collectionneurs qui ont des points de vue forts, par rapport aux œuvres. Par exemple, évidemment, des Spoerri, on en voit dans toutes les collections publiques, mais elles sont enserrées dans des tessons, en plexi, comme des reliques, alors que là il a accepté qu’on les laisse dans leur virulence, dans leur aspect un peu dégoûtant.
 
 Une des “tables-relief” de Spoerri 
 
M : Oui, dans leur saleté
G : dans leur saleté, forcément ça a beaucoup plus d’impact
M : avec les mégots […] on se demande comment ça tient aussi…
G : Ben c’est très étonnant, et puis nous on a un peu flippé parce qu’on s’est dit
M : ça va tomber
G : vu que des enfants sont là, quand ils marchent un peu fort, on se dit… puisque les bouteilles sont collées, tout est renversé, évidemment.
M : Ah oui, il y a un côté magique. […]
G : Voilà, avec le photographe de Fluxus, qui a vraiment suivi toutes les performances, et qu’on retrouve évidemment dans tous les documents, Peter Moore, qui a vraiment photographié tous les instants de ces fameux ‘happenings’, avec la ‘Flux-clinic’, par exemple, très potache parfois
 
Roberto Massoti, portrait de John Cage à Venise, 1990, Impression sur toile, Collection Di Maggio
 
M : La ‘Flux-clinic’ ?
G : oui, ben on se fait mesurer la langue, que des choses idiotes. […] Il y a quand même une salle Ben. Alors comme Ben aime toujours les gadgets.
 
Un aperçu d’une des oeuvres de Ben, dans la salle dédiée
 
G : Donc là il y a beaucoup de pièces, à la fois certaines historiques et puis d’autres plus récentes, mais bien dans l’esprit dans lequel ce lieu a été fait, parce que, c’est très difficile d’enfermer Fluxus, dans un musée, donc, l’idée c’était que ça puisse être un lieu qui soit, où on puisse se sentir créatif. J’aime beaucoup d’ailleurs l’idée de Fluxus qui considérait — enfin c’est ce que j’en retiens —, le spectateur comme un partenaire, de la création, qui lui est offerte ou qui lui est présentée. Cette idée que finalement, il y a le génie de l’artiste et il y a la créativité du spectateur.
M : Ce que plus tard, Bourriaud, dans un autre contexte, appelle “l’art relationnel”
G : Oui c’est un peu ça, oui oui. 
M : C’est pas forcément la même chose
G : Non c’est pas la même chose
M : le regardant participe de
G : Voilà alors Duchamp, il y a une phrase célèbre de Duchamp qui dit que « c’est le regardeur qui fait le tableau », c’est un peu ça l’idée aussi, chez Fluxus. C’est-à-dire que, finalement, il ne devrait pas y avoir de différence entre la vie et l’art, l’art et la vie confondus, c’est un texte d’Allan Kaprow, ce sont des artistes qui ne veulent plus de barrière, qu’on ne soit pas obligé d’être issu d’une famille bourgeoise pour comprendre les notions ; au contraire, de dire au fond que tout ça vient de l’humain et que par conséquent on est tous, soit artiste, comme dit Beuys, “soyons tous artistes”, ou bien “soyons des spectateurs inventifs et créatifs”. C’est un peu l’idée du mail-art. Ici, il y a une salle mail-art.
 
Des visiteurs havrois remplissent des cartes postales dessinées par Ben
 
M : Oui,
G : Voilà, où on distribue des cartes, faites par Ben, et Ben dit “remplir avec votre imagination délirante, sereine, ludique, et surtout libre”, parce que bien sûr c’est le refrain qui revient souvent, c’est cette notion de liberté, de création, et c’est aussi ce qui fait que ce lieu est assez bien perçu parce qu’il a un souffle de liberté qu’on a évidemment bien sûr largement perdu depuis les années 70.
M : Certainement
G : Et qui là remet un peu ça à jour. On s’en rend compte, là, comme Yoko Ono, qui a filmé toutes les fesses de toute l’intelligenstia artistique de New York, de l’époque ; Andy Wharhol, en passant par Ben. […] Voilà, alors il y a là fois de l’humour, chez Fluxus, bien sûr, puisque c’est cette notion d’“art-je” qu’ils ont beaucoup défendu, à la fois de burlesque, mais comme un art, en fait, bien sûr, à chaque fois, avec tout le sérieux, comme on disait tout à l’heure, et qui sans cesse est en train de questionner… “à quoi sert l’art ?”, “pourquoi l’art ?”, “quel est le rôle de l’artiste ?”.
M : Une belle pièce ça
G : Nam June Paik, évidemment, il y a de belles pièces, dans la série de ces Bouddhas qui méditent sur leur propre image.
M : C’est très beau.
G : Celle-ci est un peu plus drôle, parce qu’il l’a signé Duchamp, enfin il y a sa signature “Nam June Paik” mais il y a
M : “Duchamp et Beuys”
G : “Duchamp et Beuys”, voilà. Alors Duchamp avec des moustaches bleues, qu’on voit sur le visage du Bouddha… 
M : Ah oui ?
G : Oui, ce qui rappelle évidemment les moustaches de la Joconde. Et puis la croix qu’on retrouve évidemment
M : comme motif chez Beuys.
G : comme motif chez Beuys.
M : Ah oui, d’accord.
G : Ben oui, c’est ça, il faut toujours regarder plus que ce qu’on nous montre.
M : Hm hm
Nam June Paik, “TV-Buddha Duchamp-Beuys”
 
G : Voilà, alors la relation à cette pièce entre la technologie et la nature, puisque ça c’était le leitmotiv de Nam June Paik. La technologie, alors aujourd’hui elle est un peu désuète, parce que le téléviseur, et la caméra, sont d’époque. C’est le problème de toutes les œuvres de Paik, au bout d’un moment on a des moniteurs qui commencent à fatiguer. Et la question se pose “jusqu’où on peut aller pour remplacer ces téléviseurs ? ”, maintenant, on en trouve plus, ou on ne va plus en trouver dans pas longtemps. Mais sinon la position est différente, parce que chez les collectionneurs, les propriétaires des œuvres (nous sommes face aux écrans de Paik). Chez Eric Fabre, son idée c’est qu’on ne peut plus, on ne peut pas même modifier même un lecteur DVD, à l’époque c’était un lecteur de vidéo-disques. Et de changer la machine pour un lecteur DVD classique, ça modifie la pièce. Et puis par exemple, pour Gino Di Maggio, la position est différente. Il dit que Nam June Paik, qu’il a très bien connu, lui a toujours dit qu’il fallait toujours aller avec la technologie de l’époque. Il m’a dit que si ces téléviseurs ne fonctionnaient plus, ben lui il mettrait des écrans plats, sans problème. Alors qu’évidemment dans les musées on va essayer de garder l’authenticité. Voilà, ce sont deux positions différentes.
M : Oui, effectivement. [Nous sommes à l’étage supérieur.]
G : Pour Fluxus on parle souvent de John Cage, qui était un personnage majeur, et qui a influencé beaucoup de choses. Moi j’aime beaucoup la façon dont Cage pensait l’expérimentation, la question du hasard, du hasard préparé, ou du piano arrangé, et même sa pièce sur le silence
M : Oui, magnifique ça
G : Je pense que ce qui est important, quand on est dans un musée, c’est de regarder (1) les dates, (2) d’essayer de les remettre dans leur contexte, et de voir quelles ont pu être leur influence. Ben est très clair ça. C’est vrai qu’il dit souvent que ce qui est important, c’est le nouveau. Il est sans arrêt en train de défendre cette idée de nouveauté. C’est vrai qu’a priori, un artiste qui est dans cette mouvance, de création contemporaine, est un chercheur avant tout. […] Et je pense que ce qui est important dans un musée, c’est ça, c’est regarder ce qui a pu amener quelque chose de nouveau. Alors évidemment ça demande une connaissance, c’est pour ça que souvent, le public est assez réticent à l’art contemporain, parce qu’il lui manque des épisodes. Hélas ! C’est particulier aussi à la France, parce que la France a un tel patrimoine ; ceci dit si on compare à l’Italie, où on a un équivalent en terme de patrimonial, ils sont plus ouverts sur la création contemporaine, pour des raisons simples, d’ailleurs, parce qu’il y a une forte présence du design, par exemple, une forte présence de l’édition, de la typo, et que, finalement, ils sont peut-être plus habitués que nous à l’association entre la création d’aujourd’hui et puis l’art ancien. Ce qui est toujours très délicat en France. À Chambord, par exemple, il y a des gens qui ne supportent pas qu’il y ait cette association entre œuvres contemporaines et partimoine.
Nous sommes dans une pièce remplie de documents
G : Donc là il y a beaucoup de documentations [où l’on peut voir des documents relatifs à des artistes japonais « très radicaux, qui se revendiquaient de Fluxus »]. Fluxus, c’est DADA, mais en plus construit. Parce que DADA, finalement, c’était très nihiliste. C’est vraiment la remise à zéro, à plat, etc. Alors que l’idée de Maciunas c’était quand même de fonder une nouvelle école, l’école de la vie, et l’école de la liberté, de la créativité. Et c’était très différent quand même, malgré tout. Même si on les compare souvent.
M : Maciunas c’est le fondateur originel ?
G : Oui oui, Maciunas a vraiment, pour moi, été l’artiste moteur on va dire, de Fluxus. D’abord parce que c’est lui qui a amené tout le côté graphique, puisque quand même Fluxus, ils ont inventé quand même énormément de choses, on parlait du mail-art tout à l’heure… mais la musique expérimentale, l’art vidéo avec Nam June Paik… Tout ce qui est tracts, flyers, etc., ils ont amplifié ça de manière considérable, en inventant ces fameux journeaux là, on en a quelques exemples. Toutes les boîtes Fluxus, qui sont vraiment les premiers multiples, les Flux-box. Cette idée que l’édition peut être démultipliée, l’oeuvre peut être démultipliée, à un point ; avec ces boîtes qui ne coûtaient rien en fait, et qu’on pouvait acheter dans les Flux-shop.
M : Plus les happenings
G : Plus les happenings. Plus toutes ces formes, cette invention de formes, de diffusion, est très intéressante.
M : Ils ont eu une influence considérable sur tout ce qu’il y a eu après.
G : Bien sûr. Et puis l’Art Contemporain a puisé largement là-dedans. Parce que même le “théâtre total”, de Ben, vient de tout ça.
M : Est-ce qu’on peut dire que c’est le dernier grand mouvement artistique, Fluxus ?
G : Si vous voulez, moi je compare vraiment souvent les années 60-70, plutôt 70, aux années 1910, où on a inventé l’Art Abstrait, on a inventé le cubisme, on a inventé énormément de choses… et Fluxus a été comme ça, c’est-à-dire qu’ils ont vraiment inventé tout ce qui ensuite a servi, aujourd’hui, la performance, à l’installation, au principe d’installation… ce mélange, puisque cette notion d’intermédia, elle est née avec Fluxus, avec Dick Higgins ; c’est-à-dire ce mélange des genres, où il n’y a pas simplement le tableau, la sculpture, mais où on peut avoir le document, la vidéo, la photo, le happening, le corps, tout ça en même temps.
M : « Intermédia » c’est un terme de l’époque ?
G : Oui c’est un terme de l’époque : Wolf Vostell, Dick Higgins, Geoffrey Hendricks, tous ces artistes ont défendu cette notion d’intermédia. C’est pas multiémédia, c’est un peu dans cet esprit, il y a interférence entre…
M : Oui, c’est intéressant comme terme.
G : oui, c’est très intéressant. On l’oublie, d’ailleurs assez souvent, mais très intéressant.
M : C’est riche tout ça (dis-je, tandis que nous avançons dans la salle du deuxième étage).
G : Oui c’est riche. Des pièces importantes comme celle-ci, de Vostell, il fallait aussi qu’il y ait des pièces conséquentes, qui puissent permettre d’avoir aussi cette vision … cette danse de vie et de mort comme dit Vostell, d’une manière assez  
 
Les marteaux de Vostell
  
violente, avec cette idée du poing, de l’énergie, du point qui peut frapper, mais aussi qui peut se lever, parce que dans tous les tableaux et collages qui sont autour, font référence au poing, et les marteaux qui frappent ces portières sont aussi des poings qui frappent, et puis, évidemment, il y a aussi ces couples enlacés qui font le lien avec l’amour.
Nous sommes maintenant face aux Fluxus-boxes, qui, nous dit A. Goulesque, aujourd’hui « sont rares et précieuses ». 
G : Comme celle de Ben, c’est une boîte en plastique avec des rondelles, des images…
M : Donc à l’époque on pouvait acheter une boîte Fluxus comme ça pour…  
G : Pour rien, pour rien, oui, dans des Flux-Shop, ça coûtait rien.
M : Un Flux-Shop c’est un magasin Fluxus ?
G : Un magasin entièrement consacré au “merchandising”.
 
Ben, Flux-box
 
Maciunas Flux-box
 
M : Et combien il y en eu de magasins comme ça ?
G : Je ne peux pas dire, parce que… il y en avait un à New York, célèbre, mais après c’était aussi assez itinérant, parce que l’idée c’était que ça accompagne aussi un concert… Là c’est celle de Ben, là celle de Kosugi, là c’est celle de Brecht. Et puis des boîte collective, qui évoque aussi bien sûr la première boîte qu’on connaisse, de Marcel Duchamp, la Boîte-en- Valise
M : C’est vachement riche, comme interventions, comme initiatives
G : Oui, parce qu’en fait il y a toutes les questions qui sont posées. Voilà, là on a la salle de John Cage. Quand on pense que John Cage, en 58, enseigne la composition, à New York, et qu’il a dans sa classe tous les artistes de Fluxus quasiment. Dans cette classe il y a Allan Kaprow, l’inventeur du happening, Dick Higgins, Jackson Mac Low. Il y a avait La Monte Young, il y avait George Brecht, qui est aussi le théoricien de l’“event”, encore une autre forme ou déclinaison du happening. Et dans cette classe, là c’est un moment un peu particulier, ils ont décidé de chanter sur scène la composition, et il décident d’aller chercher des jouets dans le magasin qui est au bas de l’immeuble, et il vont produire un son en improvisation. C’est ça Fluxus ! C’est “j’ai une idée, je le fais”. Alors Higgins, lui, arrive à faire à la fois le son et produire la partition en même temps. Puisque là, en fait, il prend des pages, avec des partitions, et il tire à la mitrailleuse dessus. Donc il produit à la fois le son et évidemment la plastique aussi, puisque c’est assez beau.
M : Oui c’est beau.
G : Il retravaille un peu dessus
M : oui, les ajouts de coulure
G : Voilà, alors c’était un peu en même temps, un peu après. C’est cette liberté qui est forte, parce qu’en réalité, ce qui est important c’est le geste, finalement. Le geste et le concept. Des gens comme Henry Flynt, sont des théoriciens philosophes, on va dire, ou Joseph Beuys, qui à un moment donné à croisé Fluxus.
M : Il a été membre épisodique, non
G : Au début, il l’a été, et puis après il s’est détaché, mais c’était vraiment la même période, il y avait cette association. C’est lui qui disait « tous artistes »
M : Oui, « tout le monde est artiste »
G : « Tout le monde est artiste », « tout le monde doit être artiste », la traduction plus littérale, c’est celle-ci. « Soyons tous artistes », ce qui est différent. Parce que, dire « tout le monde est artiste », c’est encore autre chose. De dire « soyons tous artistes », ça ça a un sens, c’est-à-dire voilà, il faut y aller… c’est l’être humain qui est créatif par nature. Il crée sa vie, son environnement…
Nous arrivons dans la salle où se trouvent des œuvres de Robert Filliou.
G : Robert Filliou, évidemment, dans les artistes français, avec Ben, George Brecht, qui a été très proche de Filliou. Du côté français, il y avait aussi ces artistes, qui avaient aussi une philosophie de vie. Lui (Filliou) a fini dans un monastère. Il était très intéressé par le Zen, la philosophie zen, oui. Beaucoup, d’ailleurs, d’entre eux.
[Nous avançons et nous voyons des escabeaux.]
G : C’est Yoko Ono, qui nous a envoyé une proposition pour Blois, qu’on n’a jamais vraiment complètement réalisé, parce qu’en fait l’idée c’est, elle met dans sa proposition qu’il faut proposer au public de venir avec un escabeau, une échelle, quelque chose sur quoi monter, qui ait un sens aussi personnel, et en fait tout ça pour voir si le ciel est plus près en haut de l’échelle, donc là on les a mis autour d’une fenêtre, mais l’idée c’était presque d’envahir tout l’espace avec des escabeaux et des échelles. […] L’idée c’est qu’on le fasse un jour dans la grande cour de Ben, inviter toute la population à venir, un happening où tout le monde monterait sur son escabeau et son échelle pour regarder si le ciel est plus près du haut de l’échelle. […] Là l’event vous avez une carte où il y a écrit « un oeuf » et puis en dessous « un oeuf ». Vous vous débrouillez avec ça. Ou bien « clignez d’un oeil ». C’est ce que je dis souvent, si on le fait pas… s’il y a trente personnes qui le font en même temps, ça devient un événement. Ça a de la force, sinon ça n’existe pas.
La boîte à ‘events’
 
Voilà donc il y a beaucoup d’artistes. C’était très international Fluxus. Il y a des tchèques, des italiens, des japonais, des allemands, des anglais, des américains. Et puis La Monte Young, qui a une importance majeure dans la musique expérimentale. Il a fait une proposition assez provocatrice aussi. C’est un hommage à Tudor, qui est le premier à avoir fait la pièce « 4 »33 de silence », de Cage. En gros il faut nourrir le piano. Si le piano joue bien, on lui donne à manger. Donc c’est un Steinway, qui pèse 500 kgs, qu’il a fallu monter ici.
La Monte Young, Piano Piece for David Tudor #1
 
Le piano nourri …
 
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 M : En terme de fréquentation, ça marche bien la Fondation ?
G : Oui oui, pour le moment… Alors c’est toujours pareil, un lieu comme ça, il faut du temps pour que les gens… Déjà il y a beaucoup de gens qui ne savent pas que ça existe. Ça prouve qu’on a une marge conséquente. Et que sûrement il faut mieux communiquer, même dans le milieu artistique. Mais notre fréquentation… on n’est pas loin de 25000 visiteurs par an.
M : Pas mal.
G : Je pense qu’on peut faire beaucoup mieux encore.
M : Sûrement oui.
G : L’intérêt, ce qui est bien, c’est que, comme c’est un projet porté par la ville de Blois, il y a un billet commun entre Château, Musée de la Magie, et Fondation du Doute. Ce qui permet d’avoir trois univers différents. Et cette année on la remarqué : mieux ça marche. Après le plus compliqué dans tout ça, c’est de garder le contenu et le sens de tout ça. Parce que Ben on le prend souvent par exemple pour un artiste rigolo, ou qui fait des phrases, des T-shirts. En même temps on oublie l’importance qu’il a depuis les années 60, où il avait ce magasin qui est devenu une sorte d’icône du Centre Pompidou, puisqu’il a été reconstitué, son fameux magasin de Nice, qui était une sorte de capharnaüm, qu’il animait quand il était à Nice. On oublie l’importance de Ben, sa vitalité, sa défense, à la fois, de cette notion de liberté, et puis aussi ce travail colossal, parce qu’il a produit énormément Ben : de toiles avec ses phrases célèbres, et cette capacité qu’il a trouver des slogans, des injonctions, des questionnements surtout. Puisque pour lui, le questionnement est fondamentalement le sujet de l’art. Il le met sans arrêt en avant. Tous ces tableaux ne sont que des questions. On a créé ici le Centre Mondial du Questionnement, où évidemment tout est sujet à question.
M : Et donc justement, ce titre très beau de ce bâtiment, de cette fondation, c’est lui qui l’a eu ?
G : Oui oui, c’est lui qui a voulu l’appeler comme ça. C’est pas évident à défendre, auprès des politiques et des financeurs.
M : Non c’est pas très vendeur
G : Parce que le doute n’est pas vraiment vendeur, mais après il faut l’expliquer.
M : Voilà c’est ça.
G : Le doute est sûrement l’endroit encore de plus grand liberté, parce que tant qu’on doute, on n’a pas de prise de décision, donc tout est possible. […] la Fondation du Doute, c’est quasiment l’atelier de l’artiste. Pour lui c’est ça. D’ailleurs, sa maison à Nice, qui est une espèce d’endroit hallucinant sur les hauteurs, qu’on voit de loin quand on arrive, puisque c’est entièrement recouvert de plaques, de mots, d’objets collés, il l’avait appelé Fondation du Doute.
M : Ah d’accord !
G : Et pour lui, fonder quelque chose sur le doute, c’est la base de l’art, en fait. […] Et donc tout es un peu comme ça. Même cette histoire fabuleuse, d’André Breton, qui décide de tirer une ville au hasard, et qui tombe sur Blois, et en 1924, il décide de faire une dérive, comme celle des Situationnistes.
M : Je ne suis pas au courant de cette histoire…
G : Pour Blois, c’est phénoménal, je trouve.
M : Alors racontez, si vous voulez bien ?
………
Je laisse au lecteur le soin d’écouter cette très belle et remarquable histoire, à partir de 03:40.
 
 
 
Conclusion
 
 

LÉON MYCHKINE

 

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