Une visite au CCCOD de Tours, Partie 1

Le 09 mars 2017, nous étions conviés à venir découvrir le nouveau vaisseau amiral turon de l’art contemporain, piloté par Alain Julien-Laferrière. Construit à la place de l’ancienne École des Beaux-Arts, fors la nef, qui a été intégrée au nouveau bâtiment, il est le fruit de l’agence d’architecte portugaise Aires Mateus (pour Francisco Aires Mateus et Manuel Aires Mateus, nés en 1964 et 1963). C’est un très beau bâtiment, très lumineux, avec des cimaises très hautes, ce qui permettra d’accueillir des oeuvres monumentales. Ce nouveau vaisseau, c’est le CCCOD. Que signifie cet acronyme? Soit la réunion de deux entités historiques que sont, d’un côté, l’initiative pionnière dans la ville de Tours, d’Alain-Julien Laferrière, et du legs Olivier Debré. Le premier a introduit la présence de l’art contemporain dans la ville dès 1977 (‘Tours-Multiple’), manifestation devenue une biennale à partir de 1983, ce qui aura permis l’émergence, dans le dur, du CCC, en 1984, le Centre de Création Contemporaine — soit dit en passant l’un des premiers centres d’art contemporain en France. La seconde entité historique, si l’on ose dire, c’est Olivier Debré lui-même, célèbre peintre français. Il faut savoir que, premièrement, si Olivier Debré est éduqué à Paris, il vient en vacances chez son grand-père, à Nazelles, en Indre-et-Loire, tout près d’Amboise. Son grand-père l’encourage à peindre, dessiner et sculpter. C’est dans cet environnement qu’il va découvrir la Loire. Plus tard, dans la maison qu’avait acheté son père à Vernou-Sur-Brenne, à 9 km de Nazelles, Debré installera un atelier. Et c’est ainsi qu’est connu Debré comme peintre de la Loire: « durant toute sa carrière, Olivier Debré (1920-1999) a témoigné d’un attachement singulier à la Loire » (dixit le Dossier de Presse). On comprend très bien comment on peut s’attacher singulièrement à la Loire. La Loire est une constante réserve d’émotions paysagères ; de lumières, d’ambiances. Sa force tient certainement aussi au fait qu’elle n’est pas, à l’instar du Rhin et du Rhône, canalisée, même si, depuis l’époque gallo-romaine, elle a été fortement étrécie par l’urbanisme et les levées successives.  À cette époque, justement, la Loire coulait là où se trouve précisément le CCCOD! (Je laisse au lecteur le soin de développer toute la symbolique de cette histoire.)

Les hyperliens sont en bordeaux souligné

L’ouverture du CCCOD se fait avec trois expositions respectives. Premièrement, celle d’Olivier Debré, titrée “Un voyage en Norvège”. La deuxième est celle de Per Barclay, avec sa “chambre d’huile”. La troisième, “Innland”, est celle, collective, de jeunes artistes norvégiens, entre autres. Trois expositions, donc trois parties. Nous commençons ainsi avec Debré. Avant cela, je retranscris ici le discours du directeur Julien-Laferrière, avant que nous visitions les lieux.

« Voilà, donc ce que je voulais vous dire, c’est que le Centre de Création Contemporaine s’additionne avec le mot “OD”, Olivier Debré. Comme vous le savez, enfin certains d’entre vous le savent, nous avons toujours considéré que cet artiste était complètement sous-estimé. Peu de travail avait été fait. Et cette œuvre qui est, plutôt, orientée, d’après la critique en général, vers Monet, moi je dis qu’il est beaucoup plus proche de Jackson Pollock. Donc je pense que là, il y a une marge de manœuvre formidable. Nous avions fait, à l’époque, une proposition à Olivier Debré. Vous savez qu’il y a une quinzaine d’années, Pierre Soulages avait fait les premières tentatives de suspension de ses œuvres sur des cables, les artistes peintres comme ça sont fascinés par l’idée d’une troisième dimension, qui serait virtuelle, ce n’est pas celle de la sculpture, mais plutôt virtuelle, comme ça, ce qui nous amène à James Turrell, qui a réussi la perfection absolue. Et donc, Olivier Debré, disait “c’est dommage, ça y est, la place est prise.” Et donc je lui avais proposé de lui commander quatre très grands tableaux de 4 mètres sur 9, de la dimension exacte de nos cimaises, quand nous étions dans nos locaux anciens derrière la cathédrale. Bien évidemment, quand les tableaux sont arrivés, il n’y en avait pas un seul qui faisait 4 mètres sur 9. C’était à quinze centimètres près, c’était pas grave, vu d’Olivier ; sauf que tout l’enjeu était qu’ils soient exactement commes les murs peints, exactement la dimension des cimaises. Donc ces tableaux il a souhaité qu’on les récupère, le jour où il décèderait, et qu’ils intègrent, d’une certaine façon, le CCC. Donc nous avons récupéré, négocié ce fonds avec la famille, qui a été tout à fait disposée, qui nous a offert une sélection de 150 dessins, qui sont parmi les plus beaux dessins qu’on puisse faire, en tous les cas de cet artiste. Et ceci donne le fonds. Comme vous vous en doutez, ce n’est pas un musée, ça a été écrit partout, nous l’avons communiqué ; il n’y a pas de “Salle Debré”, vous pourrez venir pendant 18 mois vous n’aurez pas accès à un seul Debré, c’est pas là que ça va se passer. Les musées français sont pleins de tableaux. Par contre, l’important, c’est de montrer comment cet artiste, on peut le soutenir, on peut le repositionner sur la scène internationale ; ce qui, avec l’expo dont on va parler maintenant et que vous allez visiter, est déjà une première démonstration. Quand on a commencé à s’occuper de cette exposition il y a trois ans, tous les tableaux que nous sommes allés chercher dans les grandes collections publiques et privées… au bout de trois ans, quand les fiches de prêt sont arrivées, toutes les œuvres avaient pris un zéro de plus. Étrange… Et c’est vrai que, en France, consacrer une grande exposition à un artiste français, c’est la meilleure façon de soutenir un artiste français à l’étranger. Donc, voilà, avec le travail que va faire Marine au Centre de Recherche [i.e., Marine Rochard, commissaire de l’exposition “Un voyage en Norvège”] sur la question des dessins, les Master, enfin voilà… Donc ça c’est la partie scientifique. Il n’y a pas de collection, et nous restons un Centre d’Art, sans collection. On se servira de ces cinq grands tableaux pour faire un certain nombre de projets.

Voilà, ensuite, donc nous avons décidé de commencer naturellement avec Olivier, et une exposition qui essaie de nous donner de l’oxygène. Olivier a toujours été présenté, parce que tous les amoureux de la peinture, aiment cette oeuvre là, et c’est pas pour cela que cette œuvre se réduit à cela. Mais en tous les cas, c’est un artiste qui a beaucoup voyagé, et beaucoup allé peindre sur le motif, en s’installant quelque part, et il peignait. Ça n’était pas un nomade, ça n’était pas un artiste voyageur, il a été dans beaucoup de pays du monde, et, comme le disait Pierre Cabanne, dans une interview à France-Culture, si je me souviens bien, “Olivier Debré, quand vous allez peindre quelque part, votre chromie change, votre gestuelle change, et pourtant, vos tableaux sont toujours des tableaux de Loire”. Donc, je trouve que, déjà, il y a un engagement, en tout cas une démonstration intéressante, des leçons que nous donnent les artistes. Donc c’est le choix qu’on a fait de rentrer dans cette œuvre, d’une autre façon. Voilà, d’être mondial ou global, ou local ça ne veut rien dire pour un artiste, il est là où il est, et il a le monde avec lui, et il est toujours de là où il vient. Donc voilà, là il y a vraiment une grande leçon. Donc voilà, c’est le choix qu’on a fait, de rentrer  dans cette œuvre, d’une autre façon. On a essayé de dépoussiérer l’accrochage classique, et comme vous le verrez, il y a quarante-et- un tableaux, pour 700m2 de surface au sol. Nous sommes partis en voyage avec lui. On a choisi la Norvège, parce que c’est certainement le pays où il a le plus séjourné. Donc nous avons pris l’ensemble de ses carnets de dessins, nous avons fait tous les voyages et les sites. On est allé rechercher les emprunts et les partenaires nécessaires, des grandes galeries aux grands musées, comme l’Astrup Museum  d’Oslo, qui nous a beaucoup aidé. Et là, nous avons réuni ces tableaux. Cette exposition a la prétention, l’immense vanité, d’essayer de montrer Olivier d’une autre façon, d’une façon plus contemporaine, que ça n’a été fait jusqu’à maintenant. Donc voilà pour l’exposition Olivier Debré “Un voyage en Norvège”.

Ensuite, vous allez découvrir la “chambre d’huile”, de Per Barclay. Vous connaissez cet artiste, qui est étrangement un artiste qui a beaucoup vécu en France, et que, le milieu professionnel français ne connaît pas beaucoup en général. Alors c’est un artiste qui est extrêmement reconnu en Italie, en Suisse, en Norvège, en Espagne, pas en France… Il n’y a même pas une galerie. Mais cet artiste, en travaillant avec lui depuis onze ans, sur quelque chose de particulier, il faisait des chambres d’huile, c’est-à-dire qu’il remplissait un espace ; un château, une usine, un sol, une salle de musée, et d’huile. Alors ça peut être de l’huile, il appelle ça chambre d’huile, mais c’est aussi du lait, du sang, c’est du vin de Chinon. Ces chambres d’huile n’étaient faites que pour faire des photographies. Ces chambres d’huile n’étaient pas visitables. Et, depuis une douzaine d’années, ensemble, on a mis en place, la possibilité de montrer ces chambres d’huile. C’est la quatrième que l’on fait. Et là vous avez une nouvelle chambre d’huile, qui a cette particularité, c’est qu’au lieu que ce miroir remplisse la totalité et s’arrête partout où les murs et les portes sont fermés, eh bien là tout à coup, pour la première fois, cette chambre d’huile s’arrête, à un moment donné dans la salle. Ce qui veut dire que ça rajoute quelque chose de magique, c’est que non seulement c’est vertigineux, c’est un immense trou, mais c’est la première fois sans doute de votre vie que vous aurez les pieds plus bas que le trou…

Et ensuite l’exposition ‘Innland’. “Innland”, comme vous le savez, c’est un terme norvégien, qui pourrait, très vaguement, être proche du ‘Heimat’, en allemand. C’est le territoire, mental, physique, géographique. Donc cette exposition, que nous avons sollicité, Thora Dolven Balke, qui a assuré la sélection, le travail, avec notre amie Elodie Stroecken, qui fait partie de la maison. Toutes les deux ont organisé cette sélection, qui a demandé beaucoup beaucoup d’allers-retours. La scène d’Oslo est une scène très riche, comme vous le savez. La scène d’Oslo est extraordinaire, les artistes sont maintenant devenus des self-made men, ils sont galeristes, ils gèrent des espaces, ils sont critiques, ils sont producteurs… Donc, il y a une scène nouvelle, qu’on a souhaité vous faire découvrir. »

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Les tableaux de Debré sont répartis sur deux étages. Dans la grande salle du premier étage, s’étale au fond, sur le mur, une immense toile, “Gris bleu de Loire”, de 4 X 9 mètres. Ce sera la plus grande toile. Excepté le tableau ci-dessous, les autres tableaux que nous voyons 

Le très grand “gris bleu de Loire” 1991 (l’une des quatre toiles commandées jadis par le CCC)

dans l’exposition ont été peints en Norvège, et dans une salle nous pouvons voir une série de photos où l’on voit Debré, par tous les temps, et même dans la neige, en train de peindre. Dans la salle du second étage, nous pouvons voir des extraits d’émissions dans lesquelles s’exprime Debré sur sa manière de peindre, et le temps que cela lui prend (du matin au soir, par exemple!). À un moment, il parle devant son tableau “rouge orangé coulé des hautes montagnes”. Il se décrit, durant la réalisation du tableau, comme étant tout en bas des montagnes. Donc, ce que voyons ci-dessous, ce sont des montagnes, orangées par le crépuscule, probablement ; et Debré se trouve tout en bas du tableau, en retrait, et il peint. Comme Matisse (La Desserte Rouge), par exemple, et Nicolas de Staël, Debré annule la perspective : tout est frontal.              

rouge orangé coulé des hautes montagnes, 1989, huile sur toile, Coll. Part.

Détail “rouge orangé coulé des hautes montagnes”

Après tout, pourquoi chercher à imiter la profondeur quand le support ne possède que deux dimensions ? Ceci dit, quelques empâtements ici et là pourront suggérer une sorte de premier plan, là où se trouve encore de l’herbe, par exemple. Cependant, si Debré n’indiquait pas qu’il s’agit ici de montagnes, pourrions-nous le deviner ? Et quand bien même, l’indiquant, cela nous aide-t-il à voir des montagnes ? Peut-être. Ce que l’on voit, surtout, c’est de la peinture, et des couleurs assez inédites. Ainsi, cet orangé coulé des hautes montagnes est impossible ; à moins que le soleil ne se répande, littéralement, sur les montagnes. Est-ce possible en Norvège ? On dira: c’est la lumière orangée qui se pose sur les montagnes. Non, si le ciel se colore d’orange aux crépuscules, le soleil ne rend pas orange les objets naturels. Mais de cela non plus nous n’avons cure ; i.e., que cela soit réaliste, ou pas. Le réel prend tout, dans la peinture, et Debré fait tout prendre à la peinture. Ces deux phrases signifient-elles ? Debré s’enivre du paysage, de la même manière que Tiepolo voulait faire rentrer tout entier le ciel dans sa toile, Debré fait entrer tout le paysage, sans oublier les rythmes (oui, que nous voyons), et les détails, les coulures, des empâtements. Tournons-nous vers une autre toile, ci-dessous.  Un paysage enneigé. Ce n’est pas un monochrome, mais cela y fait penser. Souvent, dans l’Histoire de 

blanche d’hiver slethallen 1, 1988, huile sur toile, Fonds Debré

la peinture, quand les peintres s’attachaient à une description picturale de la neige, ils laissaient des éléments apparents, reconnaissables. Ici, seule une marque noire avec un peu de rouge (un oiseau?), et quelques traînées sombres, désengagent l’idée du monochrome. À y regarder de plus près (voir le Détail), on voit aussi des touches bleues, et marrons. Ainsi que des empâtements. La série des “blanches d’hiver” est très étonnante. Parce que Debré fait se toucher des frontières qu’on ne soupçonnerait pas, entre reproduction du réel et transcription picturale, les deux impliquant un processus conjonctif qui est le peintre lui-même, son ressenti, et sa pensée. Debré tenait  Détail “blanche d’hiver slethallen 1”

absolument à intégrer ses émotions dans la peinture: « la nature est la nature, et la peinture est un langage […] Ce qui m’intéresse, c’est que la part de moi qui peint soit une part d’un individu sensible et ému, que la chose, en quelque sorte, passe à travers moi et que je la domine intellectuellement, que je guide son développement, mais qu’elle marche seule. C’est ainsi que je deviens un élément de la nature […] je ne m’intéresse à la peinture que comme quelque chose qui participe du monde, qui participe de la pensée » (cité par Mozziconacci, In Olivier DebréRétrospective). ). On fait souvent de Debré un peintre de la sensation ; on a l’image d’un peintre sur le vif, toujours face au paysage, restituant l’émotion, la sensation ; d’où la mention, par Julien-Laferrière, de Monet, et profitant de ceci pour lui préférer une association avec Pollock. La grande différence entre Monet et Debré, c’est que ce dernier est aussi un peintre abstrait, ce que l’on ne saurait dire de Monet. Debré n’est pas qu’un peintre abstrait, car, semble-t-il, il goûtait fort peu la peinture conceptuelle (l’abstraction géométrique). Il est donc aussi un peintre de figures humaines, de paysages. Alors quoi ? On voit bien qu’il y a quelque chose de différent ici. Debré a réussi une fusion, assez unique, entre ce qu’il voit, ce qu’il ressent, et, lisons bien ; ce qu’il pense. C’est un singulier mixte que Debré aura obtenu, traversé par des lignes de tensions, des vecteurs ; des vecteurs qui se matérialisent sous la forme même du tracé, de cette façon de recouvrir 

toute blanche de sletthallen 5 pâques, 1988

le paysage de matière. Du blanc, nous pouvons passer au bleu foncé. Extraordinaire ciel, comme un bas-relief, tandis que la matière terrestre affirme encore un peu sa chromie. La matière, elle est bien présente, mais sans ostentation, comme elle l’est parfois chez un Anselm Kiefer. C’est cela qui est aussi étonnant chez Debré, ces faux à-plats perturbés par des coups de brosse, et ici (ci-dessous) comme bombardés de coups. Ensuite, cette lande de terre tirée de plusieurs traits que l’on sent vifs. 

 lærdal bleu foncé lysne le soir, 1974

Avec Debré, nous avons une grande leçon d’interprétation. À partir du réel. Le réel étant ce qui nous entoure, la terre, l’eau, le ciel. La peinture de Debré est une interprétation du réel, pas de la réalité, c’est-à-dire la mondanité. L’homme n’est pas absent de la peinture, puisque Debré s’affirme en tant que sujet, en tant que ressentant et pensant. Mais c’est pour laisser passer aussi le médium, la peinture, le troisième sujet de l’approche débrienne. Debré dit que la peinture seule ne l’intéresse pas ; entendez, comme pouvaient  s’y intéresser les peintres conceptuels américains tels que Frank Stella (‘what you see is what you see’). Avec Debré, nous obtenons la fusion des trois éléments: le réel, l’interprétation, et la peinture. Et certainement que ces trois éléments sont les plus difficiles à faire jouer ensemble de manière harmonique. Pour la plupart des tableaux que nous pouvons voir au CCCOD, la peinture sonne. Sous la dynastie Tang, quand une peinture était bonne, réussie, on parlait de “peinture sonore”. Durant cette période, on a donc associé la poésie — le langage à son plus haut dans l’expression —, avec la peinture,  Cet aparté n’en est pas un. Dès les années 40, Debré veut faire parler la peinture, parce que pour lui, la peinture est un langage, elle doit “dire” quelque chose. C’est ce qu’il va appeler le “signe”. Debré confie avoir éprouvé une sorte de déclic en regardant les tableaux de Picasso: « J’étais souvent allé voir Picasso et mon signe est né du désir d’extraire des formes de Picasso une certaine structure en dehors de l’expressionnisme et de la représentation. Il aboutissait, dans ses tableaux, à une certaine structure de droites et de courbes dont je voulais retirer l’image. Je pensais, en effet, que l’on exprime quelque chose avec un certain langage, mais que de ce langage on peut tirer, en en extrayant la substance, une autre forme de pensée » (cité par P. Dagen, In Olivier DebréRétrospective). Mozziconacci  nous indique que ces tableaux, à travers lesquels, littéralement, Debré voit sa nouvelle proposition apparaître, sont les natures mortes et les portraits de Dora Maar, entre les années 30-40. À partir de 1948, les titres incluent le mot « signe » (“Signe musicien, Signe pêcheur”). Puis, en 1953, c’est “Signe-personnage ocre et beige”. En 1950-56, c’est “Bleu, Le signe de l’Homme, trace verte”. 1956 est aussi la date d’un premier tableau titré “Loire, Montlouis”. Ainsi que le suggèrent Dagen et Boudou (In Olivier DebréRétrospective), si le “signe” désigne, au départ, la trace de l’humain qui demeure après la catastrophe génocidaire, ce signe prend peu à peu de la chair, et il se dissout, finalement, dans le paysage. Mais, puisque ce signe, pour Debré, semble signifier tant l’humain que le langage, alors on peut supposer que ces tableaux sont l’expression d’une nouvelle langue ; et donc quand Debré fait revenir le paysage dans la toile, il fait revenir le langage qui l’exprime ; à sa manière, bien évidemment. Il ne saurait être question de dire qu’il aurait trouvé la langue de la Nature. 

faille jaune vif fond bleu vert  lærdal, 1990

 

Références: Olivier Debré. Rétrospective, 1943-1993, co-édition Musée de Montbéliard, Musée de Valence, Musée Fesch, Ajaccio, Théâtre de Saint-Quentin en Yvelines // Quan zhongshu, Cinq essais de poétique, Bourgois, 1987

Note: Le lecteur, tout comme votre serviteur, s’est demandé ce que signifiait ce mot: lærdal. Lærdal est une commune de la Norvège, située au sud-est du pays 

 

 

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