Au Centre d’Art Contemporain « Les Tanneries », avec Eric Degoutte

Éric Degoutte, ancien directeur du centre d’art contemporain “Les Églises”, à Chelles (77, Seine-et-Marne), est le directeur du Centre d’Art Contemporain « Les Tanneries », situé sur la commune d’Amilly, dans le loiret, dans la conurbation de la ville de Montargis. Le 12 octobre 2012, il m’a très aimablement accordé de son temps pour une visite guidée de la « Galerie Haute », et du Parc. Nous trouverons dans cet article une visite guidée de l’exposition « Histoire des Formes « , de l’exposition « Presqu’île#1 », ainsi qu’un bon aperçu de la politique artistique et de la programmatique du Centre. 


ENTRETIEN 1

Degoutte: Pour parler d’abord du site, les Tanneries c’est d’abord un ensemble de bâtiments et c’est d’abord un parc. Chacun de ces espaces va permettre le développement du projet du Centre d’Art qui tourne autour de la présence de l’artiste, de son geste. Il y a six œuvres qui sont installées, à l’extérieur. Des travaux de Philippe Ramette, d’Elisabeth Ballet, d’Antoine Dorotte, de Nicolas Sanhes, de Jennifer Caubet […] À Amilly, pendant des années, le Maire, la municipalité, ont favorisé la présence de gestes artistiques, dans ces murs. Dans les espaces publics, à travers les commandes publiques, à travers les appels à projet pour l’architecture, etc.1 […] Et du coup le public amillois est sensibilisé, dans une sorte de rapport au quotidien, à une présence d’artistes. Et c’est ce quotidien que l’on va prolonger ici, sous d’autres formes, bien évidemment, en jouant “la carte du temps”, des temporalités différentes, qui sont liées à la création… des temps d’exposition, des temps de résidence, de production, des résidences d’auteur, des temps de rencontres publiques, des échanges, des discussions, des performances, des spectacles… Toutes ces temporalités servant finalement à aborder la question « mais qu’est-ce que le contemporain d’aujourd’hui ? » Sous quelle forme on le perçoit ? Quelle est sa temporalité ? Ce n’est pas seulement l’émergent, comme tente à demontrer l’exposition “Histoire des Formes”, inaugurale… Le contemporain ce n’est pas que l’artiste émergent, c’est aussi le temps d’une œuvre d’aujourd’hui ; et une œuvre d’aujourd’hui elle peut s’entendre sur dix ans, sur quinze ans, sur trente ans. Pour les artistes les plus âgés, comme Vera Molnar, jusqu’à peu François Morellet ; c’est trente ans ou quarante ans de pratique, et pourtant c’est une pratique contemporaine. Donc cette temporalité est intéressante parce que justement elle repositionne l’artiste contemporain dans un rapport à l’Histoire, mais pas une Histoire qui ferme, qui clôt, mais une histoire qui est en train de se structurer, qui est en train de s’écrire ; et nous, on est un Centre d’Art, on n’est pas un musée, pour faire collection d’oeuvres, on est là pour faire collection des gestes, collection des présences, collection
Mychkine : de l’art vivant quoi !
D : Voilà, de l’art vivant
M : C’est bien !
D : On un rapport dynamique, qui bouge,
M : Oui c’est intéressant, ça va palpiter quoi !
D : Et puis ça nous permet du coup de décliner une singularité dans l’approche aussi dans l’accompagnement des publics. […] Mais on va avancer le temps de la découverte, c’est-à-dire que le public pourra découvrir les œuvres avant qu’elles ne soient produites, dans le temps du projet de l’artiste, le temps de sa réalisation, de sa mise en œuvre, sa mise en forme,
M : On pourra assister à la fabrication, au processus de création…
D : Il y aura des temps de rencontre. Évidemment on ne va pas obliger l’artiste à avoir tous les jours autour de lui une quinzaine de personnes ; mais, ponctuellement, en tout cas, tout un projet peut être suivi entre le moment où il s’annonce, c’est-à-dire quand l’artiste arrive, porteur d’un projet, d’une initiative, et puis au fil de son déroulement et jusqu’à son achèvement, sa restitution ici sous forme d’exposition, il peut y avoir des évolutions, des modulations, et c’est bien que le public puisse percevoir ça, parce que souvent on ramène l’art à des objets clos, facilement monnayables, mais ce n’est qu’un aspect de la question. Bien évidemment c’est ça. L’oeuvre doit être terminée, l’oeuvre s’affirme dans son authenticité, à partir du moment où l’artiste le détermine ; mais c’est aussi une expérience, plastique, artistique, que partage, d’une manière conjointe, l’artiste et le regardeur.
M : Bien sûr…
D : Donc là ça va nous permettre d’avancer sur ces principes là.
M : Très bien ! C’est enthousiasmant tout ça !
D : Oui c’est passionnant… c’est aussi une manière d’humaniser les choses, parce que, malheureusement, les artistes ne sont pas toujours disponibles, les publics ont des temps souvent courts… pour revenir voir une exposition… un spectacle ou autre chose. Un lieu comme celui-ci permet de penser sa venue d’une manière un peu différente. On se plaît à imaginer que le public qui vient ici vient y passer un moment, pas simplement voir l’exposition qui est à l’affiche, mais aussi avoir la possibilité de rencontrer un artiste, de voir le parc ; éventuellement se poser là pour pique-niquer, prendre un peu de temps, s’extraire d’une réalité du quotidien qui est parfois un peu prenante… Et donc ça ça créé une disponibilité d’esprit, qui est super appréciable.
M : Absolument !
[Nous montons maintenant l’escalier qui mène au premier étage et dans la grande galerie d’entrée, jouxtant les salles d’exposition, et dont le toit est une immense verrière.] — C’est un très beau lieu hein ?
D : Remarquable… qui est là fois impressionnant et motivant pour les artistes. À l’image de cette grande verrière
[à 04:58, Eric Degoutte nous décrit la verrière et ce qu’on y trouve — une sculpture d’Elisabeth Barillet et une, au fond, d’Olivier Vadrot— et ce que l’on ne pourra pas y voir…] [à 06 :06 E. Degoutte nous révèle qu’au printemps, l’exposition qui va succéder à celle actuelle, Histoire des Formes, portera sur le rapport aux astres, à la voûte céleste, et dont le commissariat sera confié à Léa Bismuth, et dont le titre est L’Éternité par les Astres (en référence au livre d’Auguste Blanqui)]
D [07:09] : Donc là… cette architecture, elle est à la fois très invitante, et en même temps contraignante, et ça créé, je crois, les conditions d’un vrai dialogue, parce que les artistes ne peuvent pas… c’est pas un cube blanc quoi ! Il n’y a pas une neutralité du lieu. Il y a sa forme, ses matières, ses couleurs, il y a sa présence, ses volumes, dans un rapport de mesure et de démesure, parce que le bâtiment est gigantesque : 1000 mètres carrés. C’est très haut, mais c’est très séquencé, par les piliers bétons, par les poutres béton, donc c’est à la fois grand et pas grand… enfin bref, c’est quelque chose qui est complexe, et qui garantit que de toutes façons, les artistes qui vont venir ici s’y inscrire, seront dans une nécessité de dialogue, de discussion…
M : [08:38, nous nous nous dirigeons vers la Galerie Haute] : Donc là on rentre dans la salle que vous avez…
M : C’est la Galerie Haute, en fait. Il y a plusieurs espaces d’exposition aux Tanneries. Il y a le parc, et il y a la partie basse du bâtiment, ce qu’on appelle la Grande Halle, qui est un lieu singulier, parce que ce n’est pas un lieu domestiqué, c’est un endroit très haut de plafond (7 mètres de haut) ; c’est 1500 m2 , c’est très ouvert sur l’extérieur, avec ses grandes portes de bois, qui permettent d’avoir un accès immédiat — un camion peut y entrer sans problème. Ça appelle à des productions de grandes dimensions ; mais c’est un lieu qui va avoir un fonctionnement saisonnier, c’est-à-dire que sur la période qui va du printemps à l’automne, ce sera un lieu d’exposition ; et puis sur la période froide, on va prioriser l’usage du lieu vers un grand atelier, c’est-à-dire que des artistes viendront travailler, de l’automne au printemps, produire des pièces… [À l’inverse] La Galerie Haute a une continuité, une permanence, de mise en situation de lieu d’exposition, parce qu’elle permet d’avoir toutes les obligations liées à la conservation préventive des œuvres, ce qui nous permet d’être un lieu susceptible de recevoir des œuvres de collections publiques, de collections privées. C’est le cas pour l’exposition Histoire des Formes, on a quatre ou cinq collections publiques, les Fracs nous ont prêté des œuvres, mais aussi des fondations ; la Fondation Anton Bergmann, avec des œuvres d’Anna Eva Bergmann, qui sont des œuvres de très grande qualité, de grande valeur. […] [11:27] Cette Galerie Haute, c’est quand même 500m2 […] Alors le principe de l’exposition Histoire des Formes, répond à celui d’une exposition inaugurale, qui doit donner à voir et à percevoir, ce qui fera finalement l’identité future et affirmée des Tanneries, au fil de chacune de ses expositions et de ses saisons. Donc, cette exposition, elle couvre un temps historique, large, puisque les œuvres les plus anciennes, ça peut être une petite gouache de Vera Molnar qui date de 51, les œuvres d’Anna Eva Bergmann datent des années cinquante… Donc on va des années cinquante jusqu’à aujourd’hui, c’est-à-dire soixante ans, trois générations, et c’est encore ce qui relève d’un temps du contemporain. Trois génération, ce sont des temps habités. Au-delà de ça, au-delà de soixante ans, il y a une sorte d’éloignement qui se fait de ce rapport vivant au temps, et on est peut-être cette fois-ci de ce qui est de l’ordre de l’Histoire, et donc d’une culture qui s’envisage sous une autre forme. Donc soixante ans, c’est encore un temps qui est habité par des problématiques partagées, qui peuvent être reprises et continuées d’artistes en artistes, et c’est l’enjeu de L’Histoire des Formes, une exposition qui a choisi de se positionner sur un périmètre qui pourrait paraître étroit de l’abstraction, et pourtant, partant de ce resserrement du champ de l’art, à travers un resserrement même poussé sur la figure du carré, qui vient structurer l’ensemble de l’exposition, on se rend compte que… vingt, trente artistes peuvent y venir y revenir et à chaque fois, mettre en jeu, l’enjeu du rapport à l’oeuvre, révéler l’oeil, révéler la forme, la couleur, la matière, et donc une richesse possible qui est toujours présente. C’est aussi un signal fort que se donne à travers l’exposition Les Tanneries ; c’est d’être un espace de révélation, du travail plastique, des formes, des enjeux, des matériaux, des moyens qui sont véhiculés par les artistes, selon leurs projets. Donc il y a dans l’exposition une vingtaine d’artistes. Presque 100 œuvres sont exposées, il y a une densité, qui est aussi tout à fait voulue. Une sorte de menu copieux, comme ça, qui permet de glisser d’une œuvre à une autre. La scénographie pose le principe d’un parcours libre, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de début d’exposition ni de fin d’exposition, il n’y a pas un discours autoritaire par rapport à ça. On a travaillé, j’ai travaillé, en tant que commissaire et scénographe sur… ce qui est de l’ordre de l’aperçu, du renvoi des formes en formes, de matière à matière, de texture à texture, et qui fait que l’on va glisser … d’une artiste comme Anna Eva Bergmann à une jeune artiste qui s’appelle Claire Chesnier, par exemple. Ce sont des toiles qui se trouvent de part et d’autre. On a des similitudes de formes qui pourtant nous amènent sur des problématiques différenciées, mais où l’enjeu du travail de la forme, de son émergence sur le support, sont partagées, sont réactivées d’une manière singulière pour chacune d’elle, mais avec tout autant des qualités d’engagement… une certaine beauté, il faut utiliser peut-être le terme aussi, c’est-à-dire que les œuvres qui sont présentées sont des œuvres de grande qualité, et où on prend plaisir à regarder […] Là tous les éléments ont un rôle important, et une charge qui leur est propre, qui peut permettre au visiteur, de prendre plaisir je crois à parcourir l’exposition.
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Claire Chesnier, CCCIII, 2015, 153 x 132,5 cm, encre sur papier. Courtesy the artist & Galerie du jour agnès b. – Crédits photo. Rébecca Fanuele.
 
D : D’accord. Donc il y a un parti-pris qui est quand même lié à l’abstraction
M : Oui
D : et puis une certaine forme, on va dire, d’aplat dans la peinture, non ?
M : Exactement ! Il y a ce rapport à la forme et à la surface, aussi, qui est important, et puis il y a un jeu, un dialogue avec les espaces. Alors, sur la surface, Les Tanneries c’est, historiquement parlant, un lieu de préparation d’une surface particulière, c’était la peau
D : Oui
M : Et, cette première saison, à travers L’Histoire des Formes, et puis la prochaine, qui s’annonce en septembre 2017, et qui aura pour titre Formes d’Histoires, un contrepoint à cette exposition, va investir d’une certaine manière, et de manière différente, ce rapport à la surface, à la pellicule, à la peau, sur laquelle ces artistes ont travaillé. Que ce soient des toiles, que ce soit du papier, que ce soient des ‘wall-paper’, que ce soient d’autres supports, on est sur une prédominance de l’oeuvre bi-dimensionnelle dans l’exposition ; il y a peu de sculptures, sinon pas, quelques points de références, comme la maquette qui est ici sur l’installation qu’on a vue dans la verrière

1-elisabeth-ballet-creditalaincanonElisabeth Ballet, Smoking and brillantine. Crédit photo : Alain Canon

mais l’enjeu est bien celui de, voilà, de ce rapport à la surface, qui a fait Histoire… dans l’enjeu de la représentation, de l’émergence, de la capture, dans la présence du geste artistique. Si Les Tanneries ont cette volonté, à terme, d’être, en elles-mêmes, dans le bâtiment en tant qu’espace, l’espace et en droit de révélation de lisibilité du geste ; l’exposition inaugurale recentre un peu le regard sur l’objet qui le porte — ce geste — et c’est en l’occurrence plutôt en effet des œuvres bi-dimensionnelles, donc des toiles tendues sur châssis, des papiers marouflés… Et donc, sur cette base qui est, assez classique ; l’idée c’est de montrer donc, sur soixante ans, des artistes qui s’y sont confrontés, dans cette économie de moyens. … Il y a une figure un peu tutélaire dans l’exposition, qui est Véra Molnar, qui est cette artiste contemporaine, âgée, elle doit avoir 92 ou 93 ans, et qui continue de produire: on présente une série d’oeuvres, réalisées par impression numérique, qu’elle a produite l’an dernier… Donc on est bien dans l’actualité d’un geste qui se maintient et qui se poursuit… Cette artiste travaille avec peu de moyens : papier, couleurs, quelques formes identifiées, qu’elle travaille, qu’elle compose, depuis des années, et dans l’exposition, il y a ces deux éléments, qui sont un peu un clin d’oeil à cette histoire là, ce sont des prêts du Frac-Bretagne, donc deux œuvres qui s’appellent À la recherche de Paul Klee. […] Il ne s’agit pas ici de faire exposition historique, au sens scientifique du terme, mais bien de proposer des récits possibles, des parcours possibles, vers ce qui est un rapport à l’abstraction, au fil des soixante dernières années — forcément partielle parce qu’elle prétend pas être exhaustive. Et donc dans ces œuvres de Vera Molnar, il y a ce clin d’oeil à la présence de Paul Klee comme dans l’exposition il y a d’autres clin d’oeil qui se manifestent. Et Klee parlait, en qualifiant sa pratique et des outils qui étaient le siens, qui étaient assez resserrés, papier, et quelques éléments de couleur ; il parlait du « petit orchestre ». Et on est bien dans cette réalité là : Les moyens mis en œuvre par l’ensemble des artistes sont des moyens simples : papier/couleur, toile/couleur. […] Ici on a les œuvres de Vera Molnar, qui datent de 2013, et qui sont des impressions numériques ; Vera Molnar étant une artiste qui dès les années 80, délègue son geste à l’ordinateur, et va se lancer dans un principe d’impression numérique.

02_4s04451_a-la-recherhce-de-paul-klee_inv-031034_%e2%88%8fhbeurelVera Molnar, A la recherche de Paul Klee, 1970. Collection Frac Bretagne © ADAGP, Paris. Crédit photo : Hervé Beurel

 

L’étape préalable à ce travail là a été réalisé sur de toutes petites aquarelles. [à 21:33 E. Degoutte dit que ces tableaux numériques de Molnar constituent un second clin d’oeil mais là dirigé vers Monet, et plus précisément Les Meules. D’après Degoutte, Les Meules constitue l’acte fondateur de l’ouverture de la peinture vers la possibilité même de l’abstraction future… Au dire de Degoutte, sans Les Meules (et à à 22:14) : « pas de monochrome ni de dimension autotélique2 de l’oeuvre que les artistes des années 50, 60, 70 ont affirmé d’une manière ou d’une autre »]

On reprend à 22:22 : Degoutte : Donc, les œuvres qui sont ici sont dans ce rapport d’héritage. Donc à côté nous avons une grande toile d’Anna Eva Bergmann, qui a été réalisé dans les années 60, qui s’appelle le Tombeau de Théodoric, qui en soit est un travail pictural très différent, parce que, pour le coup là, on est bien dans la présence du corps peignant, on voit les traces de pinceau, on voit la matière, le travail du couteau, on voit l’émergence d’une forme aussi, relativement abstraite, si ce n’est qu’elle est rattachée à un titre, assez précis, et, ce faisant, Anna Eva Bergmann montre aussi sa nécessité d’un lien résiduel avec une forme de réalité… Et toutes ces toiles parlent de montagnes, de contours de montagnes [pas de transcript entre 23:17 et 24:41]

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Anna-Eva Bergman, N°18-1976 Montagne rouge, 1976. Acrylique et feuille de métal sur toile, 180 x 180 cm. Courtesy Fondation Hartung/Bergman, Antibes et Galerie Jérôme Poggi, Paris. Photo © Aurélien Mole

D : … Ensuite, d’autres œuvres sont présentées dans l’exposition, notamment ce bel ensemble de cinq éléments de Donald Judd, qui relèvent de sa pratique en lien avec la forme, le minimalisme, mais plus en lien aussi dans une articulation au design, à l’objet, qui est posé comme ça comme déclinaison d’un principe, d’une pensée, qui se développe dans l’espace, et qui prend forme, de différentes manières, à travers ces cinq séries de chaises. Alors c’est aussi une dimension dans le travail de Judd, particulier parce que souvent on le ramène à cet enjeu autour des ‘specific objects’, qui en fait son identité, qui l’ont affirmé… Là c’est un contre-pied, un peu, qui s’annonce, et c’est aussi quelque chose qui permet de dialoguer avec l’oeuvre sous la verrière, qui est cette forme circulaire, en bois, d’Olivier Vadrot, et qui fait référence à Vitruve, qui a été un des premiers à s’intéresser à cette question des formes. L’exposition est un peu conçue comme ça : elle est riche, elle est dense, et en même temps elle permet au visiteur de passer d’une œuvre à une autre… C’est ce que je souhaitais aussi, une exposition riche en couleur, riche dans un rapport au pictural [Degoutte désigne alors les œuvres de deux jeunes artistes allemandes : Lena Amuat et Zoë Mayer] : Ces artistes font un travail de documentation, d’indexation, de formes, qu’elles prennent en photos, qu’elles retravaillent, qui sont soit liées à des formes qu’elles découvrent dans leur quotidien, mais il y a aussi des collections, des vraies collections scientifiques ; et elles se sont constituées un corpus qui vient évoluer, se compléter des propres images qu’elles génèrent elles-mêmes, et, quand elles sont en situation d’exposition, elles proposent ce qui pourrait être un début ou un principe d’une collection, dont on viendrait découvrir en fait la physionomie. […] Et c’est aussi ça l’exposition Histoire des Formes, c’est cette capacité, finalement, à chacun, de se construire, dans un rapport vivant, ce qui fait collection, dans son parcours, et c’est un peu une mise en abyme du principe de l’exposition…
M : [Désignant les œuvres de Amuat et Meyer] : Donc là ça s’inscrit un peu comme une espèce d’aparté, un aparté, par rapport à l’ensemble.
D : Oui oui, elles viennent se positionner d’une manière un peu particulière, elles permettent de faire des liens sur des formes… les Aubertin qui se trouvent derrière, les Donald Judd… un rapport au minimalisme aussi avec Salvatore Emblema, Nicolas Chardon

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Salvatore Emblema, Senza Titolo, 1978, terre colorée sur toile de jute détissée, 80 x 60 cm, pièce unique. Courtesy Galerie Bugada & Cargnel, Paris. Photo : Martin Argyroglo.

 

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Nicolas Chardon, (NC004-B), Sans titre, 50 x 50 cm, 2000, Courtesy Nicolas Chardon et Galerie Jean Brolly, ADAGP 2016.

donc elles participent bien d’une seule et même dynamique, mais en même temps elles introduisent la notion de “collection”. C’est-à-dire que sur cette installation il y a six éléments, rajoutés les uns aux autres, donc c’est bien une sélection [pas de transcript entre 28:53 et 29:47] Un visiteur qui vient et qui découvre l’espace peut se faire son parcours et se remémorer son parcours simplement par les attraits de l’oeil… et les premiers retours montrent que c’est fonctionnel. Les publics prennent plaisir à aller de l’un à l’autre parce que, justement, dans cette scénographie, qui est ouverte, où il y a toujours une perspective, c’est-à-dire à quelque endroit qu’on soit dans l’exposition, on peut toujours voir, auprès et au loin, et donc du coup ça incite au déplacement ; et finalement, il n’y a pas de parcours subi, mais il y a vraiment un parcours qui est uniquement… motivé, par la curiosité du regard, et ça aussi, pour une exposition inaugurale, pour un lieu comme ça, c’est fondamental, parce que c’est quelque chose qu’on va essayer de travailler au quotidien : conserver cette capacité d’émerveillement, de découverte, de curiosité…
M : Vous parlez de « pédagogie », mais encore une fois justement, le visiteur qui ne connaît pas grand-chose à l’art contemporain, mais qui est un petit peu curieux, qui vient là, donc il arpente ce lieu, qui est très beau… comment il accède à cette pédagogie ? Et c’est là qu’on peut penser au titre ; Histoire des Formes, est-ce que, vous n’envisagez pas, comme ça, une Histoire des formes immanente ? Une espèce d’immanence de l’Histoire ?3
D : Il y a un peu de ça, il y a cette dimension là. Mais là aussi, plus concrètement et plus pragmatiquement, il a y beaucoup d’éléments qui sont mis à la disposition du public. Il y a des documents, il y a les cartels, il y a une affiche-programme, il y a le site Internet… Chaque outil donne une information sur l’exposition (aucun n’est redondant). … Et puis, une des volontés du Centre d’Art, c’est d’être systématiquement dans l’accompagnement vivant du public. Et donc tout public qui vient ici, peut rencontrer quelqu’un, qui peut l’amener à découvrir, un peu plus en amont, l’Histoire… de l’exposition, l’Histoire des Formes, son enjeu, son intitulé… Mais vous avez raison, le rapport immanent, est aussi une dimension particulière. Certains visiteurs ne veulent pas être accompagnés, veulent rester dans une relative liberté, de déplacement, et de regard, qu’il soit public initié ou non-initié, c’est une relation très personnelle.
M : Vous avez tout à l’heure signifié que vous ne vouliez pas qu’il y ait un parcours fléché, on va dire, comme un espèce de chronologie, comme ça de… on irait de telle époque à telle époque, ou de telle période à telle période, ce qui, encore une fois, revient peut-être à cette idée que j’ai là, donc d’Histoire Immanente, ce qui fait qu’en fait c’est aussi un peu l’art contemporain tel qu’il est : Elle est contemporaine l’oeuvre, même si elle a trente ans, quarante ans…
D : Oui c’est ça ! Il y a mille manières d’aborder la notion du contemporain, et il y a mille chemin pour y parvenir. Donc cette exposition inaugurale, elle a aussi cette valeur là, c’est-à-dire montrer cette diversité des parcours possibles, de liberté aussi dans l’approche et dans l’appréciation de l’art contemporain. Cette exposition n’a pas prétention à montrer les meilleures œuvres abstraites qui existent, c’est… c’est ridicule, c’est inutile, ça ne sert à rien
M : Après… c’est subjectif [rires]
D : Et puis il y a cette dimension subjective, où chacun regardant une vérité en peinture — on peut peut-être renvoyer à des textes de Derrida, même si c’est un peu compliqué… Ça n’existe pas. Il y a des positionnements, des manières de percevoir les choses, et c’est là que le parcours libre est peut-être le meilleur support pour une libre-pensée.
M : Effectivement, on n’est pas guidé, on n’est pas contraint par un parcours
D : Non. La seule chose qui peut contraindre, entre guillemets, c’est l’envie d’aller d’un point à un autre… […] Par exemple, si je m’approche de ce travail de d’Aubertin : “4264 points”, qui est un geste comme ça méthodique, de peinture sur surface de papier … ce grésillement qui apparaît à la surface, j’ai cette accroche du fond de toile de Chardon qui est un peu plus loin… Voilà il y a un glissement qui peut s’opérer ; de la même manière que lorsque je suis ici, je découvre ces formes un peu particulières de Janos Ber, et elles m’appellent aussi du regard, d’une certaine manière, vers ces autres formes, qui sont celles de Claire Chesnier, ou de Salvatore Emblema qu’on aperçoit en fond de salle. Et ce sont ces principes qui font que le regardeur, je pense, et les premiers retours montrent que c’est plutôt une réalité, prend plaisir à parcourir les choses […]
D : Oui, il faut qu’il y ait un travail en tout cas, c’est peut-être pas un art, mais en tout cas un travail de scénographe
M : Entre guillemets !
D : un travail de scénographe
M : Il faut une certaine capacité justement à faire rebondir les choses entre elles
D : Exactement !
M : Ça créé une fluidité, une dynamique
D : Et cette question elle est importante parce que […] dans la programmation, dans les formes d’oeuvres qui seront présentées ici, les artistes auront aussi à se coltiner cette question de la scénographie, et à l’intégrer dans la pratique même de leur geste. C’est-à-dire que, si un artiste intervient seul dans cet espace là, et on le voit pour la prochaine exposition (Formes d’Histoires) il va falloir construire, rythmer l’espace d’une manière différente, et donc travailler la question du parcours, de l’atmosphère…

Extrait de l’ENTRETIEN 2 (qui commence par aborder le caractère mathématique des œuvres de Molnar et Morellet, et qui donne des indices sur la prochaine exposition qui prendre place dans la Galerie Haute : “Formes d’Histoires”.) 

À partir de 04:35, je pose la question suivante :  
M : Donc, il y a combien d’oeuvres à peu près là ?
D : Il doit y avoir 88 œuvres, qui sont présentées dans l’exposition.
M : Donc c’est vous qui êtes commissaire, donc c’est vous qui les avez toutes choisies… Et combien de temps on met à choisir ?
D : […] Là c’est un travail de six-huit mois.
M : Ah oui !
D : […] La sélection initiale était plus resserrée ; elle s’est développée avec le temps […] Installer quatre-vingt dix œuvres dans un lieu comme ça, c’est aussi un gros travail de régie, c’est un gros travail de transport, de préparation… [à 05:59, Eric Degoutte nous préfigure la prochaine exposition].

 Suite de l’entretien, nous allons voir les sculptures dans le parc:

M : C’est très beau ce cours d’eau
D : C’est le Loing en fait
M : Le ?
D : Le Loing. La rivière le Loing, donc le site est embrassé par deux bras du Loing, qui ont deux physionomies très différentes. […] Première installation qu’on aperçoit, c’est un travail qui a été réalisé en 2010, par Pierre Tual, et qui a été acheté par la ville. Ce sont des tôles pliées, d’acier Korten, et c’est une œuvre qui s’appelle “Renouée du Japon”, ce sont les plantes envahissantes […] Mais ces renouées du Japon ont une particularité, c’est que, quand l’automne arrive, elles deviennent de cette couleur acier Korten et plient comme ça, se replient d’une certaine manière. Et donc le travail de Pierre Tual ça a été de les repérer, de les identifier, de travailler avec cette matière première, et il en a généré ces pliages de tôles, qui ont été achetées par la ville. […] Alors ensuite le parc, il y a six œuvres, qui ont été installées. Donc la première que l’on voit ici c’est une œuvre de Philippe Ramette, de 2011, qui s’appelle le Funambule […] qui avait été réalisée pour le Centre Régional d’Art Contemporain de Sète, le CRAC, et elle était présentée à l’intérieur du bâtiment. C’est trente mètres de développé, d’une sorte de parcours, comme ça, elliptique de ce qui pourrait être un fil pour un funambule qui aurait un peu abusé… et qui serait un peu… enivré, on va dire. C’est drôle, c’est décalé, et alors ça discute, ça joue avec les arbres avec le parc. […] C’est aussi une manière de lever les yeux et d’apprécier ce qui se passe tout autour.
M : C’est assez ludique
D : C’est ludique. Et là aussi la notion de plaisir pour moi elle est fondamentale, pour une première installation dans le parc. J’aurais pu faire le choix d’une approche monolitique, d’oeuvres qui auraient été abstraites, par exemple…
M : Vous êtes aussi commissaire du parc
D : Oui oui, tout à fait ! Et j’ai voulu jouer plutôt de la complémentarité, avec le lieu, avec les espaces.
M : Le titre [de l’exposition dans le parc] c’est “Presqu’île” [en fait “Presqu’île #1]
D : “Presqu’île”, oui. Alors « presqu’île » parce que c’est justement cette forme de terrain qui est en pointe, entouré de ses deux bras, deux bras d’eau, qui sont tout autour ; et qui font que dans le langage usuel, ici, on appelle ça la « presqu’île ». […] Et donc le dispositif, le titre en fait, c’est Presqu’île hashtag 1, mais il y aura évidemment une Presqu’île hastag 2, hashtag 3, […] parce que ce parc porte sur le principe de dépôt d’oeuvre, sur une année, deux ans ou trois ans, et donc dès l’an prochain peut-être l’une de ces œuvres partira pour être remplacée par une autre. […] Alors ici on aperçoit deux œuvres ; la première, celle-ci, le bloc, le cube de verre et d’acier galvanisé, a été une œuvre réalisée par Jennifer Caubet. C’est la première œuvre réalisée en résidence artistique ici aux Tanneries cet été dernier. […] Alors c’est une œuvre sur laquelle on peut rentrer, on peut s’allonger, éventuellement… Il y a des jeux de transparence, il y a des jeux de reflets ; c’est une œuvre qui discute avec les éléments formels de l’architecture […] C’est un peu à l’image de ces « folies » [édifices à l’architecture souvent fantaisiste, parsemant les jardins et les parcs occidentaux depuis le XVIIIe siècle.] qu’on voyait dans les parcs. Ces espèces de petits châpiteaux, de petits éléments dans le XIXe siècle qui se construisaient dans le parc. On a une relecture contemporaine qui est plutôt intéressante. Et donc face à cet espace habitable, on a une autre œuvre d’Elisabeth Ballet, qui s’appelle “Lazy Days”. C’est un néon, en fait, […] est porté par une structure qui le monte à six mètres de haut, pris dans la canopée des arbres, et cet objet qui est plutôt discret la journée, s’éclaire et s’allume tous les soirs, à la tombée de la nuit, pendant deux heures. […] On va aller au bout de la Presqu’île, et on va découvrir qui a été réalisée elle depuis plus d’un an — c’était en 2015 en fait —, par Nathalie Brevet et Hughes Rochette, qui a été la première matérialisation en fait du nouveau projet les Tanneries sur le site. Donc c’est une œuvre qui s’appelle De Loing en loin […] Et donc ils ont souhaité prolonger en fait la pointe de cette presqu’île, qui va en descendant progressivement au niveau de l’eau, en maintenant un niveau altimétrique, surélevé, sur un système de grille d’acier galvanisé sur lequel on vient se promener. Ce faisant, on rentre, pour le coup, quasiment dans le paysage, et on vient affleurer les deux bras du Loing, qui se prolonge au loin… Et donc là on a une découverte, en terme d’atmosphère, de couleurs, de sons de bruits,
M : Oui, c’est intéressant ! 
 
Ci-dessous un aperçu vidéo de la courte promenade sur l’installation de Brevet et Rochette. Ce qui est intéressant, c’est le survol de cette parcelle de paysage, et le bruit de l’eau de plus en plus prégnant. Malgré le peu de séduction dégagée par des grilles de fer galvanisé, nous vivons là un pur moment de poésie.
 
 [Nous faisons face à une nouvelle sculpture]
D : Donc là on a une pièce qui s’appelle IP5, de Nicolas Sahnes, donc qui est un artiste qui s’inscrit dans une pratique, là aussi en lien avec l’émergence de la forme, de l’abstraction. À partir de grands  profilés d’IPN métalliques  [i.e. Poutrelle I à profil normal] qu’il va découper, monter. Il va dresser comme ça comme un tracé, comme une sinuosité matérielle, qui s’affirme, à travers ces grandes formes […] Ces œuvres dialoguent bien avec les espaces extérieurs, et puis elles viennent montrer la diversité du tracé. […] La pièce de Nicolas Sahnes est une sorte de module, comme ça, où un espace est suggéré, intérieur, et puis entouré de ce développement de la forme
M : il y a un côté organique
[Nous faisons face maintenant à l’oeuvre d’Antoine Dorotte (Una Misteriosa Bola, 2011)]
D : Et là on a une boule, une sphère, on est sur une structuration complètement différente, parce que c’est une architecture géodéiique en fait, qui se trouve à l’intérieur, et qui permet de couvrir la surface de cette sphère de plaques de zinc qui sont découpées, assemblées, une à une, et travaillées à l’acide, et qui donne à l’objet une dimension pour le coup alors organique, végétale, on dirait un gros chou-fleur
M : C’est très beau
D : On dirait… un bourgeon prêt à éclore, et qui vient se positionner dans le parc.
M : C’est très beau
D : C’est une très belle pièce, et puis du coup elle dialogue beaucoup avec les feuilles, les arbres qui sont autour, en fonction de la lumière, c’est vraiment une belle réalisation. Et par rapport aux différents endroits où elle a été présentée, ici c’est particulièrement réussi parce qu’on a pu décaisser le sol, elle est située en contre-bas, et très certainement — c’est une attente de la part d’Antoine — on est ici à un endroit très verdoyant et, on le sait, il y a une remontée d’eau par capillarité dès lors que le Loing monte un peu, donc elle va être à un moment donné ici, au cœur d’une petite mare, qui va apparaître, et ça sera aussi une manière de la découvrir d’une manière différente.
M : Combien ça pèse ça ?
D : C’est plus d’une tonne. Je crois qu’il y a 800 kg à peu près de zinc, et puis il y a toute la structure intérieure, qui est faite de petits éléments de tôle et de fer.
M : D’accord ! Sacré boulot hein ?
D : Oui. Un gros temps de montage. Antoine est venu avec deux assistants, ils ont passé quasiment une semaine pour monter cette pièce là, mais… elle est vraiment très belle.
M : Oui oui, oui.
D : C’est assez drôle parce que, quand on est dans le rapport à l’art contemporain, la notion de « beau », de « beauté », c’est pas forcément ce sur quoi le public base son appréciation. Mais une pièce comme celle-ci, le travail de Nicolas Sahnes, le bâtiment, les espaces, d’une manière assez naturelle, quelque soit le visiteur, ce rapport à une forme de beauté ou à des formes de beauté possibles, apparaît très facilement. […]
M : C’est marrant parce que de loin elle [la Misteriosa Bola] a un côté doux mais de près elle a un côté agressif hein ?
D : Un peu oui. C’est ça qui est assez fascinant… Alors son titre c’est Une Boule Mystérieuse ; et je pense qu’elle porte parfaitement bien son titre. Parce que d’abord on ne sait pas comment c’est construit, comment c’est fabriqué
M : C’est clair que non !
D : On est sur le registre de l’architecture, on est en même temps sur le registre du végétal, on est sur le registre presque un peu de l’armement, j’ai envie de dire, parce que c’est un objet…
M : Oui oui, il y a un côté menaçant
D : Voilà un peu menaçant
M : Il y a côté un peu grenade !
D : En même temps, on le sait, au niveau des végétaux, des constructions, des architectures végétales, sont aussi là pour se protéger
M : Oui, elles sont défensives, bien sûr, oui oui. […] Très bien ! Merci beaucoup !
D : Merci
bola1

Antoine Dorotte, Misteriosa bola, (Zinc, et matériaux divers)

bola3Dorotte, Bola Misteriosa (détail)

  1. Il faut signaler ici qu’à Amilly, pendant dix ans, a officié la galerie d’art contemporain l’agART, fondée par Sylvie Turpin et Patricia Reufflet. Il y a fort à parier, à ce propos, que sans cette galerie, jamais le site des Tanneries n’aurait vu le jour. (Voir http://www.galerieagart.com/expositions). 
  2. Autotélique: Autotélisme est un concept issu de la philosophie grecque antique. Il est composé de deux mots: “auto”, qui signifie « soi-même », et “telos”, qui signifie « but ». Quelque chose est autotélique quand elle possède sa propre fin en soi. Dans le cas de l’oeuvre d’art, Degoutte semble donc vouloir dire que ce n’est qu’à partir de Malévitch, par exemple, qu’elle devient auto-suffisante, immanente à elle-même. Mais on pourrait discuter cet argument, et faire remarquer que s’il y a oeuvre d’art, c’est parce qu’elle existe en en elle-même, et que ce “principe d’existence” fait qu’elle est autotélique. De ce point de vue, alors, l’oeuvre a toujours été autotélique. Dès que quelque chose comme l’art existe, nous avons un objet qui possède sa propre fin en soi. 
  3. “Immanent” est encore un concept philosophique, très chargé, et que nous pourrons développer ici. Ma suggestion, reprise par Degoutte, c’est qu’il existerait une immanence propre à l’art, qui fait que, finalement, une oeuvre d’art est toujours actuelle. Par exemple, il serait, de ce point de vue, impossible de dire que les tableaux de Rembrandt sont de vieux tableaux: leur pouvoir performatif de l’oeuvre est “actuel”, il a lieu maintenant et ici. De ce point de vue, les oeuvres sont immanentes car n’ont besoin de que d’elles-mêmes, et qu’elles traversent le temps. (La réception des oeuvres d’art est, bien sûr, une toute autre chose, qui ne peut, elle, se désynchroniser de la temporalité.)
  4. Crédit photo en une : Ville d’Amilly.