Avec Jean-Christian Bourcart, l’exemplaire “transfiguration du banal”. (Entre incidence et réfléchi)

  Pour IW

Rappelons que l’expression “transfiguration du banal” provient d’un fameux article du philosophe  Arthur Danto, avant d’en devenir le titre éponyme d’un livre, The Transfiguration of the Common PlaceA Philosophy of Art, 1981, et qu’il l’a emprunté au titre fictif d’un ouvrage dans un livre, pour le coup bien réel, de Muriel Spark. En quoi consiste cette “transfiguration” pour Danto ? Il s’agit tout bonnement de transformer par exemple une personne a priori basale — on devrait dire « basale » et non pas « basique », dérivé de l’anglais “basic”. Ce qui est basal, est en bas, à la base (et pas non plus « de base », pitié ! ) ; et ce qui est en haut, est « apical », pour votre gouverne —, en héroïne. Pour Danto, cela se traduit, en art, littéralement, par des « banalités faites art » (op.cit) (“banalities made art”); et alors de convoquer inévitablement l’urinoir duchampien (ou pas, Elsa von Freytag-Loringhoven ?) et la “Brillo Box” de Warhol, copiées sur les authentiques boîtes de savon Brillo. (Passons sur le mythème qu’avec ces boîtes reproduites à l’identique par Warhol, Danto a vu là rien moins que la « fin de l’art », à l’instar d’un Hegel qui, voyant Napoléon sur son cheval, en 1806 à Iéna, aura lui, vu, la « Fin de l’Histoire »). Que Danto ait halluciné dans ces objets warholiens le signe de la fin de l’art est pour le moins une vue de l’esprit. Cependant, ce qui nous intéresse ici, et ce pourquoi Danto est utile, c’est justement en quoi les artistes sont capables de transformer le banal en art. Ce n’est pas une mince affaire. C’est même très difficile. Postulons d’abord que nous comprenons ici le terme « banal » comme étant la moindre chose commune, soit un nuage, un visage, un marteau, une voiture de série. Notez que, souvent, ce qui était banal au départ, peut le devenir moins quand nous commençons de regarder ; mieux, de contempler. Mais si nous en restons au banal, nous croisons chaque jour, dans les villes méphitiques, des milliers de visage, que nous oublions pour la plupart sitôt aperçus, et voilà donc un indice du banal, qui, précisons-le, n’indique rien de péjoratif. Ainsi, et par exemple, pensez à un portrait du XIXe siècle, au hasard, cherchons…        

Alexandre Cabanel, “Portrait de Pierre Cabanel”, 1883, huile sur toile, 74 x 53 cm, Musée Fabre, Montpellier

Nous sommes en 1883 (rappelons que “Le déjeuner sur l’herbe” date de 1863…). Ce tableau de Cabanel, comme la majeure partie de sa production, n’a aucun intérêt. Pourquoi ? Parce qu’il ne “dit” rien. Si l’on peut dire que c’est peint correctement, c’est tout de même le minimum, pour le coup, académique. À ce propos, en 1882, Seurat, avec “Maisons et jardin”, a bien rompu les amarres (ici), et de loin. Autrement dit, là où des peintres tels que Monet (“Intérieur, après dîner”, 1868, ici), Seurat, Manet, avaient, depuis un temps certain, assumé la transformation du banal. Or, en 1883, Cabanel ne sait pas faire cela, à moins qu’il n’en eut cure ; ce qui est davantage probable. Pour en revenir à l’expression “transfiguration du banal”, je ne la vois pas dans la Brillo box, mais dans justement l’écart non-mimétique produit par des artistes tels que les précurseurs ci-avant cités, sans oublier Turner (sauf Cabanel, et bien d’autres). 

Maintenant, passons au travail de Bourcart, et précisément à sa série “Traffic”. Le photographe saisit des situations que nul, excepté un artiste photographe, ne prendrait le temps de considérer, à savoir principalement des personnes en situation d’attente et de passage dans des voitures et transports en commun (“no pun intended”). Mais tout à coup, voilà que je pense à Vivian Maier, photographe amatrice, “découverte” posthumément et couverte de gloire qui, elle aussi, au détour de ses sorties et promenades, photographiait apparemment souvent au débotté, comme ici :

 

Le lecteur va voir l’enchaînement très rapidement, entre Maier et Bourcart, voici :  

Jean-Christian Bourcart, Série “Traffic”, photographie, 1999-2003

Maier, on le sait, n’a jamais ressenti aucune velléité d’exposer, et donc personne du “milieu” n’a jamais vu son travail. Comme il n’y a pas eu de travail d’édition, on montre toutes les photos sur lesquelles on peut tomber, et si certaines, pour le coup, sont très marquantes, d’autres ne le sont pas du tout. Pourquoi ? Parce qu’elles ne font qu’attester de la banalité du quotidien (nous ne sommes pas toujours en état de contemplation, et la vie quotidienne est bien remplie de vides banals, et il ne s’agit pas nécessairement ici d’une formule pléonastique, le vide peut être “comblant”, accueillant, etc.). Et c’est bien ce qu’illustre la photographie de Maier (plus haut, le garçon dans la voiture); elle est banale, entendez, sans transfiguration). En revanche, regardez celle de Bourcart ci-dessus. Là encore, un amateur la jetterait, mais pas un photographe. Pourquoi ? Il s’agit presque d’un diptyque, mais très décalé ; il y a cette petite partie à droite qui reprend le côté gauche du visage en l’élargissant et le déplaçant ; voyez ? Soit cette femme est dotée d’une énorme tête, soit il y a un décalage optique. Je penche pour la seconde hypothèse ; il suffit de constater que le côté gauche est sensiblement désaxé par rapport au côté droit du visage. Du coup, dans cette banalité, surgit du monstrueux (il est possible que cette femme soit dotée d’un tel visage…). Curieusement, le sentiment du monstrueux est rehaussé par le dossier très rouge, signe inquiétant. Passons à une autre image de Bourcart, davantage épiphanique :

Jean-Christian Bourcart, Série “Traffic”, photographie, 1999-2003

Si l’on ne sait pas dans quelle circonstance a été prise cette photo, on peut se demander dans quel milieu évolue cette jeune femme. Il y a quelque chose (piqueté sale de particules, tête penchée, yeux clos) qui fait penser à la fois à Serrano et à une ambiance mystique (ce qui peut-être tout à fait complémentaire). Par ailleurs, ce rose comme brossé est tout à fait étonnant. On note aussi les touches blanches façon de piano en haut de l’image (probablement un lettrage de magasin, ou autre). Déformation chromatique naturelle des formes non naturelles. Allez comprendre. Encore une fois, le moindre photographe amateur ne garderait pas une telle image, considérée certainement comme ratée. Or elle ne l’est pas. Transfiguration du banal : Une scène du commun, du monde commun qui, en temps normal, est prosaïque, voire laid, déprimant, parce que tout le monde fait la moue, ou quasi. Mais voici que, dans le coin, se trouve un photographe, prend ce moment de réalité prosaïque, découpe dans le réel, et en restitue donc ce qui au départ n’est pas une image, c’est un événement.  

Nb. Il faut resituer la notion tel que : 

Chaque événement est un fait individuel résultant d’une individualisation de l’activité du substrat. Mais individualisation ne signifie pas indépendance substantielle. Une entité dont nous prenons conscience dans la perception sensorielle est le point final de notre acte de perception. Je qualifierai cette entité d’objet sensoriel [“sense-object”]. (Whitehead, 1925)  

Un événement, en philosophie, ce n’est pas quelque chose d’exceptionnel, cela indique toujours d’abord un cadre spatio-temporel, à une échelle donnée, c’est-à-dire choisie par l’expérimentateur (qu’il soit artiste ou scientifique, etc.) ou imposé par le cadre. Ainsi, en choisissant ce cadre, cet événement parmi bien d’autres —  une infinité — dans le réel/réalité (deux entités distinctes mais souvent associées), le photographe discrimine et, en quelque sorte, donne une seconde chance à l’événement qui, en toute logique, n’a jamais lieu qu’une seule fois, le temps de son actualité — « actualité » signifie fin du processus d’actualisation ; ça va assez vite, voire très. Il y a très longtemps, à la radio, un philosophe devenu médiatique mais respectable quand à son intelligence, ce qui n’est pas le cas des purs “philosophes médiatiques” — cherchez l’oxymoron —, parlant de l’“événement”, entendait préciser que l’événement, « c’est ce qui arrive». Non. Ce n’est pas cela, au sens rigoureusement philosophique, un événement. Cela se situe plutôt dans ce que nous venons de rappeler. En ce sens, bien entendu que votre propre corporéité constitue un ensemble extraordinaire d’événements qui, tous associés, représentent ce qu’on appelle un organisme. Or qu’est-ce qu’un organisme si ce n’est, tout à la fois, au moment t, une infinité d’événements et pas nécessairement reliés entre eux (le sang circulant dans vos artères est-il concerné par votre pensée à cet instant ?) et qui sont tous, pour la plupart, actualisés ? (Je ne parle pas de ces millions de fragments de peau morte qui se détachent de votre corps chaque jour, permettant la création de nouvelles cellules, ni non plus de ces deux millions de globules rouges qui sont régénérés à chaque seconde !, etc.). Revenons.

Jean-Christian Bourcart, Série “Traffic”, photographie, 1999-2003

Voici une scène très complexe. C’est, pour le coup, un diptyque plus équilibré. Presque deux univers radicalement différents, en nature, dont on se demande comment ils peuvent être réunis ? Est-ce un montage ? Je ne le crois pas, si l’on comprend bien ce nous dit le photographe dans le texte afférent à la série. Il se trouve dans la rue, avec son téléobjectif, et il shoote ; repéré, ou non. Donc, effet de reflet ? Je ne sais. Ce que je “sais”, en revanche, c’est que cette photographie m’intrigue. Je pense qu’il s’agit d’un reflet (image de droite) projeté sur ce qui n’en est pas un, entendez, une “vraie” partie de réel, image de gauche. Quand j’écris une “vraie partie de réel”, je sous-entend ce que l’on peut toucher, tandis qu’on ne peut pas toucher un reflet. Je peux laisser une empreinte sur le montant du “vrai” réel à gauche, mais certainement pas sur un reflet, comme à droite. Et voilà que notre diptyque se précise ! Une partie réelle, et une partie virtuelle. La jeune fille ne peut pas se trouver dans un véhicule, c’est trop carré comme encadrement. Elle se tient donc à une fenêtre, et elle ferme les yeux car elle prend le soleil. Elle profite. On voit bien la notion de diptyque, car le photographe a voulu aussi inclure un autre personnage, celui de gauche. Lui est assis dans un véhicule de transport en commun, il est vêtu de bleu et porte une casquette verte. Je pense qu’il parle avec son voisin (ou sa voisine). Voyez un peu “toutes” les questions que l’on peut se poser, sans oublier celles auxquelles je ne pense pas ; c’est un indice de richesse visuelle, et, mais nous le savions, que nous avons affaire à un photographe, doté d’un œil et, disons-le ainsi, d’une tendance fictionnelle intégrée. J.C. Bourcart : photographe en événements et fictions auto-générées. 

Jean-Christian Bourcart, Série “Traffic”, photographie, 1999-2003

Et là, la beauté. Un très beau visage, paisible, mais quelque peu tacite et/ou interrogateur… S’il s’agissait de peinture, on se demanderait d’où viennent ces sortes d’algues qui incrustent l’image, mais c’est une photographie, et on ne le questionne pas, puisque c’est un reflet. Mais pourquoi le garder ? Parce que c’est — plastiquement —  plus intéressant. Il y a en effet un double effet de vitesse (ces feuilles d’arbres (?) devenues des algues) avec la pose de la jeune femme. Nous avons donc : vitesse + temps arrêté, une bonne définition de la photographie (il y en a d’autres, bien évidemment). Certainement que sans cet effet de feuillage accéléré, la photographie serait moins énigmatique, car, je dois vous l’avouer, cher lecteur, chère lectrice, je ne comprends toujours pas comment il est possible que les rayons lumineux soient capables à la fois de traverser les éléments tels que l’air ou l’eau tout en répercutant sur la moindre surface réfléchissante rencontrée un reflet. Je ne comprends pas ce phénomène, quand bien même j’ai pu en lire fois sa définition scientifique. Mais je ferais bien le pari que bien plus nombreuses sont les personnes qui, comme moi, ne comprennent en général rien aux théories scientifiques que l’inverse. Restons un instant avec les lois de la réflexion, établies par Descartes et Snell (XVIIe siècle) :  

 

Schéma de principe de la loi de la réflexion : les faisceaux incidents et réfléchis forment avec la normale le même angle, qu’il faut orienter correctement.

En octobre 2011, un groupe de chercheurs internationaux ont généralisé les lois de la réflexion et de la réfraction. L’idée consiste à modifier l’interface séparant les deux milieux de façon à introduire un déphasage sur le faisceau lumineux qui ne soit plus uniforme mais qui dépend de l’espace. Pour ce faire, ils ont décoré l’interface avec une matrice d’antennes plasmoniques de taille nanoscopique, qui permettent d’introduire un gradient de phase constant le long de l’interface. [je vous fais grâce des équations qui suivent et qui sont équivalentes, pour ma part à l’écriture chinoise ou sumérienne, pour aboutir à ce constat :] La loi de la réflexion est surprenante : l’angle de réflexion n’est plus nécessairement égal à l’angle d’incidence. (Wikipedia). 

J’en conclus donc que la détermination des phénomènes réfléchissants, le supposé angle isomorphique entre entre incidence et réflexion, ne peut pas être basée sur un calcul scientifique, me voilà rassuré. Rappelons par ailleurs qu’une loi scientifique est toujours produite à partir de conditions très strictes de mesure dans un environnement donné, ce qui rend la loi scientifique “abstraite” (laboratoire, expérimentation in situ, postulat), c’est-à-dire qu’on n’établit pas un théorème scientifique dans la rue, par exemple ; or nous passons beaucoup de votre vie dans la rue, beaucoup moins en laboratoire. Ainsi donc, pour en revenir aux photographies de la série “Traffic”, de Bourcart, si l’angle de réflexion n’est plus nécessairement égal à l’angle d’incidence, cela permet donc de se dire qu’à chaque seconde ou presque, la photographie serait tout à fait différente, quand bien même elle aurait visé le même sujet ; ce qui nous renvoie au fameux et presque mythique “instant photographique”. Mais n’est-ce pas cela, aussi, une photographie ?, celle qui s’établit dans l’“instant”, et ce qui explique en partie pourquoi certaines sont sans intérêt, et d’autres non, à savoir, et pour reprendre en complément une notion de Whitehead (1925), que j’applique maintenant à la théorie de l’art (ce qu’il n’avait pas prévu), à savoir donc qu’il existe des “événements pleins” et les “événements vides” : 

Un événement vide [“empty event”] est quelque chose en soi, mais il ne parvient pas à réaliser une individualité stable de contenu. Du point de vue de son contenu, l’événement vide est un élément réalisé dans un schéma général d’activité organisée. 

Whitehead n’écrivait pas du tout ici en rapport avec l’art, mais cette définition convient très bien à ce que nous voulions dire :

Axiome (du dimanche) : Une photographie capte un “événement” plein, ou vide.

Maintenant que nous avons tiré la notion d’« événement » vers la théorie de l’art, posons-nous la question de savoir si nous pouvons l’appliquer à d’autres champs, tels que la peinture, ou la sculpture, par exemple. A priori, seuls les arts de l’image — photographie, cinématographe —, seraient concernés, car voici des arts qui ont nécessairement besoin d’un cadre spatio-temporel réel, à savoir les quatre dimensions (je ne considère pas ici l’animation ou le cinéma virtuel, fond vert, etc.). Un peintre n’a pas besoin de profondeur, mais d’un support qui, par définition, agit comme une surface, et donc comme un mur. Le sculpteur peut développer son œuvre dans l’espace, mais il peut “détacher” la notion de temps de son travail. À l’inverse, photographie et cinéma impliquent et donc obligent à toujours considérer le “moment” comme un bloc quadridimensionnel (trois dimensions de l’espace + Temps), et ce même si c’est pour tout ramener au plan (développement, tirage), les deux ont besoin de profondeur. Un ou deux derniers pour le chemin optique :

Jean-Christian Bourcart, Série “Traffic”, photographie, 1999-2003. (Photographie inédite envoyée par l’artiste). 

C’est étonnant comme reflet et traversée de media transparents ou diaphanes perturbe le chemin de la lumière ! Je me demande tout à coup si l’appareil photographique ne saisirait pas plus vite que l’œil l’instant. Si, bien entendu, mais il faut le repréciser, tant nous avons tendance à croire que ce que l’appareil technologique photographique “voit” notre œil peut le voir aussi. Or bien entendu, c’est une erreur. Prenez un bon Reflex numérique, fixez-le en “mode sport”, shootez les martinets au dessus du fleuve qui virevoltent sans cesse. Vous avez quelques images intéressantes, notamment celui où l’on voit cette prise comme figée, où se distinguent bien les ailes de l’oiseau et même ses plumes bien distinctes. Cette image là, il est impossible de la saisir avec vos seuls yeux. Pourquoi ? Parce que cela va beaucoup trop vite. De la même manière, l’image ci-dessus, peut-on conjecturer, dure certainement l’instant justement de shooter. Ce qui est, par ailleurs, amusant, du point de vue expérientiel, c’est que les deux passagers ne se voient pas ainsi, façon peau-rouge et carnaval… Et notez, encore une fois, le jeu lumineux, décidément facétieux, qui fait passer le dossier du siège en avant au point de s’immiscer organiquement entre front et bonnet, quand l’écharpe (?) bleue semble une longue main gantée extraterrestre ! Sans oublier la frontale vert fluo sur le front… Dès qu’il y a un reflet, le moindre indice, comme juste à côté du joint de la vitre en bas à droite, la lumière en profite pour faire délirer le réel. Terminons avec une dernière image, en précisant que nous pourrions écrire encore sur d’autres : 

Jean-Christian Bourcart, Série “Traffic”, photographie, 1999-2003. (Photographie inédite envoyée par l’artiste). 

Alors celle-ci, franchement, elle est assez, presque, pas loin, sublime. On dirait un véritable visage, et non pas le seul résultat de la transsubstantiation de l’onde électromagnétique sinusoïdale ← définition de la lumière. Nous sommes à mi-chemin entre poisson mort et gisant. C’est magnifique. Ce qui est bien, avec la photographie, c’est qu’elle est la seule capable de proposer des visions du réel-réel (c’est-à-dire ce qui existe vraiment) en regard de la peinture qui, elle, en est bien démunie. Pour le dire ainsi : s’il s’agissait d’un tableau, on se demanderait comment le peintre a obtenu cette vision même si, évidemment, nous l’accepterions bien volontiers, il n’en demeure pas moins qu’il s’agirait d’une projection issue de l’imagination du peintre, tandis que Bourcart, photographe, n’imagine pas le réel/réalité, il le “voit” en direct, et il s’en saisit. Là encore, il s’agit des manifestations de phénomènes de réflexion et de réfraction focalisés sur des objets et sujets, et on pourrait (peut-être) se dire qu’il suffit juste de prendre ce genre d’image pour faire “du Bourcart” ; mais on en sera pour ses frais, car, on ne le dira jamais assez, un photographe, c’est un œil, et si on peut acquérir le même appareil photographique que l’artiste, un œil idoine ne s’achète pas.  

PS. le 13 octobre 1806 alors qu’il vient d’achever la rédaction de la Phénoménologie de l’Esprit, Hegel, dans une lettre, écrit : « J’ai vu l’Empereur — cette âme du monde — sortir de la ville pour aller en reconnaissance ; c’est effectivement une sensation merveilleuse de voir un pareil individu qui, concentré ici sur un point, assis sur un cheval, s’étend sur le monde et le domine  ». 

PPS. “Each event is an individual matter of fact issuing from an individualisation of the substrate activity. But in­ dividualisation does not mean substantial independence. An entity of which we become aware in sense per­ ception is the terminus of our act of perception. I will call such an entity, a sense-object.” Whitehead, Science and the Modern World, 1925.  

Léon Mychkine

écrivain, Docteur en Philosophie, chercheur indépendant, critique d’art, membre de l’AICA-France

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